Très critiquée par les constructeurs et par les assureurs, la solution dégagée par la Cour de cassation en 2017 en matière de travaux sur existant n’est plus. Après plusieurs décisions, des consultations auprès des acteurs du secteur et un constat d’échec, la Cour de cassation revient à sa jurisprudence antérieure, à l’occasion d’une affaire tranchée le 21 mars 2024 par un arrêt qui sera publié au Bulletin et au Rapport - signe de son importance.
Le litige concernait des époux qui ont fait installer un insert dans la cheminée de leur maison, puis subi un incendie qui a détruit leur demeure. La Cour de cassation écarte ici la responsabilité décennale de l’installateur - retenue par la cour d’appel, dans la droite ligne de la jurisprudence depuis 2017 - pour juger que le désordre relève de sa « responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».
Le virage de 2017...
La Haute juridiction, consciente de l’impact de ce revirement, se montre très pédagogue dans sa motivation.
Ainsi, elle rappelle les contours et les raisons de son virage à 180° en 2017. « Alors qu'il était jugé antérieurement […] que l'impropriété à destination de l'ouvrage, provoquée par les dysfonctionnements d'un élément d'équipement adjoint à la construction existante, ne relevait pas de la garantie décennale des constructeurs, la Cour de cassation juge, depuis l'année 2017, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (1). Elle a considéré également dans la foulée qu’en pareil cas, la réparation des dommages consécutifs affectant les existants relève du régime de l'assurance construction obligatoire (2).
Deux objectifs avaient à l’époque motivé les juges : un souci de simplification, en ne distinguant plus selon que l’élément d’équipement était d’origine ou simplement adjoint à l’existant ; et le désir de mieux protéger les maîtres d’ouvrage qui entreprennent de rénover leur habitat. Mais la Haute juridiction admet qu’ils n’ont pas été atteints.
... et le rétropédalage de 2024
Echec sur la simplification, car la Cour a dû par la suite « préciser la portée de ces règles », jugeant que de tels désordres ne relevaient de la responsabilité décennale des constructeurs que « lorsqu’ils trouvaient leur siège dans un élément d’équipement […] destiné à fonctionner » (3). Et a ainsi multiplié les qualifications et régimes attachés aux éléments d’équipement.
Echec aussi quant au paravent souhaité pour les maîtres d’ouvrage. La Cour indique – fait inusuel - qu’elle a consulté des parties prenantes (France assureurs, la FNTP, la FFB, la Capeb, l’Institut national de la consommation) et constaté que « les installateurs d'éléments d'équipement susceptibles de relever de la garantie décennale ne souscrivent pas plus qu'auparavant à l'assurance obligatoire des constructeurs ».
La Cour en conclut qu’il est préférable de renoncer à cette solution initiée en 2017, au profit d’une jurisprudence nouvelle qui s’applique aux affaires en cours, dont celle aujourd’hui jugée. Ainsi, désormais : « Si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs ».
Cass. 3e civ., 21 mars 2024, n° 22-18694, Bull.