Dans une décision rendue à la requête de la région Guadeloupe, le Conseil d’Etat confirme l’illégalité de l’arrêté du 4 décembre 2002 instituant un modèle d’avis d’appel public à la concurrence, mais surtout, il juge que l’avis doit mentionner à la fois, même de manière succincte, les modalités de paiement du marché, ainsi que celles de son financement.
Les objectifs de la directive priment
A la faveur de ce litige, le Conseil d’Etat rappelle une règle fondamentale du droit administratif : la légalité d’un texte s’apprécie à la date de son édiction. Ainsi, statuant sur l’arrêté du 4 décembre 2002 pris par le seul ministre chargé de l’Economie, la Haute assemblée décide que, « à la date à laquelle a été pris l’arrêté du 4 décembre 2002, aucune disposition du Code des marchés publics ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne donnait compétence au ministre aux fins d’édicter de telles mesures ; qu’ainsi, cet arrêté a été pris par une autorité incompétente ; que l’intervention des dispositions précitées du VI de l’article 40 du Code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 2004, n’a pu avoir pour effet de couvrir le vice dont est entaché cet arrêté, lequel demeure illégal ».
L’illégalité de l’arrêté étant établie, il appartenait à la région Guadeloupe de se conformer elle-même au droit communautaire. Le Conseil d’Etat juge ainsi que « s’agissant d’un marché de seuil communautaire, il appartenait à la région Guadeloupe, en l’absence de règles nationales légales applicables à la procédure de passation du marché litigieux permettant d’assurer une publicité de l’avis d’appel public à la concurrence dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive 2004/18/CE, d’assurer une publicité de ses intentions compatible avec les objectifs de cette directive ».
Sur ce point, l’ordonnance de la Haute assemblée reprend au mot près la décision « Radiometer c. Assistance publique-Hôpitaux de Paris » qui avait été rendue le 8 avril 2005, puisque celle-ci énonçait « qu’en raison de l’illégalité de ce dernier arrêté, les règles nationales applicables à la procédure de passation du marché de fournitures litigieux ne permettaient pas d’assurer une publicité de l’avis d’appel public à la concurrence dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive ».
Insuffisance des seulesmodalités de paiement
La décision du 11 mai 2007 est plus novatrice en ce qui concerne la mention des modalités de financement et de paiement dans l’avis. On sait que cette mention est l’une de celles qui doit être regardée comme obligatoire dans l’avis.
La Haute assemblée avait ainsi jugé dans sa décision « Communauté d’agglomération de Lens-Liévin » du 14 mai 2003, que « si la rubrique relative aux modalités de financement et de paiement du marché est ainsi libellée, dans sa présentation issue de la directive 2001/78/CE du 13 septembre 2001 : III.1.2° Modalités essentielles de financement et de paiement et/ou références des dispositions applicables (le cas échéant), la mention le cas échéant doit être entendue comme ne s’appliquant qu’aux références des dispositions applicables, de sorte que des indications, même succinctes, relatives aux modalités de financement et de paiement doivent être fournies dans tous les cas ». Il en résultait que la mention était obligatoire.
Le Conseil d’Etat franchit aujourd’hui une étape supplémentaire. Il indique tout d’abord « que l’obligation de mentionner les modalités essentielles de financement dans l’avis d’appel public à la concurrence doit être entendue comme imposant à la collectivité publique d’indiquer, même de manière succincte, la nature des ressources qu’elle entend mobiliser pour financer l’opération faisant l’objet du marché, qui peuvent être ses ressources propres, des ressources extérieures publiques ou privées, ou des contributions des usagers ». Il convient ainsi, en premier lieu, de mentionner l’origine des ressources, c’est-à-dire les modalités du financement du marché :
– ressources propres (budget) ;
– ressources extérieures publiques (subventions, fonds) ;
– ressources extérieures privées (opération complexe par exemple) ;
– contributions des usagers (redevance, taxe).
Cette indication est obligatoire, mais elle est insuffisante. Le pouvoir adjudicateur doit également mentionner les modalités de paiement du titulaire. En l’espèce, la région les avait bien rappelées puisqu’elle avait indiqué : « Délai global de paiement de 45 jours. Ordonnateur : monsieur le président du conseil régional de la Guadeloupe. Comptable public assignataire des paiements : monsieur le payeur régional. Paiement des acomptes : hormis l’avance forfaitaire définie telle que fixée par l’, il n’est pas prévu le versement de l’avance facultative définie à l’article 88 du même Code. Le marché donnera lieu à des acomptes mensuels correspondants aux prestations réalisées, telles que validées par constat contradictoire avec le titulaire du marché. »
Mais cette seule mention n’est pas suffisante si le pouvoir adjudicateur n’indique pas, par ailleurs, les modalités de financement du marché.
Tels sont les enseignements de cette décision du 11 mai 2007 : il faut mentionner dans l’avis, lorsque la procédure est formalisée, les modalités de financement du marché, d’une part, et les modalités de paiement, d’autre part. Et ce, même de manière succincte.
La région Guadeloupe contribue ainsi, sans l’avoir voulu, à l’édification de notre droit des marchés publics.