Exclusif

«En 2024, c’est comme si le groupe CDC Habitat avait lancé un plan de soutien»

⚠️ HTML Subscription Block Access Rights – IPD Block Test

Après deux années soutenues, le bailleur de logements sociaux, intermédiaires et libres prévoit en 2025 de lever le pied sur ses commandes aux promoteurs immobiliers, annonce Anne-Sophie Grave, sa présidente du directoire, que nous avons interrogée en exclusivité avant la présentation des résultats du groupe, le 3 avril.

Réservé aux abonnés
Anne-Sophie Grave, présidente du directoire du groupe CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts.
Anne-Sophie Grave, présidente du directoire du groupe CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts.

Quel bilan dressez-vous de l’année écoulée en matière de construction neuve ?

L’activité du groupe CDC Habitat a encore été très soutenue l’an dernier. Nous avons mis en chantier 19 400 logements, contre 19 500 en 2023. Et nous en avons livré 18 700, après le pic de l’année précédente (23 400) lié à notre plan de relance de 2020 pour la production de logements sociaux, intermédiaires et libres. Avant la pandémie, nous étions plutôt sur un rythme de 15 000 à 17 000 mises en chantier et autant de livraisons.

Qu’en est-il des agréments de logements sociaux obtenus auprès des préfets ?

Nous préférons communiquer sur les mises en chantier qui reflètent mieux l’activité. Certes le nombre d’agréments permet de mesurer la production potentielle. Mais la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) estime le taux de chute entre les agréments et les mises en chantier de 10 à 12%. Au total, la construction neuve a représenté 3,7Mds€ d’investissements.

Et concernant l’entretien de votre parc de 563 000 logements, à 80% sociaux ?

Nous avons engagé 13 800 rénovations énergétiques et réhabilitations lourdes, notamment dans le cadre de l’Anru, pour un investissement de 1Md€. Un niveau record. En 2023, il y en avait eu 11 600 pour 793M€ investis. Notre trajectoire en termes de baisse des consommations énergétiques primaires est vertueuse : sur le périmètre de CDC Habitat et CDC Habitat social (315 000 logements sociaux et intermédiaires, NDLR), le parc est en moyenne en C à 135 kWhep/m2/an.

Le groupe en chiffres

563 000 logements, dont 80% sociaux et 20% intermédiaires ou libres, sont gérés par 6 filiales métropolitaines (CDC Habitat pour l’intermédiaire, CDC Habitat Social pour le social, Sainte-Barbe dans le bassin minier de Lorraine…) et 9 Sociétés Immobilières d’Outre-mer (Sidom).

Pourquoi avoir ajouté la dimension énergétique dans votre « plan bâtiment énergie » présenté en 2024, dans la lignée de votre « plan stratégique climat » de 2023 ?

C’est un levier important pour inscrire notre patrimoine sur la trajectoire nationale visant à limiter la hausse des températures sur la planète à 1,5°C d’ici à 2100. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous devons travailler sur le bâtiment, son isolation thermique mais aussi sur son vecteur énergétique. Cela passe par un recours accru aux énergies renouvelables : géothermie, photovoltaïque, pompes à chaleur...

Nous mettons également l’accent sur les réseaux de chaleur urbain, car ils sont existants et, pour la plupart, vertueux. Quand l’immeuble peut être raccordé, c’est la solution la plus rapide à mettre en œuvre, mais pas forcément la moins chère. En 2022, sur nos 140 000 logements gérés en Ile-de-France, dont 60% chauffés au gaz, nous en avions identifié 15 000 supplémentaires pouvant être raccordés à ces réseaux de chaleur urbains par rapport aux 35 000 déjà raccordés. A date, 2 000 sont en cours.

La dernière estimation gouvernementale de janvier 2024 faisait état, en France, de 300 000 HLM étiquetés F ou G. Où en êtes-vous dans l’éradication de vos passoires thermiques ?

Il nous reste 43 logements G, soit 0,0001% de notre parc, avec des situations diverses. Par exemple, des maisons individuelles avec un refus des locataires d’engager les travaux ou des logements au sein de copropriétés. Les F représentent 0,6%.

Les défaillances de promoteurs à qui vous achetez des logements neufs se multiplient. Quelles conséquences sur votre production ?

Sur les 17 500 logements précommandés par le groupe en 2023, dans le cadre de notre plan de soutien à la filière, 11 800 étaient commencés fin 2024, ce qui est une belle performance. Pour les autres opérations à venir, il peut y avoir des recours, un financement bancaire à sécuriser… La consultation des entreprises peut prendre du temps aussi. Les premières livraisons de ces logements, à 70% intermédiaires, devraient intervenir en 2026, au moment où il risque d’y avoir une pénurie d’offre.

C’est dans ces moments que vous joué un rôle contra-cyclique…

Nous le jouons deux fois : quand nous passons commande aux promoteurs afin de soutenir toute la filière, dont les entreprises de bâtiment, puis quand les logements sont livrés. Notre plan annoncé en 2020 visait la construction de 40 000 logements. Il en a finalement atteint 32 000, suite à l’abandon d’opérations par les promoteurs pour des raisons économiques ou de permis de construire non obtenus. Il a donné lieu à un pic de livraisons en 2023.

Combien de logements avez-vous commandés aux opérateurs privés en 2024 ? Quelles sont vos prévisions cette année ?

