Biodiversité : l’obligation réelle environnementale, un outil encore trop confidentiel

⚠️ HTML Subscription Block Access Rights – IPD Block Test
Neuf ans après sa création, l’obligation réelle environnementale (ORE) suscite un « frémissement d’intérêt au niveau national » mais il reste encore largement méconnu, souligne l’IGEDD dans un rapport publié début septembre. Pour favoriser son développement, l’Inspection plaide entre autres pour un pilotage accru du dispositif par l’Etat et pour qu’il soit traduit dans les documents d’urbanisme.
Réservé aux abonnés
engins-de-chantier-rivière
Pour l'IGEDD, l'obligation réelle environnementale est un outil encore méconnu et qui mérite d'être développé.

Un bilan en demi-teinte pour les obligations réelles environnementales (ORE). C’est ce qui ressort d’un rapport publié le 8 septembre par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Ce document avait été commandé par Agnès Pannier-Runacher, ministre démissionnaire de la Transition écologique en novembre 2024 en vue de conduire une « mission sur la valorisation et l’optimisation des outils fonciers pour la protection et la restauration de la biodiversité »

Obligations que « bon leur semble »

Instauré par la loi Biodiversité du 8 août 2016, l’ORE est un contrat signé entre le propriétaire d’un terrain (particulier, entreprise ou collectivité) et une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement (ORE patrimoniale). Il permet auxdits propriétaires de participer volontairement à la protection de l’environnement en mettant eux-mêmes à leur charge - ainsi qu’à celle des propriétaires successifs du bien - les obligations que « bon leur semble » dans le but de maintenir, conserver, gérer ou restaurer des fonctions écologiques ou des éléments de biodiversité présents sur le site (art. L. 132-3 du Code de l’environnement). L’ORE peut aussi être utilisée à des fins de compensation par les maîtres d’ouvrage (ORE compensation).

Vecteur d’apaisement et de dialogue

Pour les auteurs du rapport, l’ORE est un outil original qui « suscite un frémissement d’intérêt au niveau national avec des tables rondes, des gens passionnés sur les territoires qui [le] portent ». Il s’agit aussi d’un « vecteur potentiel d’apaisement et de dialogue entre des acteurs locaux pas toujours enclins à échanger », notamment en milieu rural. Pour autant, neuf ans après sa création, le dispositif n’a jamais véritablement été porté politiquement et reste encore confidentiel, y compris pour les services de l’Etat, déplore l’IGEDD. Depuis 2016, « aucune circulaire ou note d’instruction de l’administration centrale à destination des services déconcentrés n’a été produite pour mobiliser l’ensemble des services déconcentrés ». De fait, leur mobilisation varie selon les territoires.

Finalement, les seuls auteurs de guides techniques d’accompagnement formalisé – outre le guide initial du Cerema - sont les acteurs de terrains (associations, parcs naturels régionaux…), notaires et conservatoires des espaces naturels (CEN).

Des notaires différemment impliqués

La mobilisation des notaires est intellectuellement motivée par l’usage d’un outil juridique novateur, « mais dont le temps de préparation reste disproportionné par rapport aux autres actes notariés courants, sans gain réel par rapport au temps passé », souligne le rapport.

Conséquence : leur accompagnement varie fortement, et certaines associations préparent elles-mêmes en amont le contrat d’ORE, « notamment lorsqu’il s’agit de rédiger des clauses environnementales hors champ des compétences habituelles des notaires. »

Pour autant, certains notaires « constituent d’ores et déjà, au sein du conseil supérieur du notariat un mini-réseau de référence, à même de répondre aux interrogations juridiques les plus pointues. »

Cette absence de cadre normatif plus précis et de jurisprudence – aucun contentieux n’a été enregistré - offre certes « une grande liberté d’action aux parties, mais génère aussi paradoxalement un trouble devant les choix contractuels qui s’offrent à elles, paralysant les initiatives d’ORE », note l’IGEDD, qui plaide pour un pilotage national plus actif du dispositif.

Des collectivités « frileuses »

De leur côté et à quelques exceptions près, les collectivités, en tant que contractant sont « plutôt frileuses à engager directement des deniers communaux pour une contractualisation d’ORE, sans gains immédiats et visibles par tous », note encore le rapport. En outre, elles n’ont guère exploité le dispositif fiscal incitatif comme l’exonération de taxe foncière de propriétés non bâties (TFPNB) pour les ORE puisqu’elles « y perdent des recettes locales dès lors que l’État n’effectue pas de compensation directe ».

Faire connaître les ORE auprès des collectivités

Plusieurs pistes sont avancées pour rendre les ORE « plus efficaces et attractives ». Parmi elles, l’IGEDD estime indispensable de faciliter et compléter la diffusion d’informations sur les ORE, à commencer par l’information sur leur existence. Aujourd’hui encore, leur nombre précis est ignoré. « Il est estimé au niveau national à environ 300 contrats signés, avec une forte marge d’incertitude sur le nombre exact ».

De nombreuses collectivités ignorent l’existence et le contenu des ORE signées par des propriétaires sur leur territoire. Or, elles ont besoin de ces informations pour piloter leur stratégie d’urbanisme dans leurs documents. Une telle information leur permettrait « d’orienter les secteurs sur lesquels encourager la protection de la biodiversité » et elle serait tout aussi stratégique pour les porteurs de projet à la recherche de compensation environnementale. Aussi, le rapport préconise-t-il de prévoir un dispositif permettant de disposer de données statistiques fiables et exhaustives des ORE en lien avec la démarche du système d’information géographique Urbansimul.

Traduction dans les PLU(i)

Autre proposition : traduire les ORE dans les documents d’urbanisme, « afin de dépasser une coexistence de règles publiques et privées qui s’ignorent mutuellement. » Une ORE pourrait par exemple être reprise sous forme d’emplacement réservé ou d’orientation d’aménagement et de programmation (OAP renaturation).

Enfin, pour promouvoir le dispositif, les rédacteurs suggèrent de travailler sur la communication et en particulier de faire évoluer son appellation, qualifiée de « bien mal nommée » par un terme plus attractif, tout en conservant l’acronyme ORE, désormais bien connu des acteurs.

Quel bilan pour les ORE compensation

Selon le rapport, les démarches de compensation constituent  40 % des ORE signées. De plus en plus d’arrêtés préfectoraux font explicitement référence à la nécessité de prévoir des ORE dans le cadre de la compensation, les avis d’autorités environnementales les ayant parfois recommandées.

Pour autant, si elle apparaît comme « une solution de facilité pour acter des compensations dans la durée », la réalité est plus nuancée, note l’IGEDD.

La qualité des contrats signés est hétérogène, car les ORE sont rédigées par les parties au contrat placées dans un rapport asymétrique entre les propriétaires et les cocontractants (maître d’ouvrage /structure chargée de la mise en œuvre des mesures compensatoires).

Les arrêtés prescrivant les ORE ne prévoient pas de garanties financières à présenter par le maître d’ouvrage. Dès lors, « en cas de faillite de ce dernier, l’ORE devient alors une coquille vide ». Une clarification via une note explicative sur les modalités de recours à l’ORE dans la séquence ERC apparaît nécessaire pour l’IGEDD.

Alors qu’actuellement, la durée des ORE compensation est calée sur celle de la compensation classique au titre de l’autorisation environnementale (20-30 ans), les auteurs du rapport suggèrent de porter cette durée à la durée de vie plausible des projets, et à 99 ans pour les plus pérennes comme les projets d’infrastructures de transport.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires