Marchés publics : pourquoi les acheteurs voudraient pouvoir négocier davantage ?

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Alors que la procédure avec négociation serait un levier pour rendre la commande publique plus performante, son utilisation reste aujourd’hui encore strictement encadrée. Les acheteurs publics se mobilisent pour la rendre plus accessible, avec la révision de la directive européenne en ligne de mire.
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Les acheteurs publics veulent pouvoir négocier plus librement.

C’est une demande qui ressurgit régulièrement. Cette fois c’est à la faveur de la révision de la directive Marchés publics de 2014, engagée l’année dernière par la Commission européenne, que les acheteurs publics se font entendre. Ils veulent pouvoir plus librement négocier leurs contrats.

« Procédure de droit commun »

« France Urbaine plaide pour que les collectivités puissent recourir à la négociation à chaque fois qu’elles l’estiment nécessaire », indique ainsi Martine Ouaknine, co-présidente du forum de l’achat public durable au sein de l’association d’élus. Même son de cloche du côté de l’Association des acheteurs publics (AAP) : « Nous souhaitons que la procédure avec négociation devienne une procédure de droit commun », détaille Arnaud Latrèche, son vice-président.

Rappelons que les pouvoirs adjudicateurs n’ont la faculté de négocier que sous conditions pour les marchés d’un montant supérieur aux seuils européens. « La négociation est limitée pour les contrats de grande valeur, c’est pourtant ceux-ci qui devraient pouvoir être négociés prioritairement », estime Martine Ouaknine. Elle déplore aussi la différence de traitement avec les entités adjudicatrices [acheteurs agissant en tant qu’opérateurs de réseaux, comme EDF, SNCF Réseau ou encore La Poste, NDLR] qui, elles, peuvent recourir librement à la procédure de leur choix.

Economies d’achat

Les acheteurs avancent un argument de poids en cette période de tensions budgétaires : la négociation serait un moyen pour le secteur public de faire des économies. Ainsi la Direction des achats de l’Etat, qui se targue d’avoir obtenu en 2024 360 M € de gains d’achat – la différence entre un montant de référence et le montant obtenu lors de la conclusion d’un marché public -, la cite comme étant l’un des principaux leviers de performance économique des achats.

Adapter ses exigences

« Ce n’est pas uniquement l’entreprise qui doit faire des efforts, souligne Arnaud Latrèche. Les acheteurs doivent lui donner des clés pour qu’elle puisse baisser ses coûts ». Les commanditaires peuvent notamment ajuster les exigences inscrites dans le cahier des charges, comme les pénalités, les délais ou encore les garanties demandées.

« Seuls les échanges avec les candidats nous permettent de connaître le coût de nos clauses », relève le vice-président de l’AAP qui pointe cependant la nécessité de changer les mentalités. « La négociation n’est pas inscrite dans l’ADN des acheteurs publics mais il faut que nous prenions conscience que nous avons la possibilité de modifier notre cahier des charges. Nous avons de la marge de manœuvre, en particulier sur les clauses financières ».

Achat responsable

La négociation permettrait aussi aux acheteurs d’acheter plus intelligemment. « C’est l’occasion d’expliquer aux candidats ce que l’on attend d’eux, pour qu’ils comprennent mieux nos besoins », affirme Martine Ouaknine. Tout en œuvrant pour que les entreprises améliorent leurs offres. « Nous pouvons obtenir que soient optimisés les délais de livraison, la durée de vie via la maintenance, ou encore la performance énergétique. Au final c’est le coût global qui sera meilleur », souligne l’élue.

Négocier serait d’autant plus nécessaire à l’heure où la commande publique doit répondre à des enjeux environnementaux et sociaux. « Dans la mesure où les marchés sont de plus en plus sophistiqués, l’acheteur peut difficilement tout prévoir dans son cahier des charges », relève Arnaud Latrèche. La clé est alors de co-construire le marché avec les entreprises, à même de proposer des solutions innovantes pour répondre aux attentes de la personne publique.

Lever les doutes pour éviter les mauvaises surprises

Enfin, un contrat négocié serait aussi un contrat mieux suivi. « La négociation permet de s’assurer de la bonne exécution du contrat », signale Martine Ouaknine. Les parties ayant collaboré pour bâtir ensemble le marché, le risque de dérives et de manquements est réduit. « De plus au cours des négociations, nous pouvons nous assurer que l’on a la même compréhension des documents contractuels et clarifier au besoin », explique Arnaud Latrèche. De quoi diminuer la probabilité qu’un long et coûteux contentieux s’engage.

Un outil à manier avec quelques précautions

« Nous n’avons pas d’opposition de principe à un éventuel élargissement de la négociation, d’autant plus si elle devait renforcer la concurrence et conduire à obtenir de meilleures offres », indique Clarence Bathia, juriste de l’association Anticor. Il souligne toutefois la nécessité de former les élus et les agents pour permettre de mener au mieux la procédure. « Les acheteurs doivent être capables de défendre au mieux les intérêts de la personne publique, souligne-t-il. Le rôle dévolu aux préfets est essentiel également : ils doivent effectuer un contrôle de légalité parfaitement poussé ».

Surtout, le juriste pointe un risque qui pourrait freiner les acheteurs. « Il faut veiller à éviter l’asymétrie d’informations entre les candidats, qui pourrait constituer une rupture de l’égalité de traitement, voire relever du délit de favoritisme ».

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Date de réponse 21/10/2025