Les évaluations environnementales

La loi Grenelle 2 a sensiblement modifié le régime des évaluations environnementales, parmi lesquelles figurent l’étude d’impact et l’évaluation environnementale des plans et programmes.

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Par commodité, le terme « évaluation environnementale » désignera ci-après les seules évaluations portant sur les plans et programmes issues de la directive communautaire 2001/42/CE.

Pourquoi une réécriture des textes relatifs aux évaluations environnementales dans le cadre du Grenelle ?

La sur la protection de la nature a créé les études d’impact, premier outil d’évaluation des projets susceptibles de porter atteinte à l’environnement (articles L. 122-1 à L. 122-3 et R. 122-1 à R. 122-16 et suivants du Code de l’environnement). Le législateur communautaire s’en inspire et, par la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985, adapte le dispositif à destination des Etats membres. Plus récemment, la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 demande aux Etats d’évaluer l’incidence de certains plans et programmes qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux, risquent à plus grande échelle d’affecter la protection de l’environnement.

Cette dernière directive a été transposée par une modifiant les Codes de l’urbanisme et de l’environnement. Malgré quelques critiques portant sur les seuils retenus par l’ordonnance (notamment la référence à des superficies pour déterminer quels étaient les plans locaux d’urbanisme soumis à évaluation), ce texte a été plutôt bien accueilli.

En revanche, la transposition de la première directive a fait l’objet de longues discussions entre la Commission européenne et l’Etat français, conduisant à une réforme plus profonde du régime des études d’impact.

Les raisons en sont essentiellement historiques. Le droit français, dont l’origine textuelle est antérieure à la directive 85/337/CEE, est organisé autour d’une logique de nomenclature (à l’instar des législations relatives aux installations classées, aux déchets et à l’eau).

La directive est, quant à elle, conçue dans une logique plus ouverte, privilégiant l’examen des projets au cas par cas pour déterminer si l’évaluation des incidences est nécessaire. Trois critères principaux sont fixés : la nature des projets, leurs effets cumulés avec d’autres ainsi que la sensibilité des milieux (critère défini à l’annexe III de la directive). C’est précisément sur ce terrain que l’Etat français s’est vu mettre en demeure par la Commission européenne de se conformer aux objectifs de ladite directive.

Quel est le nouveau champ d’application des études d’impact ?

Le champ d’application était auparavant défini par une liste « négative » : les travaux et projets d’aménagement soumis à étude d’impact étaient déterminés en fonction d’une nomenclature qui mentionnait les activités qui s’en trouvaient exclues, pour certains sous réserve de la production d’une notice d’impact (forme allégée de l’étude), alors que d’autres y demeuraient systématiquement soumis par principe en raison de leur nature.

La conception même des textes rendait leur lecture incertaine.Le législateur met fin à ce système en prévoyant une liste « positive », plus ouverte, selon laquelle tout projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement est désormais précédé d’une étude d’impact dès lors qu’il est susceptible, par sa nature, ses dimensions ou sa localisation, d’avoir des incidences sur l’environnement ou la santé humaine.

Contrastant avec le droit antérieur, le législateur instaure une double souplesse dans l’appréciation des projets concernés. D’une part, le nouvel article L. 122-1 du Code de l’environnement renvoie aux critères et seuils définis par voie réglementaire (par un futur décret en Conseil d’Etat) qui devront reprendre ceux visés dans la directive. D’autre part, certains projets devront faire l’objet d’une appréciation « au cas par cas » par l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement (selon les cas, le conseil général de l’environnement et du développement durable, le ministre chargé de l’Environnement ou le préfet de région).

Cette autorité compétente devra explicitement tenir compte des données de l’annexe III de la directive 85/337/CEE. En attendant la publication du décret, on peut déjà affirmer que le champ d’application est élargi au bénéfice d’une lecture des textes moins complexe qu’auparavant.

En pratique, le mécanisme de détermination « au cas par cas » impliquera de démontrer que, pour certains projets prédéfinis, une étude d’impact n’est pas nécessaire au vu des critères de la directive.

On voit aussitôt l’effet pervers de ce dispositif car les pétitionnaires et maîtres d’ouvrage auront probablement tendance, pour sécuriser leur projet, à entreprendre une pré-évaluation qui ne les privera pas d’un important travail d’appréciation en amont. Dans certains cas, la production volontaire de l’étude d’impact permettra de fermer la voie à toute contestation éventuelle des tiers.

La notice d’impact est-elle maintenue ?

