Antoine Béal, un (grand) enfant d’Euralille
Antoine Béal, associé de l’agence Béal & Blanckaert à Lille, se décrit comme un enfant d’Euralille. Le grand projet de Rem Koolhaas a laissé sa chance à de jeunes architectes locaux, permettant aujourd’hui à la capitale des Flandres de présenter un tissu dense d’agences réputées. C’est le cas de Béal & Blankaert, née de son association avec Ludovic Blankaert, un copain de promotion à l’école de Lille. Tous deux sont remarqués par François Delhay, lui-même embarqué dans l’aventure Euralille comme associé du néerlandais dans la construction du Grand Palais. Il fait les présentations, sous la tutelle bienveillante de Jean-Paul Baïetto, directeur de la Saem Euralille, et les commandes tombent : « C’est un démarrage de rêve, concède Antoine Béal aujourd’hui. Un tel parrainage à la sortie de l’école, c’est inespéré ». Il faut faire ses preuves, construire les parkings sous la gare TGV et les tours, s’associer avec François Deslaugier pour la passerelle Le Corbusier… les années 90 seront celles de l’apprentissage à toute vitesse dans un environnement radical. Sur la lancée, les années 2000 commencent bien, Euralille se densifie, et les références s’accumulent comme l’immeuble Axe Europe avec Josep Luis Mateo et le « Suite Hôtel ». Le contrecoup de la fin des années 2000 est d’autant plus difficile que l’agence a pris du poids. Quelques années de vaches maigres puis il remonte la pente depuis trois ans avec les projets gelés qu’il faut vite construire et les concours successifs remportés.
Comme un juste retour des choses, il investit une grande partie de son temps dans l’enseignement à l’école de Lille. Ses locaux accueillent aussi de jeunes agences en cours de développement. « La transmission est un exercice à double sens, raconte-t-il. Nous les aidons, certes, mais ils nous enrichissent énormément ». Quelques agences sont donc nées rue Nicolas-Leblanc ,à Lille, dans ses locaux, souvent de salariés qui commencent à prendre des affaires en propre : Damien Surroca, Wonk Architectes ou Emmanuel Veauvy-Weiss (Naja 2010). Et des architectes talentueux y ont fait leurs armes tels Sophie Delhay, Naja 2006, et Cédric Michel qui créé ensuite l’Atelier 9.81. C’est au tour de l’agence « Bureau Face B » d’occuper les locaux depuis deux ans.
L’agence – il préfère l’atelier – est pleine comme un œuf. Il faut aller au café pour les rendez-vous et cinq jeunes architectes entourent une maquette d’un concours de 80 000 m² d’immeubles avec François Leclercq à Massy Palaiseau. L’agence est en plein développement, avec 20 salariés, « une taille parfaite, car on peut déléguer et contrôler à la fois ». À 50 ans, il peut être sélectif, viser uniquement la qualité et refuser les compromis. « C’est difficile de dire non à une mauvaise commande, surtout en période de récession, mais c’est le devoir de l’architecte, plaide-t-il. La contrainte est nécessaire, elle participe au projet, mais si on ne fait qu’y répondre, on ne fait pas l’architecture ». Un style ? Une école de pensée ? « Non, une doctrine, répond-il, celle de la qualité et de l’inscription dans la ville ». Il démarre toujours son projet par son insertion urbaine, une manière peut-être de glisser vers l’urbanisme ?
Benjamin Fréchet (O Architecture) cherche sa place au soleil
Pas de doute, Benjamin Fréchet est un architecte du Nord. Premier indice, une bière brassée par un ami aux couleurs de son agence, O Architecture, créée en 2009, à peine deux ans après sa sortie de l’école de Lille, qu’il a passé à courir les workshops à travers l’Europe (13 au total). Deuxième indice, les panneaux qui s’entassent dans l’agence montrent des maisons de brique rouge type « 1930 » en cours de réhabilitation à Roubaix ou Tourcoing pour le projet Habitat et Patrimoine de la SEM Ville renouvelée. « J’étais pourtant fasciné à l’époque par Claude Parent et son fameux « Détruire, c’est créer », s’amuse-t-il maintenant qu’il passe ses journées dans les travaux de rénovation. À seulement 28 ans, il tente de se faire une petite place dans l’univers très concurrentiel de l’architecture lilloise : « L’accès à la commande publique est très difficile. Nous devons présenter des références, mission impossible sans le parrainage de grandes agences lilloises ». Il s’accroche avec son associé Julien Hu et leurs deux salariés, et répond, malgré tout, dès qu’il le peut. « Nous parvenons à quelques percées, comme à Divion, dans le Pas de Calais, où nous avons restructuré une école primaire ». Et son agence prend petit à petit de l’ampleur. « La première année, j’ai fait beaucoup de relevés, de la sous-traitance pour d’autres agences », et trois ans plus tard il facture 300 000 euros et gagne la confiance du gros bailleur métropolitain LMH.
Il veut s’investir dans la profession et se présente aux élections à l’Ordre des architectes. Il échoue de quelques voix, mais conserve ses convictions : « la culture de l’architecture n’est pas assez répandue en France ». Son année à l’étranger passée à l’Université technologique de Delft aux Pays-Bas lui ouvre des perspectives : « le paysage modelé des polders a sensibilisé les néerlandais à l’architecture, c’est une vraie leçon ».
Alors il voit grand et déménage son agence à l’étroit dans ses locaux de Lille dans une ancienne brasserie à Lambersart. Il aura 90 m² et huit postes de travail pour réaliser son premier rêve, construire un bâtiment neuf collectif neuf. Avant de concevoir le second, un lieu de culte… pour lequel il n’est pas interdit de prier !
(1) Les détails de cette études détails sont publiés numéro d’octobre d’AMC et le seront dans le « Moniteur » daté du 14 octobre
Demain sur le Moniteur.fr : Michel Douat (agence DHA) et William Vassal (Z Architectue), à Lyon