Au Congrès HLM, beaucoup de questions sans réponses et des inquiétudes plus ou moins justifiées

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Pas de gouvernement formé, pas d’annonces : les acteurs publics et privés réunis à Paris à l’initiative de l’Union sociale pour l’habitat restent dans le brouillard après trois jours de réunions et débats tournés principalement sur le financement du logement social.
Dans les allées de Paris Expo Pörte de Versailles, à l'occasion du Congrès HLM 2025.
Dans les allées de Paris Expo Porte de Versailles, à l'occasion du Congrès HLM 2025, un événement annuel qui réunit les acteurs publics et privés du logement social.

« Investir un euro d’argent public dans le secteur du logement, c’est en retrouver deux et demi dans les comptes publics. » Le discours de clôture du Congrès HLM prononcé le 25 septembre à Paris par Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat qui organise l’événement, s’inscrit dans l’ère du temps : les deniers publics se raréfient.

Cette édition 2025, sans ministre du Logement, et qui a battu un record d’affluence avec 32 500 visites en trois jours, aura été l’occasion pour les organismes HLM de marteler leur principale revendication : la suppression de la Réduction du loyer de solidarité (RLS). « Un impôt fainéant qui n’a rien produit de mieux que d’entraver nos capacités d’investissement de plus de 10Mds€ [depuis 2018, NDLR]. Il n’a rien encouragé, il n’a fléché aucune ressource vers aucune politique vertueuse. Il a contribué au budget de l’Etat sans rien changer d’ailleurs à ses difficultés », tacle l’ancienne ministre du Logement.

A moyen terme, les organismes HLM sont inquiets pour le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) qui risque de ne plus être équilibre l’an prochain en raison du désengagement progressif de l’Etat et d’Action Logement. « Si l’on sauve les principes généraux du Fnap, on peut malgré tout le dévitaliser en asséchant ses ressources, avertit-elle. Cette menace est, à ce jour, toujours active. » L’USH demande 700M€ en autorisations d’engagement en 2026 pour pouvoir accorder des aides à la production de logements très sociaux, les plus difficiles à produire pour des raisons économiques.

Sans interlocuteur au ministère du Logement ni même à celui des Outre-Mer, où l’offre sociale n’est pas non plus à hauteur de la demande, le secteur peut trouver du réconfort du côté des élus locaux. Nathalie Appéré, maire socialiste de Rennes, met dans sa poche le public en salle plénière : « Que faut-il pour le secteur ? Plus de fonds propres. Cela veut dire supprimer la RLS. » Applaudissements.

Les perspectives ne sont pas si mauvaises

Serge Bossini, directeur général de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), s’inscrit à contre-courant d’Emmanuelle Cosse et de la majorité des congressistes : « A force d’insister sur la question du financement, on en oublie les freins non financiers. »

La maîtrise d’ouvrage directe, jugée trop faible par certains par rapport au poids de la production privée, fait pourtant l’objet de discussions entre opérateurs. « Les bailleurs qui gèrent un petit parc de 1500 logements n’auront pas les moyens financiers de recruter un salarié en équivalent temps plein (ETP), convient-il. D’où la loi Elan. » Promulgué en 2018, ce texte portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique obligeait d’ici 2021 les propriétaires de moins de 12 000 HLM à s’adosser à un groupe capitalistique ou à se regrouper au sein d’une société anonyme de coordination (SAC).

Vingt-un organismes franciliens ont choisi une autre voie : le Groupement d’intérêt économique (GIE) Grand Paris Habitat. Créé par le groupe CDC Habitat, bailleur de logements sociaux, intermédiaires et libres, il réalise des opérations en maîtrise d’ouvrage directe pour la filiale de la Caisse des dépôts mais aussi pour les autres adhérents du GIE.

« Rétrospectivement, la tendance est bonne, assure Serge Bossini. Selon nos chiffres provisoires de 2024, le taux d’investissement des organismes a progressé de 0,5 point par rapport à 2023, qui était une bonne année. »

Mais sur fond d’instabilité politique et de rigueur budgétaire de l’Etat, n’ont-ils pas raison de s’inquiéter du manque d’argent ? « Sauf événement majeur imprévu, les conditions macro-économiques vont s’améliorer par rapport à 2024. Il n’y a donc pas de raisons que les investissements des bailleurs fléchissent », conclut Serge Bossini.

Leurs prêts sont en effet indexés sur le taux du Livret A. Or, celui-ci est passé de 3% en 2023 à 1,7% depuis cet été. Et rien n’indique qu’il repartira à la hausse : l’inflation, l’indicateur-clé de Bercy, devrait rester inférieure à 2%. La Banque de France table sur 1,3% en 2026 et 1,8% en 2027.

