Aux termes de l'avant-projet de réforme des contrats spéciaux, le futur article 1772 du Code civil énonce que « la présentation de l’ouvrage achevé au client oblige celui-ci à le réceptionner ». Or, « la réception ne doit pas être une obligation pour le maître d’ouvrage, explique Matthieu Poumarède, professeur à l’Université de Toulouse Capitole, à la conférence de l’Ecole des Ponts formation continue (EPFC) qui se tenait le 17 octobre. Cet ajout est inutile et entre en carambolage avec la qualification d’acte juridique unilatéral. » Sans doute les rédacteurs de l'avant-projet ont-ils voulu mettre fin à des abus du maître d’ouvrage, imagine-t-il, mais cette rédaction n’apporte pas, selon lui, de meilleure solution que ce que prévoit déjà le droit.
Autre difficulté, ce même article précise qu’ « une fois l’ouvrage achevé, l’entrepreneur est tenu de le présenter à la réception du client ». Pour le professeur, « faire référence à cette notion d’achèvement, sans la définir », n’est pas une bonne idée, car celle-ci est très compliquée et différente du parfait achèvement, ce qui risque de donner lieu à des débats jurisprudentiels sans fin. « Je penche pour une suppression de cet article 1772 du projet ! », conclut Matthieu Poumarède.
Débats sur la réception par lots
Du côté des courtiers d’assurances, Joanna Musial, juriste du département construction chez Marsh France, regrette également que cette rédaction, faisant référence à l’achèvement de l’ouvrage, ne clarifie pas la légalité et le régime de la réception par lots. Celle-ci est admise en jurisprudence, « mais s’avère assez incompatible avec le système de la loi Spinetta », en fractionnant la prise d’effet de la dommages ouvrage, estime cette dernière.
Si Richard Lelait, responsable technique règlements construction chez Axa France, appelle à une prohibition formelle dans les textes de cette réception par lots, les constructeurs préféreraient, eux, un encadrement, car la réception unique « pose des difficultés pratiques pour les opérations très longues », rappelle François Malan, président de la commission construction de l’Amrae (1) et directeur de la gestion des risques et de la conformité chez Eiffage.
Panorama – non exhaustif – des sujets qui inquiètent, à retrouver dans les autres articles de notre dossier : "Réforme du louage d’ouvrage : les professionnels, inquiets, veulent faire évoluer le projet".