JO 2024 : la Solideo transmet son savoir-faire aux futurs porteurs de projets

La Société de livraison des ouvrages olympiques a présenté la méthode qu’elle a mise en place pour livrer en temps et en heure les 70 infrastructures nécessaires aux Jeux de Paris 2024. Une méthode réplicable dont compte bien s’inspirer la Solideo Alpes 2030.

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Médaille d'or des Jeux olympiques de Paris 2024
La Solideo est revenue sur la méthode qui lui a permis de livrer en temps et en heure les ouvrages des Jeux olympiques de Paris 2024.

Après la livraison des ouvrages olympiques, la transmission de l’héritage immatériel. Soucieuse de partager son savoir-faire et sa méthodologie de gestion des projets complexes, la Solideo a initié, au printemps dernier, un cycle de conférences. La première, en mars, était dédiée à l’excellence environnementale et la deuxième, en juin, à l’acte de construire socialement exemplaire.

Quant au troisième et dernier temps d’échanges, le 15 septembre, il avait pour thème : « Parcours de livraison des ouvrages olympiques : une organisation et des méthodes réplicables pour les futurs grands projets ».

La Solidéo présente la "méthode JO 2024" (15 septembre 2025
Sur le podium, lors de la présentation de la méthode Solidéo le 15 septembre 2025, (de g. à dr.) Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques 2030, Yann Krysinski, directeur général exécutif de la Solidéo, et Damien Robert, directeur général exécutif de la Solidéo Alpes 2030. La modération était assurée par Gaëlle Millon. (Stephane Vasco/Stéphane Vasco)

Quatre milliards d’euros de travaux livrés en quatre ans

Pour les Jeux de Paris 2024, l’établissement public aujourd’hui dirigé par Yann Krysinski, a livré 70 équipements qui ont mobilisé 33 maîtres d’ouvrages (y compris la Solideo) et 13 cofinanceurs.

« Nous avons livré quatre milliards d’euros de travaux en quatre ans, dans les temps et dans les budgets, malgré les aléas et avec une très grande exigence en matière environnementale, sociale, éthique et déontologique, a rappelé le dirigeant. Et si nous avons réussi à relever ce défi, ce n’est pas grâce à la magie des Jeux comme je l’ai parfois entendu mais bien grâce à la méthode mise en place. » Une méthodologie qui se décline en sept points :

- Le « think slow/act fast ». « Il faut prendre le temps de cadrer le projet, ce qui est contre-intuitif lorsque la pression calendaire est très forte », a reconnu Yann Krysinski. Ce cadrage comporte trois volets : la programmation fonctionnelle et technique ; les outils et les process « qui se sont révélés très utiles lorsque les aléas sont survenus » et, enfin, la gestion des parties prenantes.

« Nous avons fait un choix atypique : confier à 33 maîtres d’ouvrages différents la réalisation des infrastructures mais en mettant en place une supervision très rigoureuse de la part de la Solideo et en donnant à celle-ci la capacité, le cas échéant, de se substituer au maître d’ouvrage défaillant, ce qui ne s’est jamais produit », a expliqué le directeur général exécutif. Une faculté de substitution qualifiée de « bombe atomique » par Etienne Thobois, ancien directeur général de Paris 2024. « Elle a permis de mettre en place de nombreux reportings, parfois assez contraignants, ce qui a garanti la bonne tenue des chantiers », a-t-il commenté.

Tout ce travail de cadrage a ensuite abouti à la rédaction et à la signature de conventions d’objectifs (une par ouvrage olympique) avec les parties prenantes : les maîtres d’ouvrage supervisés et les utilisateurs finaux.

Le dogme du plan B

- La gestion des risques ou le dogme du plan B. « Notre obsession a été de construire des plans B, C… qui ne sont pas restés qu’une simple idée sur une feuille de papier », a souligné Yann Krysinski.

Pour certains projets présentant un fort risque d’aléa, la Solideo a conclu des marchés avec des entreprises qui finalement n’ont pas été déclenchés et elle est même allée chercher des autorisations d’urbanisme qu’elle n’a pas mises en œuvre. « Nous souhaitions vraiment, en cas de gros imprévu, être en capacité de déclencher le plan B du jour au lendemain », a-t-il résumé.

- La gestion des écarts. « Souvent des projets, même bien gérés, déraillent du fait de modifications de programmes tardives », a introduit Yann Krysinski. La Solideo a reçu environ 700 demandes d’adaptations et pour chacune d’elles, elle a testé sa faisabilité financière et calendaire. « Faits à l’appui, nous avons pu accepter certaines demandes mais nous en avons refusé d’autres afin de préserver le budget et le planning », a-t-il commenté.

