Les discussions autour du projet d’arrêté concernant la conception des douches dans les logements neufs, attendu semble-t-il pour fin décembre, semblent avoir franchi une étape décisive. En effet, lors du Comité interministériel du handicap le 3 décembre, présidé par Edouard Philippe, le gouvernement en a pris l'engagement : dès 2020, les logements « évolutifs » devront comporter des douches « à zéro ressaut ».
Accessibilité et évolutivité
Rappelons que depuis la loi Elan, seuls 20% des logements (en rez-de chaussée ou desservis par un ascenseur) doivent désormais être accessibles - au lieu de 100%. Les 80% restants devant simplement être « évolutifs ».
L’arrêté du 11 octobre dernier, venu détailler la notion de « travaux simples » permettant de rendre accessible un logement évolutif, n’avait pas réglé la question de la conception des douches, renvoyée à un texte ultérieur.
Comme l’expliquait au « Moniteur » il y a quelques semaines Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité et conception universelle à l'APF France Handicap et rapporteur du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), la réglementation actuelle prévoit un ressaut du bac de douche « limité », ce qui est sujet à interprétations diverses.
Le CNCPH, qui réclamait des douches à ressaut zéro, c’est-à-dire à l’italienne, semble donc avoir obtenu gain de cause auprès des pouvoirs publics. Au grand dam des professionnels du bâtiment.
Dispositions constructives onéreuses
Ainsi la FFB s’oppose à cette disposition. Alain Chapuis, entrepreneur et élu de la fédération référent sur les sujets d'accessibilité, explique que cette mesure engendrera une augmentation significative du coût de construction.
En effet, « un siphon de sol induit une chape de 7cm sur l’ensemble des niveaux. Et la surcharge générée par le poids de la chape impose une augmentation dimensionnelle de la structure : poteaux/poutres, fondations... De plus, cela oblige à prévoir une étanchéité générale sur toute la surface du sol de la salle de bain ainsi qu’une étanchéité partielle sur les parois verticales".
En outre, explique-t-on à la fédération, le zéro ressaut risque d'accroître la sinistralité, en raison d’un manque d’entretien, d’erreurs de conception des maîtres d’œuvres, de matériaux défaillants, etc.
Solutions alternatives
"On nous demande de construire moins cher, et on nous impose des règles contraignantes et onéreuses, regrette Alain Chapuis. On saura faire, mais à quel prix ? Alors que nous avons proposé des solutions. Par exemple, on aurait pu envisager des bacs extra-plats, avec un siphon déporté c'est-à-dire installé dans la cloison. Cela se fait beaucoup dans certains pays, comme l'Allemagne. Ce n'est pas un système parfait, car cela standardise la position de la douche dans la salle de bains pour tout l'immeuble et réduit donc un peu la liberté architecturale ; mais au moins ce système aurait évité les surcoûts. Et le ressaut de 2 cm est accepté partout, pour les franchissements de seuils par exemple, donc pourquoi pas pour les douches ?", interroge le chef d'entreprise de menuiserie, lui-même en fauteuil depuis près de 20 ans. Qui explique qu'en outre, un usager à mobilité réduite ne se douche pas habituellement sur son fauteuil roulant mais effectue un transfert vers le siège fixé dans la douche.
Les professionnels souhaitaient a minima une période transitoire pour s'adapter avant l'entrée en vigueur du futur arrêté, "mais on a bien compris que cette obligation devrait très rapidement s'appliquer", conclut Alain Chapuis.