L'industrie des granulats (1 570 sociétés, 3,9 milliards de chiffre d’affaires) et celle du BPE (524 sociétés, 4,1 milliards de chiffre d’affaires) sont stratégiquement liées, mais les métiers sont très différents. Préparé en centrale, le BPE est un produit ultra-frais : il ne faut pas dépasser 90 minutes pour le transporter de la centrale au chantier… Un gestionnaire de carrières s’inscrit dans des contraintes temporelles toutes différentes. Les procédures pour obtenir le droit d’exploiter durent cinq à dix ans. « Il s’agit de planifier l’aménagement du site après exploitation, soit envisager son devenir une trentaine d’années plus tard », note Xavier Lascaux, directeur de région Ile-de-France de GSM (filiale granulats d’Italcementi). Ces deux activités s’exercent dans une géographie assez resserrée, mais avec des situations contrastées en termes de ressources et de besoins. Le marché de la région parisienne est le plus tendu. « L’acceptabilité » des exploitations de carrières pose de plus en plus de problèmes. Entre l’étalement urbain et les espaces naturels, « les carrières ont du mal à trouver leur place », regrette Nicolas Vuiller, le président de l’UNPG (Union nationale des producteurs de granulats). Les phénomènes de concentration depuis une quinzaine d’années présentent divers aspects. Ils vont d’amont en aval : c’est le cas de cimentiers qui ont intégré l’activité de BPE. Ou d’aval vers l’amont : les majors du BTP qui rachètent des carrières. Les principales cibles des opérations de croissances externes ont été des réseaux déjà constitués tel le rachat de Redland par Lafarge en 1997. Le Français n° 1 mondial du ciment est à présent n° 1 français du BPE avec 260 centrales à béton. 20 % de parts de marché et près de 10 % du marché des granulats. Le n° 2 du BPE avec 240 centrales (et n° 5 du granulat) est Cemex qui a pris pied sur le marché français grâce à la reprise en 2005 d’un autre Britannique RMC (Ready Mix Concrete) qui contrôlait en France Béton de France et Morillon-Corvol. Particularité : n° 1 mondial du BPE, Cemex (Cementos Mexicanos) est un acteur global du ciment (Amériques et Asie) mais n’en produit pas en France. Le n° 3 est Italcementi à travers ses trois filiales - Calcia pour le ciment, Unibéton pour le BPE (177 centrales), GSM pour les granulats. Viennent ensuite le Français Vicat (141 centrales à béton en France, l’activité béton et granulats représente 36 % de l’activité du groupe). Il a renforcé en 2012 son réseau grâce à des rachats de sept centrales à l’Est et dans le Sud . Enfin, cinquièmement Holcim (137 centrales) surtout cantonné dans le Nord-Est, mais le groupe Suisse tend à renforcer ses installations sur l’Arc Atlantique (projet d’unité de broyage de clinker à La Rochelle - voir page 14).
Le BPE, premier débouché
L’intérêt des cimentiers pour cette spécialité aval a été récompensée. Le BPE qui représentait dans les années 1960, 2,8 % de la consommation de ciment en France en représentait 25 % dans les années 1980, moins de 50 % au début des années 2000 et… 56 % en 2011 suivant les chiffres de la Sfic. Sa part dans les débouchés de l’industrie cimentière est supérieure à celle du ciment commercialisé en sac ou en vrac par les négociants (20 % environ) et surtout du ciment industriel pour la préfabrication (blocs béton et autres) et les mortiers : autour de 15 % en 2011 contre 22 % au début des années 2000. Cette suprématie du BPE devrait se renforcer, avec les choix actuels d’aménagement du territoire. Actuellement, la maison individuelle (maçonnerie par petits éléments) souffre davantage que le collectif (béton banché) où le BPE est surtout utilisé. Dans cette perspective, les granulats sont également une ressource-clé pour l’industrie cimentière. Mais pas seulement pour elle, s’y intéressent également les grandes entreprises routières : Eurovia (filiale de Vinci), Colas (filiale de Bouygues), Eiffage TP (groupe Eiffage). Ces gros escadrons de la filière BTP (les entreprises routières : 15,3 milliards de chiffre d’affaires, 36,5 % de la branche TP) sont de loin les premiers utilisateurs de granulats (68 % de la consommation, contre 19 % pour le BPE, 8 % pour le béton fait sur le chantier et 5 % les produits bétons) utilisés tels quels ou enrobés. Dans le souci de maîtriser leur accès à la ressource, ces filiales des majors sont devenues les premiers carriers de France (400 carrières par exemple pour Eurovia). Ils poursuivent actuellement leurs rachats des groupes indépendants régionaux. Par exemple, Colas a repris Raubaud en Poitou-Charente en 2012. Eiffage a repris Budillon-Rabatel (fin 2012). Rappelons aussi la reprise en 2010, des carrières françaises de Tarmac (autre Britannique) par Eurovia. Le secteur du BPE (à 80 % tourné vers le bâtiment) paraît moins capitalistique. Le transport même du béton (assuré par des firmes comme le groupe Charles André ou la Générale de traction) et le pompage sont souvent externalisés. Le développement des réseaux de centrales (cependant ralenti par la crise) se fait davantage par croissance organique (implantation de nouvelles centrales). Dans l’organisation actuelle des groupes cimentiers, on notera enfin, le souci de tirer parti des synergies internes. C’est vrai chez Italcementi (chez Unibéton plus de 90 % du ciment viennent de Calcia et les 2/3 des granulats de GSM). Et surtout de Lafarge, désormais (depuis la cession du plâtre) recentré sur la filière Ciment, béton, granulats. Ces trois activités sont désormais travaillées de manière intégrée au sein de Lafarge France alors qu’elles étaient subdivisées à l’échelon mondial jusqu’en 2011.


