À l’instar des autres secteurs de la construction, les industriels de la menuiserie et de la protection solaire sont engagés dans une course au bas carbone qui concerne l’ensemble du cycle de vie du produit. Dans le domaine plus spécifique des matériaux, la décarbonation passe par deux voies majeures : celle du biosourcé ou celle du recyclage. Le principal matériau biosourcé n’est autre que le bois, décliné en châssis, volets, persiennes, brise-soleil, portes ou clôtures. Certes, depuis vingt ans, le noble matériau a perdu du terrain face au PVC et à l’aluminium… mais il a retrouvé un nouveau souffle grâce à des produits qualitatifs.
D’autres pistes sont explorées, en particulier des substituts biosourcés pour la résine de PVC, pour des colles, des joints d’étanchéité ou des isolants. Souvent peu répandus ou trop chers pour se montrer compétitifs, ces nouveaux matériaux ont néanmoins un avenir à terme face aux produits issus de la pétrochimie. Dans le secteur des protections solaires, la toile de stores Soltis Veozip (de Serge Ferrari) qui intègre des fils de chanvre montre le chemin d’une approche décarbonée. L’autre voie bien connue du bas carbone est celle du recyclage qui a donné de très bons résultats pour des filières comme l’alu ou le PVC. Quant au verre, en particulier le float, les démanteleurs doivent suivre une méthodologie très rigoureuse pour réussir à incorporer du verre issu de la déconstruction. Le groupe Saint-Gobain met en avant les progrès effectués dans la collecte des vitrages et la production de calcin, avec une production globale sur la France de 1 350 tonnes de calcin en 2021 contre 385 tonnes en 2020.

La menuiserie bois, un produit de qualité
D’après l’étude de marché de la fenêtre en France en 2020 financée par le Codifab, la fenêtre bois représentait de l’ordre de 10 % de parts de marché en 2019 et le mixte bois/alu environ 2 %. « Après une baisse radicale dans les années 1990 et 2000 devant l’offensive du PVC et de l’aluminium, le marché du bois et du bois/alu s’est stabilisé ces dernières années entre 10 et 15 % avec des produits à forte valeur ajoutée. La plus grande part du marché en bois demeure le secteur de la rénovation, mais de plus en plus de projets se font en neuf », assure Marc Sigrist, ingénieur conseil et appui technique auprès des menuisiers à l’Institut technologique FCBA. Il existe deux certifications pour la menuiserie bois. Le Référentiel de la marque NF Fenêtres Bois et Portes Extérieures (NF297) concerne plutôt les industriels d’une certaine taille qui produisent les trois matériaux. Le bois et le mixte bois alu étant certifiés par le FCBA. Un autre label piloté par l’UMB-FFB s’appelle Menuiseries 21, qui est adapté aux petites et moyennes entreprises désireuses d’homologuer leurs menuiseries au NF DTU 36.5 avec une reconnaissance de la qualité de leurs produits d’un point de vue environnemental.
Nouvelles alternatives au biocide
Plus de la moitié du bois utilisé est du bois tropical provenant d’Afrique ou d’Asie, ne nécessitant pas de traitement avec des biocides et venant de forêts certifiées PEFC ou FSC, qui sont gérées durablement. Ensuite vient le bois européen avec 20 % de chêne qui est aussi sans biocide. Le reste est du bois résineux non durable avec de l’aubier et nécessite des biocides. Pour fabriquer ses châssis en bois, les Menuiseries Bourneuf transforment soit du bois exotique venant d’Afrique, soit du mélèze venant essentiellement d’Europe de l’Est ou du chêne en provenance de France ou de Roumanie. « Dans les faits, le bois certifié est très rarement demandé dans les appels d’offres. Notre priorité n’est pas de répondre à la RE2020 qui n’a pas d’impact sur les demandes mais de nous organiser face à la pénurie d’approvisionnement, qui frappe en particulier le mélèze. L’idée est de travailler avec de bons importateurs », avoue Pascal Joubert, directeur général des Menuiseries Bourneuf.
Une très grande majorité des formulations de traitement de surface du bois comportent des substances dont le renouvellement est en cours d’étude du fait de leurs impacts sur la santé et/ou l’environnement. La filière développe donc de nouvelles solutions : biocides de substitution, alternatives non-biocides avec les bois modifiés, conception assurant la protection et salubrité du bois (fenêtre mixte bois/alu) « La finition du châssis bois a gagné en qualité, avec de la lasure ou de la peinture. Auparavant, la peinture était faite sur le chantier, maintenant elle est réalisée en atelier. Une solution plus efficace, avec des produits aqueux sans solvant, qui résistent plus longtemps avec un délai d’entretien tous les dix ans. À noter que les biocides actuellement utilisés pour les traitements de surface des bois ne sont pas des substances dangereuses et permettent ainsi le réemploi des bois ou le recyclage en panneaux ou en production d’énergie, au contraire du créosote utilisé par le passé pour certains bois autoclavés », poursuit Marc Sigrist.
