La maison individuelle se met au pli de la RE 2020

Logement -

Avec un peu d'anticipation, de nombreuses simulations, un coût en hausse et quelques frustrations, les constructeurs abordent avec plus ou moins de bonheur la nouvelle réglementation environnementale.

 

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Deux ans avant la mise en application de la RE 2020, le constructeur Trecobat a conçu une maison expérimentale dotée d’une structure béton bas carbone en rez-de-chaussée et d’un étage conçu en ossature bois.

Deux mois après le lancement de la RE 2020, fixant les nouvelles règles de construction obligatoires pour les demandes de permis déposées depuis le 1er janvier, les constructeurs de maisons semblent être préparés à cette étape. C'est le cas de Trecobat, qui en livre 1 500 par an : « La RE 2020 va dans le sens de l'histoire, explique son P-DG, Alban Boyé. Après avoir l'été l'un des premiers à livrer des maisons BBC et nous être investis dans le projet Comepos (maisons à énergie positive), nous avons utilisé une version bêta de la RE 2020 en juillet 2021 pour caler notre offre commerciale en octobre. » Les simulations avec les bureaux d'études ont été semées d'embûches : « Nous avons recadré nos choix techniques en les adaptant à chaque région climatique, précise Hervé Chavet, directeur technique et R & D d'Hexaom (8 578 maisons commandées en 2021). Nous avons ainsi dû nous questionner sur l'épaisseur d'isolant dans le Sud, où les pentes de toit sont plus faibles qu'en Bretagne, en nous axant davantage sur la performance du plancher. » Pourtant, des grincements de dents sont perceptibles.

La RE 2020 est-elle en train d'uniformiser la maison individuelle ? C'est le sentiment de Franck Geneix, fondateur de Maisons Alysia (700 unités vendues et 500 livrées en 2021) : « Pour être conforme aux indicateurs et au moteur de calcul, exit les grands décrochés. Nous avons dû supprimer 70 % des modèles de notre catalogue et l'on se dirige vers des maisons carrées stéréotypées. » Même son de cloche chez Trecobat où les patios ouverts et leurs ombres portéessont désavantagés par le moteur de calcul : « Il y a des angles morts, regrette Alban Boyé. Près de 15 % de nos maisons sont en bois, et nous avons découvert que le moteur de calcul prend mal en compte l'inertie, à tel point que sa première intention était de proposer du béton pour remettre de la masse ! Les six paramètres de la RE 2020 sont tous interdépendants et l'on peut être très vite pénalisé ». Les professionnels s'entendent pour dire que les grandes surfaces sont désormais quasiment écartées de la construction : « On ne peut plus réaliser une maison de quatre chambres avec deux toilettes séparées, une salle de bains, une salle d'eau, en raison de non-conformités en matière de ventilation », regrette Sylvain Massonneau, dirigeant de Tradimaisons et vice-président du Pôle Habitat de la FFB (lire p. 10). Contacté sur ces critiques relatives à la méthode et au moteur de calcul, le cabinet d'Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, se dit ouvert à toute modification : « Si des bugs conséquents dans la méthode de calcul venaient à être détectés, nous pouvons tout à fait envisager d'y apporter des modifications sans qu'il y ait besoin de clause de revoyure. A ce jour, nous n'avons pas eu de telles remontées par les professionnels. »

Effet d'aubaine en 2021. Dans le secteur de la maison neuve, on se souviendra longtemps du quatrième trimestre 2021, dernière étape avant l'application de la RE 2020 : « Par rapport à l'année 2020, nous avons enregistré une hausse de 200 % du chiffre d'affaires au seul mois de décembre ! », s'exclame Franck Geneix, de Maisons Alysia. Car un point retient l'attention des acheteurs : l'évolution des prix, induite par la RE 2020, qui vient s'ajouter à la hausse, déjà observable, du prix des matières premières. Hexaom a effectué des milliers de simulations pour « réduire le surinvestissement » : « Par rapport à une maison en RT 2012, la RE 2020 induit, hors inflation des matériaux - 8 % en 2021 - une hausse des coûts de construction de 5 % en zone H1 [Nord de la France, NDLR] et jusqu'à 11 % en H3 [pourtour méditerranéen, NDLR], hors terrain bien évidemment », détaille son directeur technique et R & D. Pour le fondateur de Maisons Alysia, le coût de construction supplémentaire est compris entre 5 et 7 %, « une contrainte supplémentaire dans un contexte où le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) limite la durée des prêts immobiliers, ainsi que la part de revenus consacrée au remboursement ».

L'évolution des prix, induite par la RE 2020, s'ajoute à la hausse, déjà observable, du prix des matières premières

La maison individuelle reste toujours aussi attractive, même si la RE 2020 ne semble pas jouer, pour l'instant, un rôle décisif auprès des acquéreurs : « La RT 2012 portait une promesse auprès du client, celle de l'imperméabilité à l'air et de l'efficacité énergétique, explique le P-DG de Trecobat. Avec la RE 2020, que lui proposons-nous ? Une économie de 30 à 40 €/an par rapport à notre mode constructif. L'intérêt est moindre. Avec la décarbonation, nous lui expliquons qu'il participe à la transition énergétique, mais s'il a entendu parler d'une nouvelle réglementation, il a, en réalité, peu de questions à nous poser. » Du côté d'Hexaom, le sentiment est identique : « Nous expliquons aux clients que leur maison est mieux isolée, plus confortable, plus performante en été et que l'impact carbone est réduit. En retiennent-ils quelque chose ? Le doute est permis », s'interroge Hervé Chavet.

Selon les constructeurs, les entreprises du bâtiment sont prêtes : « Pour un plaquiste, poser 12 ou 14 cm d'isolant, ça ne change pas grand-chose », lance Hervé Chavet, plutôt préoccupé par la solution énergétique et la ventilation : « De nombreux chauffagistes n'ont pas encore une formation de frigoriste pour être complètement opérationnels en matière de pompe à chaleur, quasiment la seule solution énergétique proposée, mais c'est une question de temps. Quant à la ventilation, nous allons notamment accompagner les électriciens sur des chantiers test, avec le soutien d'industriels. Il s'agit d'être aussi prêts sur les systèmes de ventilation avec la RE 2020 que sur la perméabilité avec la RT 2012. » Si chacun estime que la première phase de la nouvelle réglementation n'est pas « insurmontable », et que le retour d'expérience permettra de se rassurer, certains anticipent la suite. A un horizon de cinq ans, Franck Geneix prépare avec la société Batiprint 3D (Nantes) une maison en 3D d'ici à la fin 2022 : « Pour pallier le manque de main-d'œuvre, continuer à rendre la maison accessible, ne plus utiliser de système énergétique, je réoriente la société vers une construction 3D décarbonée en terre crue et terre battue. » Frustrés par les conditions de sa mise en place, les constructeurs semblent néanmoins inspirés par les enjeux de la RE 2020. Si cette dernière stimulait le marché de la maison individuelle, le secteur n'en serait que plus satisfait.

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