Jurisprudence

La Cour de cassation précise les critères de la réception tacite

La contestation d'une réception tacite devient de plus en plus difficile. La Haute juridiction judiciaire réaffirme de plus que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot.

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Le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître d’ouvrage valent présomption de réception tacite
Marchés privés

"Le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître d’ouvrage valent présomption de réception tacite", énonce la Cour de cassation dans une décision du 30 janvier 2019.

Un particulier confie à un entrepreneur des travaux de terrassement et de gros œuvre en vue de réaliser une construction permettant de relier deux bâtiments d’habitation. Il paie intégralement ces travaux. Des désordres apparaissent et, après expertise, le maître d’ouvrage assigne l’entrepreneur et son assureur décennal en responsabilité. C’est sur le fondement de la réception tacite des travaux que le litige est tranché en appel, l’assureur mis hors de cause et la responsabilité de l’entrepreneur retenue sur le fondement contractuel.

Volonté non équivoque ?

L’article 1792-6 du Code civil ne prévoit pas la réception tacite, mais elle est admise par la jurisprudence, à charge pour celui qui en invoque l'existence d'en apporter la preuve. Encore faut-il que soient établis non seulement le caractère contradictoire de la réception mais aussi la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir les travaux.

Sur ce dernier point, la cour d’appel de Rennes avait jugé en l’espèce que la volonté non équivoque d’accepter les travaux de gros œuvre ne pouvait pas résulter de la simple entrée dans les lieux ou de la prise de possession et du paiement du prix des travaux. Elle avait en outre rejeté la réception partielle tacite du lot. Excluant ainsi la mise en œuvre de la garantie décennale de l’entrepreneur.

Réception tacite présumée

C’était, pour les juges d’appel, ne pas tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci institue, depuis 2016, une présomption de volonté non équivoque du maître d'ouvrage et, par conséquent une présomption de réception tacite, lorsque la prise de possession s'accompagne du paiement du marché (Cass. 3e civ., 24 novembre 2016, n° 15-25415).

Un virage dont confirmation vient d’être donnée, en l’espèce, par la cassation de l’arrêt d’appel. La réception tacite n’est pas conditionnée à la preuve de la volonté non équivoque de la part du maître d'ouvrage d’accepter les travaux de gros œuvre alors que celui-ci a payé la dernière facture. La décision de cassation réaffirme en outre que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot.

Refus non équivoque !

En jugeant ainsi que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et l’entrée en possession du maître d’ouvrage valent présomption de réception tacite, la Cour de cassation rend difficile la contestation d’une réception tacite. En pratique, seul désormais pourra l’écarter, quand le maître d’ouvrage aura payé la facture et pris possession de l'ouvrage, son refus non équivoque de réceptionner les travaux.

En l’espèce, n’ayant pas protesté continûment et de façon répétée au sujet de la qualité des travaux (Cass. 3e civ., 24 mars 2016, n° 15-14830), le maître d’ouvrage est réputé avoir réceptionné tacitement les travaux. Ce qui ouvre le champ de la responsabilité décennale de l’entrepreneur et de son assureur.

Cass. 3e civ., 30 janvier 2019, n° 18-10197, 18-10699

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