pour la distribution professionnelle de matériel électrique, la maison connectée représenterait un marché d’environ 35 millions d’euros en France. Autrement dit, une goutte d’eau. Mais une eau sacrément dynamique puisque les prévisions affichent, au minimum, un doublement de ce chiffre d’affaires dans les trois années à venir. Sur un marché du bâtiment en recul, cette effervescence a de quoi attirer l’attention des négociants. Outre les progressions à deux chiffres de leurs ventes sur ce segment, les perturbations que l’Internet des objets amène dans l’offre ne les laissent pas indifférents non plus. Comme le résume Louis-David Benyayer, consultant spécialisé dans les relations marques/distributeurs/utilisateurs et l’innovation entrepreneuriale, « l’irruption des cyberobjets perturbe le paysage concurrentiel à la fois par son impact sur le rapport de force entre industriels et distributeurs, mais aussi par l’arrivée de nouveaux acteurs qui débarquent sans autorisation sur un marché où ils n’ont pas de légitimité historique ». Autant dire que le négoce suit de près les stratégies des industriels dans leurs efforts pour massifier le marché de la domotique et les partenariats qu’ils montent à cette fin.
Les spécialistes de l’électricité regardent également ce qui se passe chez d’autres négoces spécialisés, comme le sanitaire-chauffage qui vient de plus en plus sur ses plates-bandes. Ces derniers trouvent dans le maintien des personnes âgées à domicile et l’adaptation nécessaire des salles de bains, un point d’entrée pour proposer une offre domotique connectée. De même, sur la maîtrise des consommations d’énergie, les distributeurs de solutions en génie climatique sont parfaitement légitimes pour s’inviter sur ce segment.
Faire face à la concurrence d’autres spécialistes
D’ailleurs, Delta Dore s’est doté d’une équipe dédiée à la boucle d’eau chaude il y a deux ans. Et la marque vient également de créer un réseau pour la menuiserie ainsi que pour la quincaillerie, « puisque ces deux segments sont impliqués sur deux marchés majeurs de la domotique : les volets roulants et la sécurité », explique Dominique Gandoin, responsable marketing opérationnel de Delta Dore. Une analyse menée également par Lapeyre qui propose depuis 2012 une offre spécifique domotique, élaborée avec Somfy. « Dans notre catalogue 2013, cette solution est même remontée dans les premières pages, avec un message que nous martelons sur la simplicité d’usage de la domotique, explique François Salomé, directeur marketing adjoint de Lapeyre. Nous déployons également un concept de théâtralisation de cette offre dans nos points de vente, et nous n’hésitons pas à faire des opérations promotionnelles fortes sur la domotique. Nous sommes d’ailleurs très attentifs à l’évolution des prix afin de pousser la démocratisation de ce créneau. »
Monter des filières professionnelles autour des installateurs
Les négociants de matériel électrique s’organisent donc pour accompagner la progression de ce marché. « Nous avons mis en place une veille permanente des produits un segment comme le numérique qui est très dynamique, explique Siu Gauchet, responsable Déploiement habitat petit tertiaire chez Rexel France. Nous rencontrons de nombreux fournisseurs nouveaux qui proposent des produits et solutions offrant plus de fonctionalités et dont l’installation est plus simple. » Même son de cloche chez Sonepar qui pousse les industriels à proposer des solutions plus simples, évolutives et ouvertes. « Les protocoles fermés sont un frein au développement de ce marché, souligne Henri Wascat, chef de marché communication & sécurité chez Sonepar France. Les solutions combinent souvent plusieurs applications et marques, et nos clients installateurs se doivent de les faire fonctionner ensemble. »
A l’image de la démarche de partenariat des industriels, les négociants travaillent également avec les acteurs de la prescription : promoteurs, collectivités locales… « Il s’agit de prendre en compte les besoins des clients finaux très en amont, voire d’anticiper les solutions », explique Siu Gauchet. Une stratégie qui peut mener à la constitution de véritables « filières professionnelles ». C’est en tout cas le projet de Sonepar avec son label Blue Way Mieux Vivre, dans le domaine du maintien à domicile. « Nous identifions les solutions, montons des partenariats - comme l’accord que nous avons signé avec l’Association nationale française des ergothérapeutes - pour accompagner au mieux nos installateurs réunis au sein d’un club dédié », détaille Henri Wascat.
Cette démarche d’accompagnement des électriciens est en fait au cœur même de l’action des négociants. Chez Rexel, elle a donné naissance à l’offre 3i. Le constat de l’enseigne était qu’il fallait un nombre plus important d’installateurs capables de faire la promotion de solutions simples et de les réaliser. Rexel a donc conçu 3i pour lever les freins à la montée en compétence technique et commerciale des électriciens sur la domotique. Au cœur de son dispositif se trouvent donc des outils pour rendre plus accessibles les solutions domotiques, faciliter l’acquisition des compétences et simplifier l’installation. Ainsi, avec un logiciel facile d’utilisation, l’électricien élabore son architecture domotique sur plan, choisit ses produits, puis envoie le fichier à l’agence Rexel 3i où un spécialiste est à sa disposition pour échanger sur son projet. Un fois celui-ci validé, l’expert Rexel configure le matériel. Chaque produit livré est identifié avec une étiquette : le professionnel n’a plus qu’à installer et assurer la mise en service. Si les besoins du client évoluent, il peut reconfigurer lui-même les modules ou demander le soutien de l’agence Rexel. Le groupe a donc mobilisé ses équipes et mis en place un réseau de chargés de développement pour accompagner les installateurs 3i dans leurs projets domotiques. Déjà une centaine d’agences sont capables de fournir ces services de proximité aux électriciens. « Leur légitimité sur ce segment est naturelle. Il est fondamental qu’ils se développent sur la domotique », conclut Siu Gauchet.