L’an dernier, nous avons maintenu un niveau élevé avec 17 500 logements, à 60% intermédiaires. Sans le dire, c’est comme si nous avions lancé un deuxième plan de soutien en cette nouvelle année de crise pour les promoteurs. En 2025, nous devrions être autour de 13 000 à 15 000 logements, à 60% intermédiaires également. Ces acquisitions en Vefa sont complétées par la maîtrise d’ouvrage directe. En 2024, celle-ci a représenté 20% des logements sociaux mis en chantier par CDC Habitat Social.

Comme d’autres acheteurs en bloc, souhaitez-vous renforcer votre maîtrise d’ouvrage directe et ainsi moins dépendre des promoteurs ?

Oui. Dans notre production validée en comité d’engagement l’an dernier, 30% des logements sociaux de CDC Habitat Social sont en maîtrise d’ouvrage directe. Nous visons les 40% d’ici 2030. Les promoteurs préfèrent l’intermédiaire pour des raisons économiques. Or, les besoins sont énormes. C’est pourquoi nous prévoyons de produire 1000 logements sociaux supplémentaires par an par CDC Habitat Social d’ici 2034, principalement en maîtrise d’ouvrage directe. Nous bénéficions pour cela d’une augmentation de capital de 250M€ de notre actionnaire, la Caisse des dépôts.

Les défaillances de promoteurs se multiplient. Quelles conséquences sur vos chantiers en cours ?

Une dizaine de garanties financières d’achèvement (GFA) ont été activées pour reprendre les opérations de nos partenaires, dont trois en 2023. Les chantiers actuellement à l’arrêt représentent moins de 200 logements. Cela reste donc marginal au regard de notre production.

Comment avez-vous renforcé vos critères de sélection des promoteurs ?

Il n’y a rien de pire qu’un chantier arrêté. Le garant doit retrouver un opérateur et des entreprises. Il nous arrive de demander au promoteur des informations financières complémentaires. En fin d’année, l’analyse du bilan de l’année antérieure n’est pas suffisante dans le contexte actuel, car elle ne tient pas compte des événements les plus récents. Nous nous basons aussi sur les remontées terrain de nos développeurs, chargés d’opérations… qui travaillent avec les promoteurs au quotidien.

Les entreprises de bâtiment sont aussi en difficulté. La crise du secteur se ressent-elle sur vos chantiers de construction et de rénovation ?

Nos propres opérations peuvent également être arrêtées en raison de défaillances d’entreprises. Du point de vue du maître d’ouvrage, il y a un élément positif dans le contexte actuel : nous avons davantage de réponses à nos appels d’offres qui ne sont plus infructueux comme il y a deux ans, bien que les prix n’aient pas baissé.

Dans le neuf en décroissance, les parts du gâteau sont plus petites…

Certains métiers, en particulier dans le second œuvre, ont pivoté vers la réhab’. Cela bénéficie par exemple à notre filiale Maisons et Cités, dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Entre le soutien financier de l’Etat dans le cadre d’un vaste programme de réhabilitation et les compétences dans la région, notre filiale est sur un bon rythme de travaux.

A un an des municipales, traditionnel frein à la construction, comment anticipez-vous les prochaines années en termes de créations de logements ?

Pour l’instant, nous n’avons pas senti de coup de frein. Mais il faut s’attendre à ce que certaines municipalités nous demandent de démarrer le chantier après les élections de mars 2026. Le marché est tombé tellement bas l’an dernier qu’il ne peut en principe que se relever. Je suis optimiste car il y a une prise de conscience des collectivités depuis 2023 sur l’ampleur de la crise : des métropoles avaient alors lancé des plans d’urgence pour soutenir le logement neuf.

La Réduction du loyer de solidarité (RLS), ponction sur le chiffre d’affaires des bailleurs sociaux, va baisser de 200M€ cette année. Le taux du Livret A, lui, a reculé de 0,6 point en février. Or, c’est sur celui-ci que sont indexés leurs emprunts à taux variables. Combien allez-vous économiser au total ?

Sur la RLS, qui n’est appliquée qu’en métropole, CDC Habitat Social économisera entre 6 et 7M€. Cela nous donne dès cette année un peu d’oxygène bienvenu. Concernant le taux du Livret A, l’économie sera de l’ordre de 45M€ sur l’ensemble du groupe, soit l’équivalent d’un millier de logements construits.

Les effets sur les comptes des bailleurs ne se sentiront qu’en 2026 : les remboursements de leurs emprunts pour le logement social se font principalement sur la base d’une échéance annuelle, ce qui décale d’un an les impacts à la hausse ou à la baisse des taux d’intérêt. La baisse du taux du Livret A aura également un effet favorable en 2026 pour nos filiales ultramarines, qui ont un encours de dettes important, notamment à La Réunion. Pour tenir notre rôle contra-cyclique, nous avions décidé en 2023 (à la suite de la fixation du taux du Livret A à 3%, NDLR) de continuer à investir dans ces territoires en anticipant un recul de l’inflation.

A l’heure de la rigueur budgétaire de l’Etat, quelles autres mesures espérez-vous ?

Nous sommes déjà heureux des arbitrages budgétaires qu’a obtenus la ministre du Logement Valérie Létard. Nous plaidons maintenant pour des mesures qui ne coûteraient pas d’argent à l’Etat et nous en feraient économiser.

La proposition de loi annoncée le mois dernier sur la simplification du droit de l’urbanisme va dans le bon sens. Cela devrait nous aider à raccourcir les délais et donc diminuer les coûts, notamment en termes de portage sur nos opérations de recyclage foncier. Plus complexes, elles sont appelées à être plus nombreuses demain au regard du ZAN. Or, actuellement, il faut souvent modifier le PLU, réaliser plusieurs études et parfois les refaire, le temps s’étant écoulé entre l’acquisition foncière et les obtentions administratives…

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires