Le chaos né du déluge qui s'est abattu sur Bombay et sa région la semaine dernière a mis en lumière les problèmes de développement urbain et d'infrastructures dans la capitale financière de l'Inde qui se voudrait l'autre Shanghai de l'Asie.
Bombay, siège d'entreprises nationales et internationales et de la Bourse, a été paralysée trois jours. Des rues transformées en rivières, l'aéroport le plus actif du pays à l'arrêt, le trafic ferroviaire inter-urbain perturbé, des millions d'employés bloqués chez eux, des milliers de carcasses de bêtes noyées, des tonnes d'ordures dans les rues.
Surtout près de 450 morts dans la cité de 15 millions d'habitants, noyés ou ensevelis dans les glissements de terrain: après le déluge, le bilan est rude.
Les responsables de cet Etat industriel de l'ouest de l'Inde expliquent que ce chaos est dû aux précipitations record enregistrées depuis le début des statistiques (944,2 millimètres en 24 heures entre le 25 et le 26 juillet).
Mais des urbanistes et écologistes ont mis en accusation un développement urbain mal géré.
"Le développement a complètement devancé les préoccupations urbanistiques et écologiques", affirme l'urbaniste Chandrashekhar Prabhu, ex-conseiller du gouvernement régional.
Ainsi à Bombay les espaces verts ont disparu au fil des ans après avoir été attribués à l'immobilier par les gouvernements successifs, parallèlement à l'accroissement de la population.
Or "d'un point de vue écologique ces espaces verts sont fondamentaux car plus de 50% de l'eau de pluie s'infiltre dans la terre et reste stockée dans le sol", explique Anil Bhatia de l'Association of South Mumbai.
Selon l'administration civile, environ 900 espaces verts ont été recouverts de constructions depuis 1990. Depuis 10 ans, les terrains constructibles ont augmenté de 114%, selon un article de H.P. Sawant du St Xavier's College. Dans le même temps, forêts et terrains verts humides ont diminué de 35%.
Autre problème: la ville est dotée d'un système d'égouts entravé, datant de l'ère coloniale britannique.
A l'origine, sept îles constituaient Bombay, avec des voies fluviales naturelles qui faisaient office de système de drainage, explique M. Bhatia. Pour faire de ces îles une seule entité "ces voies fluviales ont été bloquées dans de nombreux cas ou bien leur direction a été altérée créant des problèmes là où il n'y en avait pas", poursuit-il.
Les zones les plus touchées par ces pluies meurtrières étaient situées le long de la rivière Mithi qui va rejeter en mer d'Arabie les excès d'eau de Bombay. "Près de 54% de la rivière initiale a été perdue au profit de bidonvilles, de routes" et autres projets de développement, note un professeur de sciences naturelles.
Le déracinement des palétuviers, considérés comme de bons remparts aux glissements de terrain en Inde, a aussi eu un rôle néfaste, estiment ces experts.
La presse a vite montré du doigt les négligences des autorités locales dans ce pays où tous les ans, entre juin et septembre, les pluies de mousson font des centaines de morts.
Les responsables "des infrastructures et les politiciens n'ont pas assuré l'entretien) de Bombay", a accusé le quotidien Hindustan Times (centre-gauche). "Des centaines de citoyens ont perdu la vie à cause de cette négligence".
La majorité des victimes étaient pauvres, selon la police, et la plupart des glissements de terrain ont eu lieu dans les miséreux faubourgs nord de la ville où ont poussé la majorité des bidonvilles.
"Le gouvernement a toujours refusé de légaliser le statut des habitants de bidonvilles. Les pauvres sont privés d'infrastructures, d'installations sanitaires et autres services", a récemment déclaré à l'AFP P. K. Das, travailleur social au sein de l'ONG Rights for Shelter in Mumbai.
Salil PANCHAL