Signe des temps et des tendances, le groupement Algorel vient d'enclencher un processus de décloisonnement validé en assemblée générale il y a un an. « Nous supprimons la branche électricité pour en faire un métier », explique Sébastien David, président du pôle électricité d'Algorel et gérant de Thibal Distribution, à Saint-Affrique (Aveyron), une PME de 24 salariés générant un chiffre d'affaires de 55 M€ avec 3 points de vente. « Ainsi, un fournisseur carrelage n'était pas accessible à un électricien. Nous avons levé les freins administratifs au sein du groupement, et nous dévoilerons notre plan d'action, après la négociation avec les fournisseurs en novembre.»
Des renforts
Sur le chiffre d'affaires de 2,6 Md€ réalisé par Algorel en 2023, l'électricité compte pour 383 M€ (contre 285 M€ en 2022) avec 43 adhérents (sur 170 au total), dont 6 nouveaux adhérents électricité venus en 2023 et encore 2 en 2024. « Il s'agit d'une croissance externe basée sur les fondamentaux d'Algorel qui rassemble des distributeurs différents : importants distributeurs généralistes dans lequel l'électricité est une composante, spécialistes purs (électricité, électricité-éclairage ou sanitaire-chauffage) ou couvrant les deux périmètres, précise Sébastien David. L'entrée de nouveaux adhérents crée une dynamique en électricité, et la branche (désormais métier) est portée par les réseaux mais aussi par le marché. » Cette situation devrait faire aussi progresser le nombre de fournisseurs en matériel électrique.
De son côté, le groupement Socoda - dont la part électricité équivaut à 21 % des 3,3 Md€ réalisés en 2022 - compte également des renforts importants dans l'électricité : Aquitaine Distribution Solaire (en Charente-Maritime), ELJ Diffusion (Ile-de-France), Melpro (Normandie) et Sedilec (Lyon, Rhône). Face aux transformations du marché du matériel et des équipements électriques, le monde des généralistes et les distributeurs multispécialistes sont loin de rester attentistes. Si certains acteurs, à l'instar de Gedimat, préfèrent ne pas s'exprimer sur leur activité dans ce domaine, se disant juste en pleine réflexion pour « mettre en place de nouvelles démarches » sur ce segment de marché, d'autres détaillent leur positionnement.
Réflexions actives
Ainsi, même s'il s'agit d'une petite famille de référencement dans son plan d'offre (5 % du chiffre d'affaires en libre-service), Tout Faire repense actuellement son approche au matériel électrique (gaines, appareillage, etc.). « Nous avons toiletté intégralement la gamme de l'offre électricité, et les gammes doivent être revisitées, avec, par exemple, l'ajout de la marque Legrand, qui n'était pas référencée dans notre LS jusqu'à présent », indique ainsi Jean-Charles Barbet, chef de marché libre-service de Tout Faire.
Présent sur le marché de la rénovation comme d'autres, qui permet d'échapper à la chute du résidentiel neuf, Tout Faire propose des planogrammes de ses références électriques qui, selon la taille et l'environnement (le réseau compte 470 agences), va d'un linéaire de 3 m pour une petite agence à 10 m pour les plus importantes, en stockant l'intégralité des références sur sa plate-forme du Loiret. « Nous composons en fonction des besoins des adhérents, l'enjeu étant de proposer aux professionnels l'intégralité de l'offre - qui comprend, ne l'oublions pas, les horaires, l'ancrage local et le conseil - pour réaliser un chantier de rénovation », poursuit Jean-Charles Barbet.
Une place à ajuster
Trouver la bonne place de l'électricité chez les généralistes est bien le défi permanent des négoces. « Nous avons entre 2 500 et 3 000 références stockées dans les magasins, et l'évolution du référencement est fonction du marché et des normes en vigueur », explique Charlotte Kolb, cheffe de produits électricité à La Plateforme du Bâtiment, filiale de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France forte de 68 dépôts (et de 2 200 collaborateurs, à raison de 2 à 3 en électricité par dépôt).
