Le nouveau rescrit juridictionnel porte-t-il atteinte au droit à un recours effectif et à l'équilibre des droits des parties, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? C’est la question que devront trancher les sages de la rue de Montpensier d’ici trois mois.
Contentieux préventif
Pour rappel, l’article 54 de la loi Confiance du 10 août 2018, dite aussi « loi Essoc » a créé, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, une nouvelle procédure devant le juge administratif : la demande en appréciation de régularité. Cette « purge » ou « rescrit juridictionnel » a pour objectif de mieux protéger les porteurs de projets face au risque contentieux.
Ce nouveau contentieux préventif permet en effet au bénéficiaire ou à l’auteur de certaines décisions administratives non réglementaires en matière d’urbanisme, d’expropriation et d’insalubrité, de saisir le tribunal d’une demande tendant à en apprécier la légalité externe (compétence de l’auteur de l’acte, forme de celui-ci, formalités prévues par sa procédure d’édiction). La saisine suspend le cas échéant les recours déjà exercés contre l'autorisation. Ce nouveau mode de recours est véritablement entré en phase expérimentale avec la publication du décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018.
C’est à l’occasion d’une requête en annulation contre ce texte, intentée par l’Union syndicale des magistrats administratifs et le Syndicat de la juridiction administrative que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du rescrit juridictionnel est posée. Les organisations syndicales considèrent que cette procédure méconnaît le principe de séparation des pouvoirs et porte donc atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Constatant que l’article 54 de la loi Essoc est applicable au litige, qu'il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution et que la question soulevée présente un caractère sérieux (conditions préalables à la transmission de la QPC), le Conseil d’Etat saisit le Conseil constitutionnel.
Dans l’attente de la décision des Sages, au plus tard le 7 août, il est sursis à statuer sur la requête tendant à l’annulation du décret du 4 décembre 2018.