Si les bailleurs s’endettaient à un taux inférieur à 1% entre 2014 à 2022, ils sortent globalement d’une période compliquée. « La loi Elan de 2018 a certes permis de restructurer le secteur, mais les fusions les ont déstabilisés au début, note Claude Bonacossa, directeur général par intérim de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Puis la RLS, le Covid, l’inflation des matériaux, des salaires… ont fini par éroder leur rentabilité. »

L’établissement public qu’il pilote note encore des signaux faibles. « Nous voyons de plus en plus d’organismes qui commencent à être en difficulté. Ils sont au stade de la prévention. La situation est pour l’instant maîtrisée par leur banquier et leur fédération qui les aident à bâtir un plan de résolution. Mais si les conditions de dégradent… » En revanche, le nombre d’organismes en grande difficulté, qui ont besoin d’un plan d’aides, a été divisé par deux en six ans. « Sans aucun doute parce que les gros solides ont intégré les petits fragiles, souligne le dirigeant de la CGLLS. Le secteur s’est professionnalisé ces dernières années. Il s’appuie sur de très bons dirigeants, qui repèrent plus vite les difficultés. »

Les craintes financières, sur le soutien de l’Etat que les bailleurs sociaux ne maîtrisent pas, sont-elles justifiées ? « Les organismes sont des acteurs du temps long qui empruntent sur 40 à 80 ans, rappelle-t-il. Ils veulent de la visibilité sur la fiscalité, le niveau de RLS, les aides. Or, aujourd’hui, ils ne savent pas quelle sera la situation dans six mois. C’est regrettable car ils logent les plus modestes, répondent à un besoin du pacte républicain. Idéalement il faudrait que le prochain ministre du Logement reste plus longtemps que ses prédécesseurs, mais le plus important, c’est une politique du logement à long terme, autour d’un pacte social, fiscal et réglementaire sur cinq ou dix ans, signé par l’Etat et les organismes. »

Le renouvellement urbain, un sujet consensuel ?

Sur le retard de l’Etat dans ses versements en faveur de la mixité sociale dans le cadre le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), le secteur peut compter sur de nombreux soutiens. « Deux conséquences si l’Etat n’est pas à la hauteur de ses engagements l’an prochain : un ralentissement des chantiers et un portage par des collectivités, alerte Patrice Vergriete, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). En tant que président de la communauté urbaine de Dunkerque, je n’ai pas envie d’avancer. Surtout à l’approche des élections municipales en mars prochain. »

L’ancien ministre du Logement sous la présidence d’Emmanuel Macron, accusé par les bailleurs d’avoir affaibli le secteur, se montre assez confiant : « Les parlementaires ont bien compris l’enjeu. J’espère que le nouveau gouvernement l’a aussi compris. » Le débat est chiffré. « Il faudrait que l’Etat apporte 250M€ pour que les chantiers ralentissent pas », calcule-t-il. En 2025, l’Etat a versé 47M€. « Le job est fait sur le terrain. Maintenant il faut payer », insiste Patrice Vergriete.

Peu tendre avec les précédents gouvernements lors de son intervention en salle plénière, Cédric van Styvendael, maire socialiste de Villeurbanne (Rhône), espère que l’Etat contribuera en 2026 à hauteur de 116M€ pour éviter une cessation de paiement des bailleurs mobilisés par le NPNRU, dont un quart des chantiers ont été livrés.

La suite à donner à ce programme lancé en 2014 constitue un autre enjeu politique. « Le prolongement ou non de l’Anru n’est pas une question bâtimentaire. Il ne s’agit pas non plus de savoir combien on dépense pour la rénovation urbaine. C’est un enjeu de décarbonation et de lutte contre la ségrégation sociale qui conduit la France à être divisée », soutient Cédric van Styvendael. S’il n’attend « pas grand-chose » de la loi de finances 2026, le socialiste est curieux de savoir « combien on va me piquer pour que je puisse adapter mes politiques publiques ».

Invitée par l’USH, une autre figure issue de l’ancienne majorité présidentielle comprend les craintes du secteur sur la question du financement du logement social. « Structurellement, l’Etat et les collectivités ont un problème structurel : il faudrait se contraindre par des budgets pluriannuels qui ne bougent pas pour donner de la visibilité aux acteurs, observe Clément Beaune, haut-commissariat à la stratégie et au plan, ancien. La France n’est pas bonne en stabilité financière. » L’ancien ministre des Transports et des Affaires européennes suggère de s’inspirer de nos voisins européens. Les budgets du Luxembourg, par exemple, sont pluriannuels depuis 2014.

Des alliances avec les futurs maires

A l’approche des élections municipales de mars prochain, Emmanuelle Cosse a un message pour les équipes municipales sortantes et leurs potentiels successeurs : « Les bailleurs sociaux sont un outil à votre disposition pour faire bouger votre ville. Nous sommes, comme vous, des acteurs d’intérêt général, qui se lèvent chaque matin pour donner le meilleur à nos locataires. Faisons alliance dans les mois qui viennent pour faire réussir nos territoires ! »

Enfin, la relance de la production sociale, qui devrait tourner autour des 100 000 agréments cette année, ne peut se dessiner sans les promoteurs immobiliers, dont les logements sont achetés en bloc par les bailleurs, et les entreprises de bâtiment. « Nos métiers se complètent, se croisent, se concurrencent parfois, mais contribuent ensemble à loger les Français », observe-t-elle.

Et d’ajouter : « J’exprime régulièrement des exigences vis à vis du secteur privé. Mais je suis inquiète, profondément inquiète, du risque qui guette notre pays de voir disparaitre des savoir-faire et un appareil productif (…) Les HLM ne vivent pas mieux quand le privé s’effondre. »

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