La responsabilité du savoir-faire

Si la construction-rénovation devient modulaire et jeu d’assemblages, le négoce, interface entre production et chantiers, pourrait voir son rôle de prescripteur technique renforcé, tout comme sa responsabilité vis-à-vis des assurances.

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PHOTO - Maugard A.-CSTB.eps

Pouvoir et responsabilité accrus ?

L’évolution de la production et des chantiers pourrait donner au négoce une maîtrise et des responsabilités plus grandes en matière de mise en œuvre, de choix des poseurs et de prescription technique.

Imaginons : nous sommes jeudi matin, de bonne heure, en région parisienne. Un camion marqué du logo des Négociants Réunis arrive sur le chantier. Il livre le kit complet aération/ventilation. L’équipe des poseurs vérifie, avec le livreur, que tous les produits sont dans le package, avec les notices détaillées d’installation, bien sûr. Tout est OK, la mise en œuvre peut commencer, elle ira vite, chacun sait ce qu’il doit faire. Il est vrai que les gestes sont standardisés et rodés.

Bâtiment fiction ? Pas vraiment. Ecoutons Alain Maugard, président du CSTB : « J’ai vu au Japon des chantiers avec une industrialisation absolue. Tout était pré-équipé et pré-monté, avec un plan très détaillé. L’entrepreneur ou l’artisan avait tout pour finir le chantier ». Avantages essentiels de cette industrialisation poussée : le gain de temps et l’optimisation à la fois des productions, des livraisons et des chantiers. Nécessité essentielle : un énorme travail d’ingénierie en amont, pour ne rien laisser au hasard dans cette « construction Ikea ».

Dans ce scénario, le produit fini n’est plus le parpaing ou le boulon mais le bâtiment lui-même et le négociant est celui qui apporte sur le chantier le paquet/fonction et ses accessoires. Mieux, le négociant peut être, surtout, celui qui a la charge d’expliquer comment on assemble.

Si l’avenir des chantiers est celui-là, les grossistes seront confrontés à deux interrogations : d’une part, comment adjoindre la vente des conseils de mise en œuvre à celle des composants ? D’autre part, quelle position occuper par rapport à cette mise en œuvre ? Autrement dit, la pose doit-elle rester indépendante (la responsabilité du travail sur le chantier le reste aussi dans ce cas), ou bien le négoce doit-il intégrer un service de pose ou proposer au maître d’ouvrage, une liste d’artisans qu’il contrôle, quitte à former lui-même les installateurs ? Ou bien, est-ce à l’industriel de surveiller, via le distributeur, la mise en œuvre de son produit ? L’avenir dira quelle solution la filière Bâtiment choisira entre ces options qui font déjà débat au sein et entre organisations professionnelles.

Quoi qu’il en soit, si le négoce intègre le contrôle de la pose, surgira l’interrogation de la prescription de la solution et de sa mise en œuvre, et donc de la maîtrise des règles de l’art, des DTU, etc. « Si le négociant devenait responsable du maintien des règles de l’art et des conditions de mise en œuvre du produit, il deviendrait un élément actif du travail sur les DTU. Cela représenterait un enrichissement du métier mais aussi un danger », précise le président du CSTB. En effet, dans ce schéma (encore théorique), le négoce se retrouve chargé d’une responsabilité finale sur la qualité du bâti, face aux assureurs et aux risques contentieux.

« Il faudra des contrepoids, poursuit Alain Maugard. Notamment, l’obtention d’un étiquetage rigoureux des qualités et caractéristiques des produits, au-delà du marquage CE. »

Ce qui est sûr, c’est qu’en devenant davantage décisionnaire sur la mise en œuvre, le négoce devra faire d’importants efforts pour maîtriser et suivre les DTU et les règles de l’art.

De même, la part informative de son travail deviendra essentielle vis-à-vis du client professionnel comme du client final.

A noter également que, si cette évolution se vérifie, le négociant, en tant que nouveau prescripteur technique, devra peut-être aussi s’interroger sur ses critères de vente. Comment, en effet, conseiller le client sur le bon choix du duo produit/mise en œuvre, si on a pour habitude de préconiser un choix très corrélé à la marge réalisée sur le produit seul ? Dans le schéma présenté ci-dessus, la marge maximale possible sur le produit ne peut plus être le critère fondamental par rapport au risque d’émergence de défauts ou pathologies sur le bâti.

Le catalogue électronique : outil incontournable

Au-delà des scénarios possibles quant à la maîtrise des connaissances techniques et du choix des solutions, le négoce sera amené à être de plus en plus proche des fournisseurs comme relais marketing et source d’informations.

C’est ce que souligne Christophe Benaroya, professeur et consultant en marketing à Toulouse : « A l’avenir, le négoce devra être une vraie source d’informations en avant-première. Cela impliquera, en fait, le développement de partenariats plus serrés avec les fournisseurs ».

Et le premier outil de ce partenariat, sur lequel travaillent depuis plusieurs années les fabricants et des distributeurs, c’est le catalogue électronique, promis à devenir l’outil de communication par excellence dans la filière Bâtiment.

Pour Pierre Georget, directeur général de GS1 France (ex-Gencod) : « Dans quinze ou vingt ans, le recours à l’information en ligne sera monnaie courante. Et l’un de ses aspects principaux sera le catalogue électronique entre industriels - négociants - clients, avec des services supplémentaires intégrés. Dans le domaine de la Construction où les produits sont multiples et souvent pondéreux, avec un besoin de conseils pratiques, une assistance et un stockage de proximité, la détention de l’information – et sa circulation accélérée et standardisée – sera une valeur ajoutée à développer par le négoce ».

Les fabricants sont très impliqués dans la démarche du catalogue électronique et font pression sur les grossistes pour développer cet outil. Patrick Ponthier, délégué général de l’AIMCC, résume la position de son association : « Jusqu’à récemment, les moyens de décrire les produits, essentiellement les codes à barres, ont surtout été logistiques (informations sur l’emballage, le poids…). Il faut dorénavant travailler pour y inclure des caractéristiques de prescription et inciter les acteurs à introduire ces données ».

L’AIMCC, en collaboration avec le Gencod, travaille actuellement à la mise au point du SDC « Standard dictionary for construction » : un dictionnaire de description des produits du Bâtiment ; extension/complément du système Dicalis mis au point par Gencod pour Leroy Merlin, il y a une dizaine d’années.

« Il s’agit d’une liste d’attributs par types de produits, explique Valérie Marchand, responsable des secteurs non alimentaires à GS1 France. Le langage de base est une adaptation du langage Edifact au langage XML. Aujourd’hui, plus de 600 familles de produits sont dans le dictionnaire, soit environ 70 % de l’offre en points de vente. Il manque dans la liste les produits à aspect très technique ; des produits non vendus en GSB. »

Une remarque importante : dans ce domaine du catalogue électronique, il faut bien faire la différence entre le répertoire des produits et la synchronisation des informations entre les acteurs. « Cette seconde fonction, qui doit assurer que les fonctions commerciales et logistiques sont bien à jour chez tous les acteurs concernés, est plus difficile à mettre en place », souligne Pierre Georget.

En attendant que le catalogue électronique devienne l’usuel des relations entre producteurs et enseignes, signalons que l’AIMCC et la CNBM (Confédération du négoce de bois et matériaux) signeront dans les prochains jours une déclaration conjointe pour mettre en avant ce langage électronique conjoint.

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