Quel est l’objet du référé précontractuel dans le cadre de la passation d’un marché public de travaux ?
Le référé précontractuel est un recours présenté devant le président du tribunal administratif, statuant en la forme des référés, qui a pour objet de sanctionner les manquements commis par un pouvoir adjudicateur à une obligation de publicité ou de mise en concurrence lors de la procédure de passation d’un marché public de travaux.
À quel moment le requérant peut-il exercer un recours précontractuel ?
Un référé précontractuel est recevable tant que le marché public n’a pas été signé. Au contraire, il est irrecevable s’il est déposé devant le président du tribunal alors que le marché a déjà été signé. En effet, dans ce cas, la procédure de passation du marché a été achevée du fait de cette signature et le référé est donc dépourvu d’objet.
Qui est recevable à agir par la voie du référé précontractuel ?
Ce sont les personnes qui ont un intérêt à conclure le marché et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement du pouvoir adjudicateur à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence. En pratique, il s’agit des concurrents évincés de la procédure de passation du marché.
Le préfet est également recevable à agir par la voie du référé précontractuel pour les marchés publics passés par les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux exécutés dans le ressort de sa circonscription administrative.
Faut-il de plus prouver que le requérant a été lésé par le manquement invoqué ?
Dans un important arrêt du 3 octobre 2008 (« Smirgeomes »), le Conseil d’État a considéré qu’un pouvoir adjudicateur ne peut être sanctionné dans le cadre d’un référé précontractuel en raison d’un manquement à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence que si ce manquement est susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure de passation du marché auquel il se rapporte, d’avoir lésé ou risqué de léser le requérant, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
Quels sont les moyens invocables dans le cadre d’un référé précontractuel ?
Le requérant doit apporter la preuve du manquement du pouvoir adjudicateur à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence. Cela signifie qu’il doit démontrer que le pouvoir adjudicateur a violé, lors de la procédure de passation du marché, une disposition législative ou réglementaire qui assure l’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats ou la transparence de la procédure de passation.
Au contraire, quels sont les moyens irrecevables devant le juge du référé ?
Le juge du référé ne sanctionne pas, par exemple, la conclusion du marché par une autorité administrative incompétente ou une distorsion de concurrence consécutive à la signature du marché de travaux si tous les opérateurs économiques ont été en mesure de candidater. Il ne contrôle pas davantage l’appréciation des offres effectuée par le pouvoir adjudicateur.
Le pouvoir adjudicateur est-il soumis à un délai avant de signer le marché public de travaux ?
Pour prévenir une signature rapide d’un marché par le pouvoir adjudicateur qui rendrait irrecevable le référé précontractuel, l’ dispose que, pour les marchés passés selon une procédure formalisée (appel d’offres par exemple), le pouvoir adjudicateur ne doit pas signer le marché pendant un délai (dit de standstill) de seize jours à compter de la date de notification de rejet des offres. Ce délai est réduit à onze jours si le rejet des offres a été notifié par voie électronique.
Si le pouvoir adjudicateur viole le délai de standstill, le marché a été signé et le référé précontractuel est irrecevable. Toutefois, le requérant est alors recevable à agir devant le même tribunal par la voie du référé contractuel pour demander la condamnation du pouvoir adjudicateur au paiement d’une pénalité financière pour avoir violé le délai de standstill. En outre, il sera fondé à demander au juge du référé contractuel d’annuler le marché s’il constate que le pouvoir adjudicateur a manqué à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence et que ce manquement l’a privé d’une chance sérieuse de remporter le marché.
Le pouvoir adjudicateur doit-il indiquer le délai de standstill dans sa décision de rejet d’une offre ?
Il est tenu de le faire. Si un requérant agit par la voie du référé précontractuel alors que le marché a été signé dans le délai de standstill, ce référé sera irrecevable. Toutefois, si la décision de rejet de l’offre ne mentionne pas le délai de standstill, le requérant sera recevable à demander l’annulation du marché par la voie du référé contractuel.
