Un an après la chute de son pont, Gênes relève la tête

A présent que l’ancien viaduc a été démantelé, les yeux sont tournés vers le chantier de construction du nouveau pont, qui a débuté.  

 

Morandi
Vue du chantier de la déconstruction du pont Morandi, début 2019.

Un an après l’effondrement du pont Morandi à Gênes, les stigmates qui subsistaient dans le paysage ligurien sont presque effacés. Les ruines de l’ancien viaduc ont été démontées et évacuées. Le chantier de déconstruction, qui a démarré en février 2019, s’achève cet été. Le point d’orgue de cette opération a été la destruction à l’explosif des deux dernières piles haubanées, le 28 juin 2019. Six mois à peine ont été nécessaires à la réalisation de ce chantier sensible. Une performance, alors qu’il a fallu plusieurs mois de préparation pour sécuriser le périmètre au préalable.

Mesures exceptionnelles

Cette échéance a pu être tenue grâce à l’organisation qui a été mise en place peu de temps après la catastrophe. Une institution publique a été créée pour superviser à la fois le chantier de la démolition et le chantier de la reconstruction. Elle est menée par Marco Bucci, le maire de la ville, qui en est le commissaire. L’élu a été chargé de pouvoirs extraordinaires par Rome, ce qui a permis de mettre rapidement sur pied une commission spéciale chargée d'auditionner les candidats aux différents marchés de réalisation, et de se passer d’un appel d'offres public. Deux mois ont ainsi été suffisants, alors que deux ans auraient été nécessaires avec une procédure classique.

Le contrat pour reconstruire le nouveau pont a été signé fin janvier 2019. Les travaux doivent durer à peine une année, les autorités ayant promis d’ouvrir le nouveau viaduc à la circulation en avril 2020. Le marché de reconstruction, d’une valeur de 202 millions d’euros, a été remporté par le groupement d’entreprises Per Genova. Deux mastodontes de l’industrie italienne le dirigent en binôme, à savoir Salini-Impregilo, le principal groupe de bâtiment et de travaux publics du pays, et Fincantieri, le groupe naval public italien.

Lancement du chantier en mars

En mars 2019, les entreprises avaient déjà entamé la réalisation des fondations du nouveau pont. Deux groupements d’entreprises ont dû cohabiter un temps sur le même périmètre, ce qui a demandé un gros travail de coordination. « Notre planning tient compte de la co-activité. Démontage des piles et construction du nouvel ouvrage se déroulent en parallèle de notre chantier », avait alors témoigné dans nos colonnes en juin 2019 Alberto Goio, un des ingénieurs en charge des travaux de démantèlement. A présent que les équipes en charge de la déconstruction quittent le périmètre, le second chantier va pouvoir accélérer. Le 17 juillet 2019, les travaux de la première pile ont été lancés. Au plus fort de son activité, le projet devrait employer un millier de personnes.

En attendant que Gênes retrouve un nouveau pont, la presse italienne s’est penchée ces derniers jours sur la question épineuse de la responsabilité des acteurs dans la catastrophe du 14 août 2018. Il y a an, une commission d’enquête avait été nommée par le procureur de Gênes afin de connaitre la cause de l’effondrement et savoir en particulier si celui-ci avait fait l’objet d’un manque d’entretien de la part du gestionnaire, Autostrade Per l’Italia. D’autres rapports ont également été commandés, en particulier par les juges d’instruction en charge de l’affaire, et par le groupe dont dépend le concessionnaire, Atlantia.

Les juges ont remis leur rapport

Vendredi 2 août 2019, le vice-président du Conseil italien Luigi di Maio, a posté sur Facebook une tribune dans laquelle il cite des extraits du rapport commandé par les juges d’instruction, et qui a été remis jeudi 1er août. L’élu appelle à révoquer « dès que possible » le contrat avec le concessionnaire, expliquant que les conclusions révélaient « des manquements importants en matière de gestion ces 25 dernières années », soit depuis que l’Etat a cédé l’ouvrage à l’entreprise.

Les propos du dirigeant politique, qui est aussi connu pour être le leader du mouvement populiste italien 5 étoiles (M5S), ont été repris par de nombreux journaux italiens. Des propos à prendre avec précaution puisque, depuis le début des événements, le gouvernement transalpin ne manque pas une occasion d’exprimer sa défiance envers le gestionnaire de l’infrastructure, qu'il tient pour responsable de la catastrophe.

Conclusions peu flatteuses

L’agence de presse italienne Ansa a quant à elle divulgué d’autres extraits de ce rapport, expliquant que les experts avaient analysé les conditions de conservation et d’entretien des structures, et qu’ils avaient également réalisé des carottages sur les parties effondrées et celles encore en place. Au niveau de l’ancrage des tirants au sommet du hauban côté sud, ces derniers auraient en particulier constaté « une corrosion généralisée, due à la présence d’humidité et d’éléments agressifs comme le sulfure et les chlorures », qui avaient considérablement usés le tirant. Autant d’éléments qui n’inaugurent rien de bon pour le concessionnaire.

Les conclusions du rapport mandaté par le procureur de Gênes, qui font l’objet d’un autre document, sont toutefois encore attendues. Elles seront déterminantes pour déterminer les responsabilités de chacun dans cette affaire, et pour tourner la page de ce douloureux épisode.

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