Quand la mode maison s’invite
La filière finition voit la vie en rose. En 2006, les 45 000 entreprises de peinture et leurs 150 000 compagnons ont affiché une croissance supérieure à la moyenne du Bâtiment. Avec 10 Md€ HT de chantiers selon l’Uffep. Au deuxième trimestre, le secteur s’est même hissé au box-office des travaux avec un gain de 4,5 % (volume) d’après la Capeb. « Si le marché de la peinture reste porteur, nous sommes sur un métier mature », admet pourtant Jean-François Corbineau, Dg de Tollens.
Du coup, les grossistes poursuivent leur diversification. A l’image des minéralisations. Pour Gaëtan Bartra, directeur du réseau CSG, « c’est une niche à forts potentiels ». Voilà un an, la maison mère SigmaKalon a racheté Univer, un fabricant italien de peintures… à la chaux. Dès 2008, son service marketing développera une ligne spécifique.
Afin de répondre au goût des Français pour la décoration – stimulé, en partie, par les émissions diffusées sur M6 ou Paris Première –, les offres complémentaires s’enrichissent. Selon l’enseigne, le non paint absorberait de 20 à 45 % du CA. « Un fabuleux relais de croissance d’autant que le client final est devenu prescripteur, rappelle Philippe Cottu (à la tête de Décor 37 à Tours et adhérant à Chromalines ; le groupement non paint de Levis qu’Akzo Nobel veut relancer). Avec le boom des prix immobiliers, chacun veut valoriser son patrimoine. »
« Le marché traditionnel où la décoration était envisagée sur le moyen-long terme bascule vers un phénomène de mode », analyse Christophe Manceau, chargé du réseau Nuances. Déjà « la GSB commence à exploiter les mêmes leviers que les arts de la table ou l’ameublement. Avec des concepts globaux calés sur des cahiers de collections se renouvelant plus vite ! Le négoce doit rebondir sur cet esprit de décoration moderne pour que son offre ne devienne pas obsolète », prévient Vincent Dupire, président d’A3P. D’ailleurs, certaines marques et centrales incitent les grossistes à visiter le salon parisien Maison & Objet. La Mecque des tendances « déco » où, cette année, le papier peint fait son grand retour…
La peinture se concentre un peu plus
Chez les industriels, c’est l’ébullition. Deux ans après la reprise de Zolpan par Materis Paints, le secteur n’en finit plus de se consolider. Le fonds d’investissement américain Bain Capital a acquis la branche sanitaire d’American Standard. Mais va céder SigmaKalon - acheté à Total fin 2002 - à son compatriote PPG Industries. Une offre estimée à 2,2 Md€. En rachetant le n° 2 européen du secteur, PPG va « renforcer son activité revêtements en Europe, doubler approximativement son chiffre d’affaires dans ce secteur et augmenter le portefeuille des peintures de plus de 40 % », indiquait cet été à l’AFP, Charles Bunch, son Pdg.
De son côté, après s’être délesté de sa division pharmaceutique (Organon BioSciences) en mars pour 11 Md€, le n° 1 mondial Akzo Nobel a relevé, début août, une troisième fois son projet d’OPA sur son concurrent britannique ICI. Offre que ce dernier a finalement acceptée le 13 août. Les divisions adhésifs et matériaux électroniques seront d’ailleurs parallèlement cédées au groupe Henkel au premier semestre 2008.
« Tant que ce sont des mouvements entre industriels, il existe un effet levier pour toute la filière, car les majors ont un rôle d’animateurs du marché en termes d’innovations », concède Pascal Hoareau, nouveau président du groupement Bâtiment à la Fipec. Reste à savoir si les Asiatiques, tel Nippon Paints, ne seront pas un jour tentés de s’inviter dans cette valse de fusions.
Anticipation et principe de précaution
Baisse des émissions de COV*, loi Reach de décembre 2006 sur le contrôle des substances dangereuses… Plus que jamais, l’industrie chimique est confrontée au « tourniquet » législatif de Bruxelles. Déjà nombre d’opérateurs ont anticipé depuis deux ans l’évolution plus stricte du cadre réglementaire. Notamment la directive européenne 2004/42/CE d’avril 2004 imposant aux fabricants de peintures et vernis de respecter une concentration maximale en solvants organiques dans leurs produits depuis le 1er janvier. Avant un nouveau seuil encore plus restrictif dès 2010. « Aujourd’hui, nos laboratoires consacrent a minima 20 % de leur temps pour être en ligne avec les directives européennes », rappelle Christophe Gosselin d’ICI Paints Déco France. Directeur marketing Bâtiment d’Akzo Nobel Coatings France, Michel Trétiack enfonce le clou : « Vis-à-vis des consommateurs, entreprises comme particuliers, notre industrie ne veut en aucun cas se trouver un jour confrontée à une problématique telle que celle qui, par exemple, a touché les industriels de l’amiante. L’industrie de la peinture se veut et est responsable vis-à-vis de l’environnement. Ainsi en devançant les textes à venir, les fabricants ont clairement souhaité faire leur le principe de précaution. A titre d’exemple, de nombreuses références produits « passent » déjà le cap des rigoureuses normes COV 2010 ». Considérée d’une « lourdeur extrême » par la Fipec, la loi Reach - en vigueur depuis le 1er juin - oblige les fabricants à se plier au système d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation pour plus de 30 000 substances chimiques produites ou importées en Europe (quantités supérieures à 1 t/an). A la Fipec, Pascal Hoareau relève : « L’impact de la norme COV 2007 a déjà induit une hausse de 6 à 10 % sur le prix des résines glycéro par exemple ». A l’inverse, le Sfec - auquel sont rattachés les revêtements de sols résilients - y voit l’opportunité de mieux communiquer avec ses fournisseurs. Grâce à l’envoi de fiches de données de sécurité plus complètes. Pour accompagner les professionnels, l’A3PF diffusera, mi-octobre lors des Journées d’étude de l’Una-Capeb à Metz, un ouvrage où les questions d’environnement seront largement abordées.