Qu’en est-il pour les marchés passés selon une procédure adaptée ?
Aucun délai de standstill n’étant prévu par le Code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur est libre de fixer la date de signature d’un marché passé selon une procédure à signer le marché sans attendre afin de rendre irrecevable tout référé précontractuel. Toutefois, pour assurer l’effectivité du recours au juge du référé précontractuel, des juges du référé de tribunaux administratifs ont décidé que les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures posés par l’article 1er du Code des marchés publics impliquaient que le pouvoir adjudicateur respecte, avant de signer le marché, un délai raisonnable, dans le cas où il a volontairement notifié aux candidats évincés la décision de rejet de leur candidature ou de leur offre. Il serait opportun que ces jurisprudences (TA Strasbourg, 26 juillet 2010, « Laboratoire Cevrida », n° 1003254 ; TA Paris, 30 juillet 2010, « Société Althing », n° 1012380) soient confirmées par le Conseil d’État.
Le requérant doit-il notifier le référé précontractuel au pouvoir adjudicateur ?
L’ dispose que le requérant est tenu de notifier son référé au pouvoir adjudicateur en même temps qu’il dépose son recours devant le tribunal. Le Conseil d’État (CE, 10 novembre 2010, « Ministre de la Défense », n° 341112) a considéré que l’omission de cette notification n’impliquait pas l’irrecevabilité du référé.
Néanmoins, le requérant a intérêt à notifier son référé au pouvoir adjudicateur. En effet, en cas de saisine du juge du référé, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de suspendre sa décision de signer le marché dans l’attente d’une décision du juge sur le recours. Si le requérant n’a pas notifié son référé au pouvoir adjudicateur, ce dernier peut avoir signé le marché avant que le tribunal l’ait tenu informé du recours. Le référé précontractuel sera alors irrecevable (). Le référé contractuel ne sera pas davantage recevable, hormis le cas où le pouvoir adjudicateur a violé le délai de standstill s’agissant d’un marché passé selon une procédure formalisée.
Quels sont les pouvoirs du juge du référé précontractuel ?
En cas de manquement du pouvoir adjudicateur à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence susceptible de léser le requérant, le juge peut prendre des mesures définitives. Il peut annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et/ou supprimer les clauses prévues dans le marché qui méconnaissent les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles le pouvoir adjudicateur est assujetti. Le juge du référé peut également enjoindre au pouvoir adjudicateur de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et de suspendre la procédure de passation du marché dans l’attente de sa régularisation. Il prend alors une mesure provisoire qui peut être assortie d’astreintes. Le juge peut refuser de prendre une telle mesure s’il considère qu’elle aura pour effet de causer à l’intérêt public des conséquences négatives qui l’emporteraient sur les avantages qu’elle créerait. Le juge peut prendre ces mesures définitives et/ou provisoires même si le requérant ne les lui a pas demandées. Dans cette hypothèse, il ne peut, cependant, agir que s’il a préalablement invité les parties au procès à présenter leurs observations sur ces éventuelles mesures.
Dans quel délai le juge du référé précontractuel statue-t-il ?
Le juge du référé dispose d’un délai maximum de vingt jours pour statuer à compter de sa saisine. La violation de ce délai n’est pas sanctionnée. Dans le cadre d’un marché passé selon une procédure formalisée, il ne peut en revanche pas statuer avant le seizième jour à compter de la date d’envoi de la décision de rejet des offres. Ce délai est réduit à onze jours en cas de transmission de cette décision par voie électronique. Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, le juge ne statue pas avant l’expiration d’un délai de onze jours à compter de la publication de l’avis dans lequel le pouvoir adjudicateur fait part de son intention de conclure le marché.
Quelle est la voie de recours contre une ordonnance rendue par le juge du référé précontractuel ?
Une ordonnance rendue par le juge du référé peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État dans les quinze jours qui suivent sa notification aux parties.