Jurisprudence

La notion de déchet industriel

CJCE , 11 septembre 2003 - « Avesta Polarit Chrome OY » -Aff C-114/01

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Les faits : Une entreprise finlandaise obtient l'autorisation de poursuivre son activité d'extraction minière mais celle-ci est assortie de conditions tenant au fait que les débris de pierre et le sable résiduel sont des déchets. La problématique : Quels sont les critères qui déterminent si ces substances sont des déchets au sens de la directive «déchet»(1) ? La position de la CJCE : Les débris dont le détenteur se défait sont des déchets, sauf si celui-ci apporte des garanties sur leur utilisation effective. La question de savoir si une substance est, ou non, un déchet revêt une très grande importance. Du point de vue de la responsabilité, si une substance s'avère être un déchet au sens juridique du terme, le droit positif fait peser la responsabilité sur le détenteur du déchet. En l'espèce, la qualification des débris de pierre provenant de l'extraction de minerai et/ou du sable résiduel provenant de l'enrichissement du minerai en tant que déchet, avait entraîné pour l'exploitant des contraintes supplémentaires. On voit clairement la nécessité pour une entreprise de déterminer si une substance est ou non un déchet. Si cette notion reste mal circonscrite, la CJCE contribue à déterminer des critères permettant de mieux en définir les contours. Aux termes de l'article 1er de la directive du 15 juillet 1975(2), doivent être définis comme des déchets, « toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ». Cette définition contient deux conditions cumulatives :- d'une part, il faut que la substance relève de l'annexe I de la directive. En l'espèce, les débris de pierre provenant de l'extraction du minerai ou le sable résiduel peuvent relever de la catégorie Q11 concernant les « résidus d'extraction et de préparation des matières premières ».- d'autre part, il faut que le détenteur ait la volonté de « se défaire »(3) de la substance en cause. Le critère tiré de la nature ou non de résidu de production d'une substanceUn résidu de production est un produit qui n'a pas été recherché comme tel en vue d'une utilisation ultérieure(4). En d'autres termes, ce n'est pas le produit que recherche l'exploitant. En l'espèce, dans l'exploitation de la mine, l'exploitant ne cherche pas à obtenir des débris de pierre et du sable résiduel. Il s'agit au contraire de produits accessoires dont il cherche à limiter la production. Ces débris constituent donc bien des résidus au sens de la directive communautaire. Pour qu'il ne soit pas qualifié de résidu mais, par exemple, de sous-produit, et « in fine » éviter la qualification de déchet, il faudrait à tout le moins que ces débris de pierre et le sable résiduel soient réutilisés de façon certaine, voire que l'exploitant ait un avantage économique à les réutiliser. Le degré de probabilité de réutilisation. La nature ou non de résidu de production d'une substance est liée au fait que cette substance soit réutilisée, non pas seulement de façon éventuelle, mais de façon certaine et sans transformation préalable. En l'espèce, la seule réuti- lisation envisageable des débris de pierre, en vue par exemple de travaux de remblaiement, nécessite des opérations de stockage qui peuvent être durables. Il s'ensuit que les débris de pierre et le sable résiduel doivent bien être considérés comme des résidus d'extraction au sens de l'annexe 1 de la directive de 1975, et ce, quand bien même l'exploitant aurait un avantage économique à réutiliser ces substances. L'avantage économique de la réutilisation. En fait, le critère de l'avantage économique ne suffit pas, à lui seul, pour dénier la qualité de déchet à une substance. Toutefois, sa superposition avec le critère de probable réutilisation de la substance constitue un faisceau d'indices permettant d'identifier la substance en cause comme un produit et non comme un déchet, d'autant que, dans ce cas, la substance ne constitue plus pour l'exploitant une charge dont il cherche à se défaire. Or, l'intention que peut avoir l'exploitant de se défaire de la substance en cause est un critère très pertinent pour la qualification de déchet. Le critère lié à l'intention de se défaire de la substanceLa qualification de déchet résulte avant tout du comportement du détenteur selon qu'il souhaite ou non se défaire des substances. Or, il est de jurisprudence constante que ni le fait que des débris de pierre aient fait l'objet d'une opération de traitement, ni la circonstance qu'ils soient réutilisables, ne permettent de dire si ces débris sont ou non des déchets au sens de la directive (5). Reprenant en cela la jurisprudence « Palin Granit »(6), la CJCE rappelle que le lieu de stockage des débris de pierre, leur composition et le fait qu'ils ne comportent pas de véritable danger pour la santé ou l'environnement ne sont pas des critères pertinents pour retenir ou non la qualification de déchets. Finalement, en l'espèce, la CJCE distingue entre les résidus utilisés sans transformation dans le processus de production (par exemple pour combler les galeries), qui ne sont pas qualifiés de déchets dans la mesure où l'exploitant ne souhaite pas s'en défaire et les résidus dont l'utilisation n'est pas nécessaire dans le processus de production qui sont qualifiés de déchets. (1) Directive 75/442/CEE du Conseil 15 juillet 1975, relatif aux déchets (JOCE L 194, p 39), telles que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991 (JOCE L 78, p 32). (2) Directive 75/442/CEE (précité). (3) CJCE, 18 décembre 1997, « Inter-Environnement Wallonie », Aff C-129/96, Rec p I 7411. (4) Voir en ce sens : CJCE, 15 juin 2000, « ARCO Chemie Nederland », Aff C- 418/97 et C-419/97, Rec p I 4475. (5) CJCE, 28 mars 1990, « Vessoso et Zanetti », Aff C- 206/88 et C- 207/88, Rec p I 1461. (6) CJCE, 18 avril 2002, « Palin Granit et a. », Aff C-9/00, Rec p I -3533. Retrouvez le texte intégral de cet arrêt sur le site www.moniteur-expert.com

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