Non. L’abandon de la notice d’impact, explicitement annoncé dans la présentation du projet de loi, s’inscrit dans le nouvel esprit des textes. Les dispositions législatives ne prévoient nullement, et pour cause, de « version allégée » de l’étude d’impact : on voit mal ce qui justifierait la survivance d’un outil moins fiable, non prévu par la directive 85/337/CEE.

Les régimes spéciaux sont-ils conservés ?

Oui. Il en va ainsi :

- des études d’impact relevant du droit des installations classées,

- des études d’incidences issues de la loi sur l’eau et la protection des milieux aquatiques,

- de l’évaluation des incidences lorsqu’un projet ou un programme est susceptible d’affecter la conservation d’un site Natura 2000.

On signalera également l’évaluation relative au schéma national des infrastructures de transport (Snit), au schéma directeur d’orientation minière de Guyane (article 60 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009) et au schéma d’ensemble du réseau de transports publics correspondant au Grand Paris ().

Quel est le nouveau champ d’application des évaluations environnementales des plans et programmes ?

S’agissant des évaluations visées au Code de l’urbanisme, le législateur a adopté une liste « fermée », excluant tout examen des plans et programmes à vocation urbanistique au cas par cas. Sont désormais systématiquement soumis à évaluation les directives territoriales d’aménagement et de développement durable (DTADD); le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif); les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les schémas de secteur pris pour leur application; les prescriptions particulières de massifs; les plans locaux d’urbanisme (PLU) susceptibles d’avoir des effets notables au regard des critères de l’annexe II de la directive 2001/42/CE ou qui comprennent des plans de déplacements urbains; les cartes communales susceptibles d’affecter les sites Natura 2000 (visés à l’article L. 414-4 du Code de l’environnement).

Pour les évaluations visées au Code de l’environnement, il est renvoyé, comme pour les études d’impact, aux critères et seuils de la directive correspondante, avec la possibilité d’un examen au cas par cas par l’autorité compétente en matière d’environnement.

La portée juridique des évaluations a-t-elle été accrue ?

La nature juridique des évaluations n’est pas modifiée par la loi Grenelle 2. Cependant, on soulignera quelques évolutions importantes visant à accroître leur effectivité. Ainsi, la procédure de référé-suspension fondée sur le constat de l’absence d’étude d’impact (article L. 122-2 du Code de l’environnement) est étendue aux évaluations environnementales relevant du Code de l’environnement (article L. 122-12).

Un dispositif de sanctions administratives (articles L. 122-3-1 à L. 122-3-4 du Code de l’environnement) est également mis en place pour les études d’impact.

Dans chaque étude, le pétitionnaire indique les mesures destinées à compenser, réduire, voire supprimer les effets de son projet sur l’environnement. Bien souvent, les évaluations s’insèrent dans une police administrative d’autorisation où l’autorité administrative dispose déjà des moyens de contrôler l’application des mesures précitées. Lorsqu’aucune disposition spécifique de police administrative n’est prévue, l’administration ne peut en pratique exercer son contrôle.

Pour y remédier, des agents assermentés ou habilités peuvent désormais effectuer des contrôles à tout moment. Ils établissent un rapport constatant les manquements ; celui-ci est aussitôt transmis à l’autorité administrative ayant délivré la décision qui, a son tour, met en demeure la personne intéressée dans un délai déterminé.

En cas d’inexécution, diverses sanctions s’appliquent : consignation d’une somme entre les mains d’un comptable public, exécution d’office des travaux ou suspension du projet. Indépendamment de ces sanctions, les frais de la procédure de contrôle sont mis à la charge du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage.

Enfin, l’autorité qui autorise la réalisation des travaux « prend en considération l’étude d’impact ». Cette formule devrait, d’une manière ou d’autre, conduire les autorités à rendre compte de cette prise en considération de façon explicite dans leurs décisions.

Quelles sont les conditions d’entrée en vigueur des nouveaux textes ?

Les nouvelles dispositions concernant les études d’impact s’appliquent aux projets dont le dossier aura été déposé auprès de l’autorité compétente à compter du premier jour du sixième mois après publication du décret.

Lorsque cette autorité est le maître d’ouvrage, la date de l’enquête publique est prise pour référence à la place de celle du dépôt du dossier.

Les autres dispositions affectant les évaluations environnementales, visées aux Codes de l’environnement et de l’urbanisme, entrent immédiatement en vigueur. Certaines dispositions, comme les évaluations environnementales devant faire l’objet d’un examen au cas par cas, ne pourront être appliquées qu’au vu d’un futur décret à paraître.

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