L’Assemblée nationale pose le lien entre argile et climat

Aux assureurs de prouver qu’une fissure ne provient pas d’un retrait ou d’un gonflement d’argile ! La présomption de causalité climatique de ce phénomène constitue le pilier de la proposition de loi portée par la députée écologiste Sandrine Rousseau. L’Assemblée nationale doit examiner le 6 avril le texte inscrit à son ordre du jour dans le cadre des niches concédées à l’intergroupe Nupes.

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Sandrine Rousseau
La députée écologiste Sandrine Rousseau porte la proposition de loi sur l'indemnisation des fissures causées par les retraits et gonflement d'argile.

10 millions de maisons françaises présentent des risques de retrait et gonflement d’argile (RGA), dont 3,5 millions en situation de danger immédiat. « Quand je suis tombée sur ces chiffres établis par la Cour des comptes après être rentrée dans le dossier un peu par hasard, j’ai décidé de ne plus le lâcher : j’y vois un révélateur de la mission sociale et écologique d’un Etat qui protège », confie Sandrine Rousseau. L’encouragement à la construction de nombreuses constructions de maisons en zone argileuse, avec des prêts bonifiés et des permis de construire, rappelle à ses yeux l’évidence de la responsabilité de la puissance publique.

Victimes désemparées

Au cours des investigations qui ont abouti à la rédaction du rapport d’information parlementaire qu’elle a co-signé avec Sandra Marsaud (Renaissance), la députée écologiste de Paris a croisé les victimes.

« Perdues, abandonnées dans une forme de maltraitance institutionnelle, elles croulent sous une montagne administrative dont elles ne maîtrisent rien, alors que leur maison a mobilisé l’essentiel de leur capacité d’investissement sur toute une vie », décrit-elle. La jungle administrative s’ajoute à la carence des expertises : « L’un prescrit l’abattage des haies qui assécheraient les sols, quand l’autre recommande leur maintien, pour en préserver l’humidité. De même, certains chercheurs plaident pour les terrasses, d’autres disent surtout pas » !, soupire Sandrine Rousseau.

Compromis transpartisan

La restitution d’une capacité des victimes à agir constitue le motif premier de sa proposition de loi. Dans les communes en situation de catastrophe naturelle, la présomption de causalité climatique des RGA ouvrirait droit à indemnisation, dans le cadre du fonds Barnier.

Les débats préalables à l’examen du texte ont abouti à un compromis sur la gravité des sécheresses à prendre en compte : entre les occurrences de cinq ans proposées par les écologistes et les 15 ans demandés par les Républicains, l’accord s’est noué sur 10 ans. Les groupes prêts à soutenir le texte se sont également mis d’accord pour prendre en compte l’effet cumulatif de plusieurs sécheresses sur l’aggravation des dommages, comme le préconise l’ordonnance du 8 février sur la prise en charge des fissures. En revanche, la proposition de loi élargit l’assiette à « toutes les fissures », alors que l’ordonnance la restreint à celles « susceptibles d’affecter la solidité du bâti ».

Dynamique préventive

« A 1 euro par an de prime d’assurance sur 10 ans, le coût ne constitue pas un obstacle infranchissable », estime la députée. A l’inverse, l’absence de réaction, à Matignon comme à l’Elysée, à la suite du rapport d’information parlementaire, laisse craindre une bombe à retardement, même si les sources manquent, pour objectiver l’analyse : aucune simulation n’existe, ni sur le montant des indemnisations qui découleraient du texte, ni sur la facture de l’inaction, redoutable mais plus lointaine.

A partir du retournement de la charge de la preuve, la députée espère susciter une dynamique qui positionne la prévention des RGA comme une priorité des politiques publiques. La recherche et la formation d’experts labellisés corrigeraient le déficit de connaissances.

L’enquête parlementaire a d’ailleurs révélé une piste prometteuse : selon un post-doctorant du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), le goutte à goutte alimenté par les eaux grises offrirait une solution efficace, et peu coûteuse. « Il faut multiplier les expérimentations », proclame Sandrine Rousseau.

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