Des opportunités
Selon la typologie des magasins (il en existe 4), les références de matériel électrique varient évidemment, mais l'électricité y est exclusivement présentée en libre-service par catégorie : câbles et fils (services de découpes et de câbles au mètre), tableaux modulables (résidentiel et tertiaire), appareillage en saillie, encastré ou étanche, VMC (simple, double flux, petit collectif), habitat connecté, éclairage de chantier, outillage électrique, partie chauffage et PAC. « Le parcours client d'un généraliste doit être inférieur à vingt minutes pour constituer une valeur ajoutée sur son chantier (de rénovation ou de rénovation énergétique), précise Sandy Boulair, directeur du marketing pour le chauffage-électricité au sein de La Plateforme du Bâtiment. Tous les produits sont sous le même toit, et le libre-service contribue à cette rapidité. »
Les généralistes et les groupements font feu de tout bois. Comme le président du pôle électricité d'Algorel le souligne justement, « un élément externe joue le rôle de levier, la décarbonation de l'énergie. Qu'il s'agisse de chauffer une habitation ou un bâtiment de bureaux, tout est lié. Parler de chauffage sanitaire, de déplacement avec les bornes de recharge électrique - dont le décloisonnement des branches va augmenter le volume - ou du décret tertiaire, qui nous emmène à la gestion technique centralisée, mais aussi à la production d'énergie photovoltaïque, tout devient facteur de croissance ». C'est ainsi qu'Algorel a créé une commission photovoltaïque (la commission câble existe depuis 2014) pour être en capacité de structurer une offre commerciale autour du 3 Kva ou du 6 Kva à 36/250 kWc.« Grâce à notre organisation, notamment constituée de 40 permanents, de 20 administrateurs, de comités de branche et de réunions par métier, nous suivons le marché », ajoute Sébastien David.
Tandis que Tout Faire dispose d'un projet de développement sur le photovoltaïque ainsi que celui d'intégrer l'électricité dans son offre e-commerce, La Plateforme du Bâtiment développe une offre pour le tertiaire, notamment en matière de gestion du bâtiment (GTB) et de collectif en rénovation énergétique. C'est là que les distributeurs musclent les services pour accompagner leurs clients et former en interne et en externe.
Montée en compétences
En interne, La Plateforme du Bâtiment propose plusieurs formations pour ses collaborateurs (en moyenne 4 par an) ainsi que des formations digitales très courtes et des cycles de formations en présentiel. « Si nous voulons développer les marchés de la rénovation énergétique, les collaborateurs doivent être à l'aise et comprendre les besoins des clients », précise Sandy Boulair. Le rôle de 2nd Academy, centre de formation d'Algorel, contribue à la montée en compétences dans les métiers de la distribution du second œuvre. « Sans la formation aux énergies renouvelables, pendant laquelle j'ai pu aborder l'approche hydraulique et les échanges thermiques, mais aussi l'électricité, avec l'onduleur couplé au courant alternatif, je n'aurais pas pu accéder à cette croisée des chemins qui constitue un facteur clé de croissance », estime Sébastien David. Le groupement vient de digitaliser les sessions de formation Algo Online pour les salariés des adhérents (métiers et supports). « Le but est d'être à leur côté sur des domaines techniques et réglementaires de plus en plus complexes en matière de courants faibles et domestiques », ajoute Sarah Mouhtadi, cheffe de produits d'Algorel.
L'accompagnement des clients dans les chantiers de rénovation énergétique est un autre enjeu de taille, comme en témoigne la démarche de La Plateforme du Bâtiment. « En 2025, nous compterons un à deux référents d'aide à la rénovation (RAR) par dépôt tout en visant un millier d'artisans suivant des formations qualifiantes (RGE) dans les années à venir », poursuit le directeur du marketing de La Plateforme du Bâtiment. L'enseigne met aussi à disposition Opti+, un service de SGDB France composé de bureaux d'études internes capables de dimensionner les installations photovoltaïques, tandis que le distributeur aide les clients concernés par les bornes de recharge pour véhicules électriques vers les formations Q1 et Q2. « Le terrain est éminemment favorable pour nos clients, car, face aux nouveaux usages, tout le monde voudra réduire le coût de l'énergie, et la seule énergie à être décarbonée est l'électricité ! », lance encore Sandy Boulair. En abordant de front les enjeux liés à l'électrification des usages et en facilitant la transformation de leurs clients, les négoces généralistes jouent discrètement un rôle essentiel.