En tant qu'ABF, comment vous positionnez-vous par rapport au sujet de la surélévation ?
En matière d'architecture, il est difficile d'afficher des principes fixes ou une doctrine intangible, nous devons nous adapter au cas par cas. Lorsqu'on parle de préservation du patrimoine, des sites ou du paysage urbain, on peut d'abord analyser la surélévation à l'échelle de la ville. Dans ce cas se pose la question de l'épannelage, de la silhouette et de la manière d'éviter de perturber la lecture d'un paysage, d'une skyline.
Faire surgir 30 étages au milieu d'un quartier, jouer de la rupture d'échelle, de l'incongruité des volumes… Cela peut faire partie d'un projet urbain, ça peut aussi être un souhait collectif, mais ce doit être maîtrisé. Si on bouche une « dent creuse », qu'on surélève de trois niveaux, le lieu risque de devenir moins agréable à vivre. Il faut y être extrêmement attentif.
Quid de l'approche patrimoniale ?
C'est le deuxième aspect que j'allais évoquer et qui soulève plusieurs questions : dans quel périmètre de protection éventuel se situe le projet ? Quelle est la qualité architecturale de l'immeuble objet de la surélévation ?
Peut-il supporter l'intervention ? Et faut-il seulement la faire ? Il n'y a pas de doctrine préétablie en la matière. L'ABF travaille dans un contexte réglementaire, avec un plan local d'urbanisme (PLU, PLUi), des sites patrimoniaux remarquables (SPR), etc. Par ailleurs, la densité est déjà importante en cœur de ville. C'est plutôt dans le périurbain qu'il faudrait densifier, y compris en surélevant. On est là dans un souci de rééquilibrage : cureter les îlots en cœur de ville, ménager des espaces de respiration et densifier les périphéries immédiates, consommatrices d'espace. C'est tout l'objet du zéro artificialisation nette.
Quelles sont vos relations avec les architectes sur ce type d'intervention ?
Nous sommes, les uns et les autres, architectes. Nous parlons le même langage et partageons une culture commune en vue des mêmes objectifs : faire la ville et défendre l'intérêt public de l'architecture. Le prisme de lecture est certes différent : les ABF servent avant tout à la préservation des paysages et du patrimoine, donc il y a des discussions.
Tant que le projet est vu en amont, il n'y a pas de difficulté particulière avec les confrères, pour y apporter les éventuelles modifications nécessaires.