Les entrées de ville concentrent les enjeux du Zéro artificialisation nette (Zan). Co-auteur du livre blanc « Objectif Zan » publié en décembre par la Scet(filiale d'ingénierie territoriale de la Caisse des dépôts), Arnaud Le Lan les qualifie de « terrain de jeu formidable, pour revisiter l’héritage le plus récent de l’aménagement urbain, mis en œuvre dans un contexte où la loi encourageait des aménagements sans qualité ».
Une chance à saisir
Pour étayer cette dernière appréciation, le directeur de l’aménagement de la Scet précise le diagnostic et ouvre des perspectives : « Des espaces en sous-densité, monofonctionnels et dépendant de l’automobile, dont les enjeux croisés appellent des chantiers extrêmement forts en qualité urbaine et paysagère ».
Pour passer à l’acte, la loi Climat & résilience peut constituer un stimulant puissant, après des décennies d’échec. « Réduire la consommation d’espace, on en parle depuis la loi SRU de l’an 2000. Aujourd’hui, la loi sort réellement de la vision expansive qui a porté le monde de l’aménagement depuis l’après-guerre », se réjouit Timothée Hubscher, directeur des opérations de Citadia, filiale de la Scet, et autre co-auteur du livre blanc.
Un gisement pour l’activité
Plus encore que dans les logements, les auteurs soulignent le gisement d’économies foncières dans les services et l’industrie : « La Belgique présente des exemples d’hôpitaux construits sur des socles commerciaux. En banlieue parisienne, la société d’économie mixte de Montreuil a montré dans le passé la faisabilité d’immeubles de production sur plusieurs étages, dans l’hôtel industriel Mozinor, un concept qu’il faudrait remettre au goût du jour », cite Arnaud Le Lan, heureux de revoir des permis de construire pour des activités économiques sur plusieurs niveaux.
Pour libérer la créativité des aménageurs, des verrous doivent sauter. Les auteurs du livre blanc dénoncent la propension du législateur à s’accrocher à des règles arithmétiques et uniformes : « Réduire l’urbanisme à des équations revient à ignorer les réalités des marchés locaux », fustige Timothée Hubscher.
Impasses arithmétiques
L’exemple de Mayotte lui vient aussitôt à l’esprit : « La population va doubler dans les 15 prochaines années. Si, dans cette même période, l’artificialisation ne dépassait pas celle de la décennie écoulée, cela traduirait déjà un effort énorme d’économie foncière ».
La critique de l’approche arithmétique s’applique aussi aux dispositions proposées par le Sénat pour venir au secours de la ruralité : l’inscription d’un droit imprescriptible à l’artificialisation d’1 ha par commune ne trouve pas grâce aux yeux des auteurs du livre blanc. « Attention aux dérogations qui finissent avec des textes contraires aux objectifs des lois qu’il s’agit d’appliquer », prévient Arnaud Le Lan.
Un chemin long, complexe et coûteux
La ruralité n’en figure pas moins au cœur des réflexions du groupe Scet, mais sous un autre angle : « La loi doit penser la réhabilitation des logements vacants, un sujet qui relève autant de la sobriété foncière que de la préservation du patrimoine », plaide Timothée Hubscher.
Plus longue, plus complexe et plus coûteuse que l’expansion en espaces naturels et agricoles, la reconstruction et la densification de l’existant n’attireront les élus et les aménageurs que s’ils trouvent les moyens de « réarmer l’intervention publique face au défi du Zéro artificialisation nette », comme l’annonce le sous-titre du livre blanc de la Scet. Face au renchérissement des terrains disponibles aggravé par leur raréfaction, l’armement financier passe par le découplage entre foncier et aménagement, dans le logement comme dans l’activité.
De la subvention à l’investissement
La levée de l’hypothèque foncière faciliterait le changement de posture des collectivités : l’investissement succéderait aux subventions. « A chaque fin de cycle immobilier correspondant à une période de 30 à 40 ans, la collectivité pourrait récupérer la valeur sociétale créée par ses investissements, pour répondre aux besoins de la génération suivante », explique Arnaud Le Lan.
Cette vision suppose un nouveau compromis avec les opérateurs privés : « Ce qui rapporte doit financer ce qui ne rapporte pas ». Le principe ainsi posé financerait les services écosystémiques engendrés par la renaturation. Il rendrait son sens à la planification urbaine. Arnaud Le Lan résume le message de la Scet aux collectivités : « Ne subissez pas le Zan. Soyez proactifs. Les solutions existent ».