Des performances remarquables
La nouvelle réglementation ne va pas demander à épaissir les profils des fenêtres bois, qui ont déjà fortement gagné en performance avec la RT2012. Le plus couramment utilisé est un profil 68 mm avec un double vitrage en 24-28 mm. L’idée est de travailler en conception afin d’obtenir le profil le plus fin possible et une surface vitrée importante, ce qui améliore la thermique.
« En isolation acoustique, il est difficile d’aller au-delà de 43 dB. Et nous avons déjà pour la performance thermique des châssis en 78 mm d’épaisseur, voire jusqu’à 100 mm d’épaisseur. Ces épaisseurs sont consommatrices de bois et ne sont pas toujours adaptées aux projets en rénovation », constate Pascal Joubert. L’industriel travaille au développement d’une menuiserie très fine en 45-48 mm d’épaisseur avec un coefficient thermique Uw inférieur à 1 W/m².K. Alors qu’actuellement, le 58 mm d’épaisseur minimale est requis pour atteindre ce type de performance. Ces menuiseries avec profils fins pourraient convenir pour des cas de rénovation sur des projets MH (Monuments historiques). Sur le marché du réemploi, les ouvrants des menuiseries extérieures bois peuvent être réutilisés en menuiserie intérieure ou pour des serres agricoles mais il s’avère difficile de les réutiliser pour le même usage en raison de l’évolution des performances des vitrages. Un atout des menuiseries bois par rapport aux autres matériaux est leur démontabilité, qui facilite le recyclage. Les châssis de fabrication industrielle sont en effet à assemblage mécanique. Une autre évolution technique consiste aussi à utiliser de moins en moins de colles dans les assemblages ou sinon des colles biosourcées.
PVC, le biosourcé à la peine face au recyclage
Le PVC est fabriqué à base de sel (57 %) avec des réserves très larges et d’éthylène (43 %), un résidu de l’industrie pétrolière. Actiplast est un fournisseur de matières premières, et fabrique du compound, du PVC vierge, qui sert entre autres à la fabrication des profilés des fenêtres et volets roulants. Il existe trois axes principaux pour obtenir du PVC bas carbone : le recyclage qui s’est imposé comme la voie royale, la résine biosourcée et l’inclusion de charges végétales comme le lin ou le bois en remplacement de charges minérales à base de craie dans la formulation. La résine est l’ingrédient le plus important du PVC vierge à un taux d’environ 80 %. « Or, depuis moins de deux ans, nous sommes accrédités ISCC +, ce qui nous donne la possibilité d’acheter de la résine biosourcée fabriquée à base de biomasse, à des fournisseurs comme Biovyn, en remplacement de la résine habituellement utilisée. Le produit obtenu possède exactement les mêmes propriétés mais l’empreinte carbone est drastiquement diminuée. Nos clients ont réagi très favorablement mais la demande commerciale n’existera pas tant que la résine biosourcée demeurera beaucoup plus chère surtout en ces périodes de très fortes hausse du PVC par ailleurs », confie Thierry Jaffrain, directeur commercial d’Actiplast.
Grâce à la nature thermoplastique du PVC, la piste principale pour limiter son empreinte carbone demeure le recyclage. Le PVC peut être recyclé jusqu’à sept fois de suite pour un usage identique en menuiserie. Si la part de PVC recyclé est de plus en plus importante, la norme limite son usage. La couche extérieure doit demeurer vierge afin d’éviter la pollution et afin que la teinte soit uniforme et demeure stable dans le temps aux UV. AlphaPro, le premier extrudeur-gammiste PVC français, regroupe Profialis et Alphacan, et fabrique 20 % de la production française, soit environ un million de fenêtres par an. « Nous arrivons chez Profialis à 80 % de recyclé mais nous même pourrions atteindre le 100 %, à condition de déroger à la norme. Cela poserait la question des gisements pour fournir de telles quantités de matières recyclées. Au final, et dans les conditions actuelles, le bilan global est favorable au PVC par rapport à l’alu. Les efforts engagés par les industriels se poursuivent pour augmenter les quantités de matières recyclées incorporées et décarboner leur production en ayant recours à l’électricité solaire et en réduisant les consommations énergétiques », résume Sylvain Gaudard, responsable communication d’Alphapro Groupe. La course au bas carbone ne fait que commencer.