Le 9 décembre, un webinaire organisé par le ministère de la Transition écologique a présenté les différents contrôles mis en place afin de lutter contre les pratiques frauduleuses dans le secteur énergétique.
La mention RGE bien encadrée
A commencer par ceux portant sur la mention RGE. Celle-ci permet « d’identifier les professionnels spécialisés dans les travaux de rénovation énergétique ou d’installation d’équipements fonctionnant avec une source d’énergie renouvelable », rappelle Jonathan Louis, en charge du dispositif RGE au sein de l’Ademe. Et, depuis 2016, plusieurs aides financières nationales nécessitent, pour leur obtention, que l’entreprise soit titulaire de cette mention. « Aujourd’hui, 65 000 structures disposent d’une mention RGE (architectes et entreprises confondus) », précise-t-il. Celle-ci est délivrée par des organismes de qualification et de certification pour quatre ans, les jeunes structures pouvant bénéficier d’une qualification probatoire valable deux ans. A noter que chaque année, le bénéficiaire doit justifier d’éléments pour conserver sa qualification.
Pour mémoire, il existe trois types de mentions RGE : travaux ; offre globale de rénovation énergétique ; et études. Mais la mention travaux reste la plus délivrée, représentant 90% des RGE. Chaque titulaire en bénéficie pour un domaine spécifique. « Par exemple, un professionnel spécialisé dans l’isolation thermique extérieure, ne sera pas forcément titulaire d'un RGE pour l’isolation intérieure », illustre l’Ademe. L’entreprise doit répondre à un certain nombre d'exigences administratives telles qu'être à jour de ses cotisations, de ses assurances, présenter des références de ses chantiers, etc.
Des audits sont réalisés, de manière aléatoire, par des organismes de certification et de qualification, des bureaux de contrôle ou des auditeurs spécialisés, sur les chantiers des entreprises sur la base d’une liste transmise par le pôle CEE. « Ces audits sont calqués sur des grilles de contrôle relatives à chaque domaine de travaux », spécifie Jonathan Louis. Ces grilles – disponibles sur le site de l’Ademe - précisent les thématiques à examiner par les contrôleurs et les sanctions qui s’appliquent.
Par ailleurs, les maîtres d’ouvrage insatisfaits ou les tiers peuvent effectuer des réclamations qui seront instruites par les organismes précités et qui peuvent aboutir au retrait ou à la radiation de l’entreprise RGE. « Pour qu’une plainte soit instruite, elle doit être documentée », insiste Jonathan Louis.
Davantage de vérifications dans les CEE
La cinquième période des certificats d'économie d'énergie (CEE) démarrera le 1er janvier 2022 pour se terminer le 31 décembre 2025. Dans le cadre de cette nouvelle période, un arrêté « contrôle » du 28 septembre 2021 a été publié afin de reprendre toutes les vérifications possibles sur les opérations donnant lieu à délivrance de CEE et de les étendre aux opérations tertiaires, industrielles, agricoles, etc. « Cet élargissement sera progressif, le nombre de contrôles effectués en amont du dépôt de la demande va augmenter d’année en année », explique Quentin Wargnier, chargé de mission CEE spécialité efficacité énergétique des bâtiments au sein du ministère de la Transition écologique. Des arrêtés doivent paraître prochainement pour définir les référentiels de contrôle sur les pompes à chaleurs et les chaudières, les vérifications intégrales à réaliser lorsqu’il y a plus de 10 % d’opérations non satisfaisantes sur un lot soumis à contrôle, et l’obligation pour les demandeurs de CEE de publier la liste de leurs partenaires. L'arrêté « contrôle » détaille aussi les nouvelles inspections exigées ainsi que leur répartition dans le temps.
Il existe aujourd'hui plus de 200 fiches d’opérations standardisées CEE. Le budget 2022 alloué augmentera notamment pour accroître les contrôles par courrier.

A noter aussi que la loi Energie climat du 8 novembre 2019 a étendu les interactions entre services administratifs partenaires dans ce combat contre la fraude. Par exemple, « une collaboration avec l’Anah a été mise en place afin d’éviter le double contrôle et pour harmoniser les référentiels de contrôle. Cela a aussi été le cas pour les organismes de certification et de qualification », conclut Quentin Wargnier.
MaPrimeRénov’ sous surveillance de l’Anah
MaPrimeRénov’ a vu le jour en 2020 et s’adresse, désormais, à tous les ménages. Cette aide finance tous types de travaux d’isolation (murs, planchers, combles) et également les systèmes de chauffage. En 2021, 650 000 demandes ont déjà été déposées. Depuis cette même année, les audits énergétiques et les rénovations globales avec un forfait AMO peuvent être aussi financés par la prime. Selon Maïté Leporc, responsable de la conformité et de la lutte contre la fraude à l’Anah, « il faut s’assurer que la massification ne fasse pas exploser le nombre de pratiques frauduleuses (usurpation d’identité, vice de consentement, travail dissimulé, vice caché, etc.). Donc, des contrôles doivent être effectués dès le début du dossier jusqu’au paiement de la prime ».
Tout d’abord, lorsqu’un demandeur dépose un dossier, son éligibilité est vérifiée ainsi que la compatibilité des travaux souhaités avec le dispositif MaPrimeRénov’. Puis c'est le tour du signe « RGE » de l’entreprise ainsi que du consentement du ménage. Une fois que cela est fait, les travaux sont réalisés. Un contrôle a posteriori sera effectué pour analyser s’ils sont similaires à ceux mentionnés dans le devis et dans la facture. « En cas de doute, un contrôle sur place est possible et dans certains cas, une procédure de retrait de versement au ménage peut être instaurée », explique-t-elle. Par ailleurs, des vérifications approfondies supplémentaires peuvent avoir lieu si des noms d’entreprises responsables de non-conformités reviennent fréquemment. Dans certains cas, la direction départementale de la protection des populations peut être saisie pour réaliser une enquête et « l’Anah peut même porter plainte ».
La DGCCRF enquête sur les pratiques
Depuis 2014, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) enquête sur le secteur de la rénovation énergétique pour vérifier les pratiques commerciales des entreprises. Selon Elsa Routier, inspectrice à la DGCCRF, « les infractions sont liés à des manquements divers et variés tels que le non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial, les pratiques déloyales, les violations des règles applicables aux crédits affectés… ».
La DGCCRF est aussi habilitée à intervenir en cas d’absence de garantie décennale du constructeur, d’utilisation frauduleuse du terme artisan, etc. « L’année dernière, beaucoup de plaintes relatives aux Coups de pouces ont été recensées », précise-t-elle.
Une criminalité organisée
D’après Morgan Deniel, analyste en délinquance économique et financière à la gendarmerie nationale, les fraudes à la rénovation énergétique c’est une « délinquance de proximité ciblant souvent les personnes âgées ». Et cette criminalité est organisée car elle achète des listes de prospects à des call centers et réalise des chantiers sur l’intégralité du territoire. Cela s’articule de la manière suivante : « Des sociétés mères titulaires de la mention RGE vont sous-traiter la plupart de leurs chantiers à des sociétés ne disposant pas de l’agrément. Cela s’apparente à un simple apport de main d’œuvre, d’autant plus que les salariés passent parfois d’une entreprise à l’autre et vont ainsi engendrer de multiples malfaçons… ».
A noter que la plupart de ces entreprises revêtent un caractère éphémère et fonctionnent par le biais de boîtes postales domiciliées le plus souvent en région parisienne. « Ces contentieux sont complexes et encore méconnus par les collègues, le Parquet, etc. », conclut-il.