Face à la raréfaction du foncier disponible et à l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN), les projets doivent désormais se concentrer en priorité sur des terrains déjà artificialisés. Cette logique implique souvent de travailler sur des sites ayant accueilli des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Or, nombre de ces sites n’ont pas fait l’objet d’une procédure de cessation d’activité conforme au Code de l’environnement (C. env.).
Jusqu’en 2021, la notion d’usage n’était pas définie par ce code. Cela créait une incertitude juridique pour les porteurs de projet, notamment en matière d’évaluation de la compatibilité des sols et de mise en œuvre des mesures de gestion adaptées. Or, un site anciennement industriel peut être reconverti en zone résidentielle ou accueillir des populations sensibles. Il devenait alors essentiel de clarifier les règles pour garantir la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du terrain.
Sécurisation des dossiers. La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a introduit une définition de l’usage (art. L. 556-1 A C. env.). Son décret d’application n° 2022-1588 du 19 décembre 2022 établit une typologie des usages (industriel, commercial, résidentiel, etc.) permettant une homogénéisation du traitement des dossiers, une réduction des risques contentieux et une meilleure protection de la santé publique et de l’environnement.
Par ailleurs, l’article L. 556-1 impose, depuis la loi Alur du 24 mars 2014, que tout changement d’usage sur un terrain ayant accueilli une ICPE réhabilitée fasse l’objet de mesures de gestion adaptées. Le maître d’ouvrage à l’origine de ce changement d’usage doit suivre une procédure clairement établie, modifiée récemment (art. R. 556-1 C. env.).
Un cadre clarifié, un levier pour débloquer les projets
Le décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024, pris en application de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023, précise et simplifie les modalités d’application de ces règles (art. R. 556-1 C. env.).
Avant tout projet de construction ou d’aménagement sur un site ayant accueilli une ICPE, le maître d’ouvrage doit se renseigner par tous les moyens sur l’état de la procédure de cessation d’activité de cette installation. Deux cas de figure sont alors possibles.
Hypothèse 1 :la cessation d’activité est achevée et l’installation est régulièrement réhabilitée
Le maître d’ouvrage à l’origine du changement d’usage devra : - réaliser une étude de sols, si nécessaire ; - définir les mesures de gestion de la pollution des sols en prenant en compte les eaux souterraines ; - faire attester de la prise en compte de ces mesures par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués ou équivalent (attestation dite « Attes Alur ») ; - transmettre ce document au service instructeur des autorisations d’urbanisme. C’est une pièce obligatoire du dossier de demande de permis.
Hypothèse 2 :aucun élément ne permet de démontrer que l’ICPE a été régulièrement réhabilitée
Deux cas de figure sont à distinguer : - le dernier exploitant est inconnu ou a disparu : le maître d’ouvrage réalise le changement d’usage selon la procédure précitée (hypothèse 1). Il devra justifier des démarches effectuées pour vérifier l’information relative à la cessation d’activité de l’ICPE dans l’Attes Alur ; - le dernier exploitant est connu et existe toujours : la réhabilitation est menée soit par ce dernier, soit par le maître d’ouvrage dans le cadre de la procédure de tiers demandeur prévue à l’article L. 512-21 du Code de l’environnement. Une fois la réhabilitation achevée, le maître d’ouvrage applique la procédure décrite dans l’hypothèse 1.
Approche préventive et pragmatique. En rendant obligatoire l’attestation Attes Alur dans les demandes d’autorisations d’urbanisme, le législateur impose au maître d’ouvrage de prouver, en amont, la compatibilité entre l’état des sols et l’usage projeté. Cette exigence, qui permet de prévenir les risques sanitaires et environnementaux, ne constitue pas un frein aux projets, mais un levier pour leur sécurisation. Par exemple, lorsque l’exploitant historique a disparu, l’opération n’est pas pour autant compromise : le maître d’ouvrage peut engager le changement d’usage dès lors qu’il peut justifier, dans l’attestation, avoir accompli l’ensemble des diligences nécessaires pour retracer l’historique du site et vérifier l’absence de réhabilitation.
Ce mécanisme illustre une approche à la fois préventive et pragmatique du droit de l’environnement, conciliant sécurité juridique des projets et objectif de requalification des friches dans un contexte de sobriété foncière.
Illustrations
Construction d’un lotissement sur un ancien site de stockage de carburant
Un aménageur acquiert un terrain ayant accueilli une activité de stockage de carburant dans l’objectif d’y réaliser un lotissement résidentiel. L’installation a fait l’objet d’une procédure de cessation d’activité formellement achevée quelques années auparavant et une réhabilitation a été menée sous le contrôle de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).
Dans ce cas, l’aménageur doit s’assurer de la régularité de la cessation d’activité en consultant les arrêtés préfectoraux et les documents attestant de la réhabilitation validée par l’administration.
Il doit ensuite faire réaliser une étude de sols établissant, selon les cas, la compatibilité avec un usage résidentiel ou les travaux nécessaires pour y parvenir.
Sur la base du rapport du bureau d’études certifié, sera établie l’Attes Alur, laquelle sera jointe au dossier de demande de permis d’aménager. Dans le cadre de la réalisation des travaux, notamment des terrassements, l’aménageur devra respecter les prescriptions techniques afin de prévenir tout risque lié à la pollution résiduelle.
Construction d’une école sur une ancienne friche ferroviaire
Une collectivité souhaite implanter une école maternelle sur un ancien site de maintenance ferroviaire. Aucune trace de cessation effective de l’installation classée n’est disponible et l’exploitant historique a disparu.
La collectivité doit alors engager une étude historique et documentaire afin de reconstituer les usages passés.
Elle fait ensuite réaliser par un bureau d’études une étude de sols, qui révèle des concentrations de métaux lourds dans certaines zones. Des mesures de gestion sont alors définies : évacuation des terres polluées, végétalisation contrôlée, etc.
Une Attes Alur sera produite, incluant les démarches pour vérifier la mise en compatibilité du site avec l’usage futur. La collectivité joint cette attestation à son dossier de demande de permis de construire.
Réhabilitation d’un ancien atelier de métallurgie par un promoteur privé
Un promoteur immobilier identifie un ancien atelier de métallurgie pour le transformer en résidence étudiante. L’installation classée, exploitée jusque dans les années 2000, n’a pas fait l’objet d’une procédure de cessation d’activité conduite à son terme. L’exploitant est toujours en activité et identifié.
Le promoteur engage un dialogue avec l’exploitant, toujours juridiquement responsable de la réhabilitation, et prend la décision de recourir à la procédure de tiers demandeur, afin de mener lui-même la cessation d’activité (remise en état et réhabilitation du site).
Une fois la réhabilitation menée à son terme, le maître d’ouvrage met en œuvre la procédure du changement d’usage telle que définie à l’alinéa 2 de l’article R. 556-1 du Code de l’environnement (diagnostic environnemental, mesures de gestion, Attes Alur à joindre au dossier d’autorisation d’urbanisme).
Check-list opérationnelle
Déterminer les anciens usages du terrain.
Rechercher la présence éventuelle d'une ICPE.
Identifier les derniers exploitants.
Vérifier si une cessation d'activité a été déclarée et conduite à son terme.
Définir le changement d'usage envisagé.
Faire réaliser une étude des sols précisant les éventuelles mesures de gestion à mettre en œuvre pour le changement d'usage souhaité. Faire établir l'attestation Alur qui sera jointe au dossier d'autorisation d'urbanisme.