Expérimenté en 2023 puis confirmé en 2024, le dispositif Seconde vie vise les chantiers à mi-chemin entre rénovation énergétique et démolition-reconstruction. Pensé par l’Union sociale pour l’habitat et la Banque des territoires, il a pour but d’assurer l’équilibre économique des réhabilitations lourdes au sein du parc social. Le cocktail présenté comme gagnant par ses promoteurs mélange aides fiscales, prêts bonifiés et hausse des loyers sauf pour les locataires en place avant le chantier.
Mais attention, deux conditions s’imposent aux bailleurs. Sont aidés les opérateurs qui transforment des logements classés G, F ou E en B ou A sur le Diagnostic de performance énergétique (DPE), dans des bâtiments âgés de 40 ans ou plus, donc amortis financièrement, car il s’agit de leur redonner 40 ans d’espérance de vie. « L’Etat a préféré exclure les logements C pour prioriser les deniers publics qui se font rare sur des rénovations très performantes », contextualise Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise et des politiques patrimoniales de l’USH.
Seulement 503 agréments obtenus
A date, seulement sept projets, représentant 503 logements, sont financés. Et 32 autres projets pour près de 1500 HLM sont inscrits dans le Système d’information des aides à la pierre (Siap) qui recense les demandes d’agréments, pour l’heure issues de onze régions.
« Ces chiffres semblent relativement modestes mais la dynamique est enclenchée, observe Benoît Ameye, sous-directeur des politiques de l’habitat de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Le dernier décret date du 28 février et les bailleurs devaient connaître toutes les caractéristiques de leurs opérations, ce qui prend du temps. Par ailleurs, la saisonnalité des agréments, délivrés principalement en décembre et janvier, annonce une belle fin d’année. »
Les exploitants du parc HLM se sont bien emparés de Seconde vie « alors même que ce dispositif indispensable et innovant a eu tant de mal à sortir des arcanes de Bercy », confirme Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH. Fin juillet, donc avant le nouveau chapitre d’instabilité politique qui contrarie le secteur, la confédération a sondé les bailleurs. Ces derniers prévoyaient d’enregistrer cette année un total de 6500 logements dans le Siap.
C’est le cas d’Orne Habitat. L’Office public de l’habitat départemental est sur le point de finaliser sa demande de soutien en vue de redonner vie à un bâtiment amianté des années 60, situé à L’Aigle. Un immeuble qu’il a commencé à réhabiliter avant d’arrêter l’opération, finalement jugée non-rentable. « Seconde vie doit nous permettre d’équilibrer ce chantier qui consiste à passer de 66 logements, actuellement vacants, à 72 », détaille Christophe Bouscaud, directeur général du bailleur qui gère près de 12 000 logements. L’idée est in fine d’adapter l’offre à la demande en réduisant les surfaces de certains appartements pour faire face au phénomène de décohabitation. Orne Habitat a déjà désigné la maîtrise d’oeuvre pour une mise en chantier dans un an environ.
TVA à 5,5%
Les candidats sélectionnés accèdent aux mêmes avantages fiscaux que ceux accordés aux logements sociaux neufs. Seconde vie prévoit en effet une exonération de taxe foncière pendant 25 ans et un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit à 5,5%. « Mais le levier principal, c’est que nous pourrons augmenter les loyers comme si les logements étaient neufs », souligne Christophe Bouscaud.
Concernant les emprunts bancaires nécessaires pour mener ces opérations complexes, « la Banque des territoires pousse les curseurs au maximum », assure Hakim Lahlou, son directeur du développement de la direction des prêts. Hors bonus relatifs au désamiantage par exemple, la filiale de la Caisse des dépôts, prêteur historique des bailleurs, débloque « le montant le plus élevé possible, à raison de 33 000€ par passoire éradiquée, sur la durée la plus longue possible, jusqu’à 40 ans », explique-t-il.
Au nom de la neutralité carbone, le coût pour convertir l’intégralité du parc social en étiquette A ou B d’ici à 2050 est estimé par l’USH à près de 300Mds€.