L'article 95 de la loi Macron modifie l’article L. 243-2 du Code des assurances sur la justification de l’assurance dans le domaine de l’assurance construction obligatoire (voir le texte de l'article 95 ci-dessous). Le texte adopté n’est que la version édulcorée de l’amendement introduit par l’Assemblée nationale en janvier 2015, puis un temps supprimé par le Sénat en première lecture. Il modifie l’actuel article L. 243-2 du Code des assurances dans les termes suivants :
- Les justifications relatives aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2 (assurance de responsabilité civile décennale) prennent la forme d'attestations d'assurance jointes aux devis et factures des professionnels assurés. Un arrêté du ministre chargé de l'économie fixe un modèle d’attestation comprenant des mentions minimales.
- Lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de dix ans prévu à l'article 1792-4-1 du Code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien (...), mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence des "assurances mentionnées au premier alinéa du présent article. L’attestation d’assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée".
Cette disposition appelle trois observations.
Exit la modélisation de l'attestation DO
Ce texte supprime purement et simplement la modélisation de l’attestation dommage-ouvrage (DO), telle qu’elle figurait dans la version adoptée en janvier dernier par les députés.
On peut se demander ce qui a pu justifier toutes ces interventions auprès des parlementaires visant à obtenir la suppression d’un des acquis majeurs de la version de janvier dernier, alors même que son rétablissement par l’Assemblée nationale en deuxième lecture (après sa suppression par le Sénat en première lecture) fut présenté en Commission sous l’intitulé « Amélioration de l'information des consommateurs concernant l'assurance décennale ».
Par ailleurs, pourquoi exiger la justification de deux polices (DO et RC décennale) et ne formaliser la justification que d’une seule - la RC décennale ?
Une standardisation manquée des attestations RC décennale
Deuxième observation, la modélisation concernant les polices RC décennale des constructeurs n’en est plus une. En effet, qu’est-ce qu’un « modèle » comportant des « mentions minimales » ? L’expression est parfaitement antinomique. Autant écrire : « un morceau de papier » comportant des mentions minimales. Un modèle est par définition figé. Il ne peut être complété, faute de quoi on n’atteint pas le but recherché qui est la standardisation des justificatifs.
On rappellera par ailleurs, qu’en l’état, c’est le projet actuel d’arrêté sur les mentions minimales résultant de la loi Hamon relative à la consommation qui va s’appliquer. Or celui-ci ne prévoit aucune mention relative au paiement de la prime, comme cela fut un temps déploré par le député François Brottes, président de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale chargé de l’examen du projet de loi Macron. A la demande de ce parlementaire, un amendement avait été adopté par l’Assemblée nationale en janvier dernier, visant à passer d’un système de mentions minimales devant figurer dans les attestations à un système de modèle type défini par le pouvoir règlementaire.
Des modalités alambiquées du contrôle par le notaire
S’agissant du contrôle exercé par le notaire à l'occasion d'actes transférant la propriété ou la jouissance d'un bien, l’ajout à l’article L. 243-2 de l'expression : « [mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence] des assurances mentionnées au premier alinéa du présent article. L’attestation d’assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée », jette le trouble. En quoi consiste désormais l’obligation des rédacteurs d’actes en matière de justification d’assurance dans le domaine de la construction ? Le texte n'a au final plus aucun sens :
- Les assurances « mentionnées au premier alinéa » sont l’assurance DO, mais aussi les assurances de RC décennale des constructeurs et des vendeurs et autres promoteurs. Comment imagine-t-on un instant que le notaire puisse désormais attester dans le corps de l’acte de l’existence ou non des polices d’assurance RC décennale des constructeurs ?
- Par ailleurs l’expression « l’attestation d’assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée » renvoie à deux types de polices : police RC décennale des constructeurs et des vendeurs, alors même que le mot attestation est au singulier ; mais il n’est par contre plus question de police DO dans les justificatifs devant être annexés. En d’autres termes, après avoir demandé aux notaires de faire état dans leurs actes, de l’existence ou non d’une police DO, mais aussi désormais de l’ensemble des polices d’assurance RC décennale des constructeurs, la loi leur fera obligation d’annexer dans leurs actes, non plus l’attestation DO comme précédemment, dès lors que son existence est constatée, mais uniquement les attestations RC décennale des constructeurs (RC décennale) et des vendeurs (CNR) !
Des signatures bloquées chez les notaires ?
Une question est désormais posée : va-t-on voir demain des signatures bloquées chez les notaires faute de justification des attestations RC décennale des constructeurs ? A l’inverse, les attestations DO ne seront-elles plus annexées aux actes de vente ?
On peut bien évidemment s’interroger sur le point de savoir comment le vote de deux lois successives (lois Hamon et Macron) sur le sujet de la modélisation des attestations RC décennale peut conduire, après presque deux ans de débats parlementaires, à imposer un modèle d’attestations RC décennale des constructeurs ne comportant pas de mention sur le paiement de la prime, tandis que la justification auprès du notaire de la souscription ou non d’une police DO est remplacée par un contrôle improbable de l’état d’assurance RC décennale du vendeur et des constructeurs…
Lors des débats parlementaires, il s'agissait en fait de s’assurer de la validité des attestations d’assurance exigées des maîtres d’œuvre.