Mal Logement : le fléau s'aggrave, selon la Fondation Abbé Pierre

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« Le mal-logement en France s'aggrave », dénonce la Fondation Abbé Pierre dans son 18e rapport sur ce fléau rendu public le 1er février. Au-delà des chiffres, qui font référence sur le sujet mais qui sont toujours plus inquiétants, la Fondation fait un point d’étape sur la prise en compte du problème par le nouvel exécutif, un an après la signature du contrat social signé par le candidat François Hollande. Et appelle les pouvoirs publics à prendre mieux en compte deux phénomènes : l’évolution des besoins liées à l’éclatement de la cellule familiale ; et la territorialisation de la crise du logement.

Selon la Fondation Abbé Pierre, 685 000 personnes sont dépourvues de logement personnel en France (dont 133 000 sans domicile fixe) mais 3,6 millions sont « non ou mal logées » et plus de 5 millions sont "fragilisées" par la crise du logement. « On perçoit à plein les effets de la crise sur les plus fragiles. Le bouclier de protection sociale n’est plus calibré pour répondre à ces difficultés », note Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation. Signe d'une dégradation de la situation pour les locataires, "les impayés progressent" (113 700 cas en 2011) et de "nouveaux records" ont été atteints pour les expulsions (12 800 en 2011). Les familles s'adaptent au prix de "toujours plus de renoncements, avec une gymnastique budgétaire qui ne tient plus", souligne la Fondation. En 2011, plus de 6 millions de ménages ont bénéficié d'une aide au logement, soit le "niveau le plus élevé" depuis la création de ces aides. Autre signe auprès des sans domicile, la Fondation observe que l'augmentation des appels au 115 "se manifeste dans des territoires jusqu'à présent épargnés, y compris dans les zones rurales".

Des politiques du logement à adapter aux territoires

Deux éclairages sont portés cette année sur l’impact de l’évolution des familles sur la demande de logements et sur la territorialisation de la crise. « Contrairement au discours politique porté ces dernières années résumant quelque peu la question de la crise du logement à l’Ile-de-France et à la région Paca, c'est dans les grandes villes à prix bas que le mal-logement est le plus présent. 27% des ménages y éprouvent des difficultés à payer pour se loger contre 5% à Paris !», s’insurge Christophe Robert. Les communes rurales isolées ou péri-urbaines concentrent ainsi 46% des logements sans confort et hébergent quelque 3 millions de personnes. De sorte que les métropoles où le marché immobilier est tendu se caractérisent par une ségrégation territoriale de plus en plus forte, note le rapport, entre ceux qui peuvent choisir et ceux qui ne le peuvent pas. D’autres types de difficultés se font jour dans les secteurs touristiques (raréfaction et renchérissement de l’offre disponible en raison de la pression exercée par la demande en résidences secondaires), les zones transfrontalières (marché à deux vitesses et prix en forte hausse), territoires désindustrialisés (conditions d’habitat qui se dégradent nettement), régions rurales (faible solvabilité, vétusté des logements, précarité énergétique). « Autant de situations qui appellent des réponses politiques spécifiques », estime Patrick Doutreligne. « C’est pourquoi l’enjeu de l’observation et du diagnostic sont essentiels. Car si on se limite à regarder les indicateurs de production et de prix, on passe à côté de plein de sujets », ajoute-t-il.

Et aux nouvelles formes de ménages

D’autant que l’image du couple avec enfants a explosé (33,6% des ménages sont des personnes seules, plus de 50% à Paris), créant d’importants besoins en logements mal pris en compte dans les projections et créant aussi de nouvelles fragilités auxquelles répondent mal les politiques publiques (hébergement, logement social, etc.). « Les plus grandes victimes du mal logement sont celles qui arrivent sur le marché du logement », estime les dirigeants de la Fondation. «Les jeunes ne peuvent s’autonomiser, les familles qui s’agrandissent sont contraintes de s’éloigner en périphérie, sans avoir toujours bien évalué les coûts induits par l’éloignement. Tout cela dessine une nouvelle sociologie péri-urbaine », note Patrick Doutreligne.

Besoin de mesures cohérentes

En attendant la grande loi-cadre sur le logement et l'urbanisme qui sera présentée en juin, la Fondation Abbé Pierre salue l’engagement du nouveau gouvernement et les quelques mesures positives déjà prises (encadrement des loyers à la relocation, passage de 20 à 25% de logements sociaux par commune dans la loi SRU, cession de terrains publics, légère augmentation des aides à la pierre, engagement financier sur trois ans d’Action Logement).

« Mais tout cela ne donne pas un nouveau modèle et ne suffira pas pour atteindre l’objectif affiché par le gouvernement de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux », note Patrick Doutreligne qui estime que pour parvenir à 150 000 logement sociaux, il faudrait augmenter de 54% la programmation inscrite dans les plans locaux de l’habitat des trente premières agglomérations françaises et s’assurer de leur réalisation tout en pariant sur le fait que les plus petites villes prendraient aussi leur part de l’effort de production. «L’Etat devra s'impliquer donc davantage financièrement », insiste la Fondation.

Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, a assisté à toute la matinée de présentation de ce 18ème rapport. Interpellée à de nombreuses reprises, elle a conclu la matinée en indiquant « comprendre l’impatience et les demandes de moyens supplémentaires ». Mais elle a assuré « avoir aujourd’hui les clés pour construire 150 000 logements sociaux (Action Logement, aides à la pierre, mutualisation des fonds propres des bailleurs sociaux). La ministre a également montré sa volonté de remettre sur le marché les logements vacants existants en sécurisant propriétaires et locataires avec la garantie locative universelle qu’elle entend mettre en place. Et de développer l’offre intermédiaire grâce au nouveau dispositif  d’investissement locatif. « Car nous avons besoin du secteur privé », a-t-elle indiqué. Mme Duflot a certes avoué « ne pas être au bout du chemin en ce qui concerne la disponibilité foncière » tout en martelant que « le logement étant un bien de première nécessité, le marché du logement devait être régulé ». La future loi-cadre sur le logement et l’urbanisme sera donc une étape décisive pour la concrétisation de ce volontarisme.

Au final, et malgré le contexte économique difficile, la Fondation appelle à accélérer la mise en oeuvre du « contrat social pour une nouvelle politique du logement » et réclame une vraie « cohérence » de la politique du logement. Il reste, selon la Fondation, à trouver l’articulation entre les mesures d’urgence, pour éviter les basculements de situations, et les mesures plus structurelles pour satisfaire l’ensemble des besoins. « L’année 2013 sera déterminante pour donner à la politique du logement de nouvelles orientations nécessaires à l’instauration d’un système plus équitable », conclut la Fondation Abbé Pierre.

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