« Créer une forme d’urgence dans les premières phases du projet »

- La gestion des marges. Elle a consisté « à créer une forme d’urgence dans les premières phases du projet pour éviter que les retards pris au démarrage ne puissent plus être rattrapés plus tard », a exposé le DG exécutif, selon lequel, cette méthode « a certes représenté un coût mais a ensuite donné à l’établissement public le pouvoir discrétionnaire de consommer cette marge supplémentaire en accord avec le maître d’ouvrage lors de survenance d’aléas. »

- La capacité à décider. Partant du constat que la plupart des méga-projets ne sont pas livrés à l’heure car les décisions ne sont pas prises suffisamment rapidement, la Solidéo, pour éviter cet écueil, a formalisé un processus de prise de décision s’imposant à tous.

« En échange de cette contrainte à décider, nous avons mis en place une information précise, transparente et reflétant la réalité », a précisé le directeur général, ce qui, a-t-il ajouté, « est plus simple à dire qu’à faire car il faut trouver les bons indicateurs qui soient compréhensibles par tous ».

Une contre-expertise en interne

- L’internalisation d’une contre-expertise. Pour Yann Krysinski, il s’agit là d’un autre choix atypique. La Solideo a ainsi embauché des experts en environnement, sécurité, accessibilité universelle, innovation, planification et contrat de management.

« Ils n’avaient pas vocation à se substituer à nos experts externes, nos maîtres d’œuvre, nos entreprises… mais à porter au plus près des décideurs les objectifs prioritaires qui constituaient notre ADN », a-t-il énoncé.

- La feuille blanche. « Nous avons assumé de partir de zéro pour nous laisser une grande liberté dans l’organisation de la Solideo, ce qui nous a permis en œuvre la méthodologie que je viens de vous présenter », a terminé Yann Krisinski.

Une réplicabilité maximale pour la Solideo Alpes 2030

Un dernier conseil que ne va pas suivre Damien Robert, directeur général exécutif de la Solideo Alpes 2030, créée en février dernier. Il entend au contraire « capitaliser au maximum sur l’expérience de la Solideo ». « Notre projet est très différent de celui des Jeux de Paris 2024 : 3 500 athlètes au lieu de 17 000, 35 à 40 ouvrages au lieu de 70, 4 sites très éclatés géographiquement, moins de maîtres d’ouvrage… Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un méga projet », a-t-il expliqué.

Pour Damien Robert, les six années seulement qui séparent les deux olympiades favorisent une réplicabilité maximale. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, « nous disposons de très peu de temps puisque nous devons livrer, à priori, pour la fin de l’été 2029. Nous n’allons donc pas réinventer la roue ».

Une raison pousse le dirigeant à s’inspirer de la méthodologie de la Solideo. « Dans les deux cas, la phase héritage est au cœur des Jeux. Pour ce qui nous concerne, elle consiste à préparer la montagne pour 2050 ».

D’ores et déjà, la Solideo Alpes 2030 a appliqué quelques-uns des « sept commandements » de la méthode exposée par Yann Krysinski, à commencer par le « think slow/act fast ».

« Nous avons pris deux mois supplémentaires pour bien caler le projet de patinoire olympique avant de lancer le marché global de performance », a annoncé Damien Robert. Autre recommandation déjà appliquée : la capacité à décider. « Dès notre premier conseil d’administration, le 14 avril, nous avons choisi de lancer les consultations pour les villages olympiques de Nice et de Briançon », a-t-il indiqué.

Etablissement public dédié, dialogue, compréhension par tous des enjeux…

Outre la méthode, d’autres facteurs expliquent la réussite des Jeux de Paris 204. Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques depuis octobre 2024, a d’abord rappelé « l’accompagnement fort, ferme et continu de l’Etat » avant d’insister sur l’intérêt de créer un établissement public dédié pour mener un tel projet.

Un point de vue partagé par Etienne Thobois : « Le fait d’avoir une telle structure, très réactive, vers laquelle se tourner pour gérer l’ensemble du dispositif, maintenir l’ensemble des maîtres d’ouvrage sous tension a vraiment constitué un atout pour nous », a-t-il expliqué.

« Nous n’avons jamais rien lâché »

L’importance du dialogue et des échanges entre toutes les parties prenantes, qui a donné lieu, selon Pierre-Antoine Molina à « une comitologie foisonnante », a également été mise en avant.

Quant à Nicolas Ferrand, ancien DG exécutif de la Solideo, il s’est dit convaincu d’une chose : « Si nous avons réussi à livrer dans les temps et les budgets, c’est parce que nous avons été capables de maintenir le haut niveau d’ambition que nous nous étions fixé et que même pendant les moments difficiles, nous n’avons jamais rien lâché. »

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