Au terme de quatre ans de chantier en site occupé, sans interruption d’aucune antenne, la vénérable Maison de la radio et de la musique (Paris XVIe ) s’est dotée de 14 studios dits « de création », signés de six équipes d’architectes. A la manœuvre pour leur conception, les agences Bunker Palace (Ji Eun Kim, Alexandre Pachiaudi), MMXI (Alexandre Nossovski, Emmanuelle Gaudillat), Atelier Zündel Cristea (AZC) + Rahim Danto Barry Architecture, R Architecture (Guillaume Relier, Alice Wijnen), Buzzo-Spinelli et Architecture Studio. Ce « hub du son » destiné aux projets menés en interne - mais ouvert également aux productions extérieures - accueillera chaque semaine plusieurs dizaines de réalisations de tous types : émissions (en direct ou en différé), fictions sonores, captations théâtrales, habillages d’antenne, répétitions et enregistrements de concerts, créations de podcasts immersifs, doublage de documentaires audio ou vidéo, etc. « Chacun de ces studios rénovés - ils datent de 1963, année de l’inauguration du bâtiment - a sa mission, sa signature, son identité. C’est aujourd’hui le plus grand ensemble de production audiovisuelle d’Europe et, osons le dire, l’Abbey Road français », s’enthousiasme Sibyle Veil, P-DG de Radio France, faisant allusion aux mythiques studios londoniens où les Beatles, et tant d’autres, ont enregistré nombre de leurs succès planétaires.
Configuration intérieure tripartite.
De taille et de capacités variables, disposés en arc de cercle dans la couronne intérieure de l’édifice, en orbite autour de la tour centrale, « l’ensemble se fait polyvalent par la juxtaposition, sur un même site, de différents usages de création autour du son et de l’image », fait valoir Sidonie Guénin, directrice de la réhabilitation à Radio France. Si chaque studio possède sa propre identité, acoustique et visuelle, optimisée pour des usages spécifiques (notamment en ce qui concerne leur durée de réverbération), elle reste, pour partie, modulable selon les besoins de la réalisation. Tous ont en revanche un point commun : leur plan trapézoïdal et une configuration intérieure tripartite : un plateau (espace de production sonore) séparé par une baie vitrée de la cabine de régie, ainsi que des locaux annexes. Chacun d’eux est conçu comme un volume autonome soigneusement isolé des transmissions acoustiques parasites de tous ordres, selon le principe de désolidarisation dit de « la boîte dans la boîte ».
Quatre types de studios coexistent. D’abord, le studio multimédia, à l’image du 101 (lire ci-dessous) : architecture minimaliste mais équipement audiovisuel maximaliste. Il est pensé pour des émissions radio/télé, mais aussi la création de spectacles avec ou sans captation vidéo, l’organisation de conférences et débats, la réalisation de documentaires et de fictions audiovisuelles. Le studio de répétition, tel le 110 (lire p. 66), est dévolu, lui, au travail de l’orchestre et aux enregistrements de musique instrumentale, avec des ambiances adaptées aux différents répertoires : mate pour les musiques amplifiées, plus réverbérante pour les périodes baroque et classique. Le studio de production audio, à l’exemple du 116 (lire p. 67), accueille des fictions nécessitant une palette de dispositifs pour l’obtention d’effets sonores variés : chambre sourde, volume réverbérant, système audio en son spatialisé, ensemble de moyens de bruitage, etc. Enfin, à la manière du 106 (lire p. 66), les studios pouvant accueillir du public sont destinés à la production de magazines et documentaires, avec des plateaux polyvalents, capables d’accueillir animateurs, invités, formations orchestrales ou comédiens.
Avec ces 14 studios s’achève, pour un temps au moins, l’ambitieux projet de transformation de la Maison ronde entamé… en 2008.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Radio France. Maîtrise d'œuvre désamiantage : LBE, AD Ingé. Maîtrise d'œuvre d'exécution : WSP France (TCE), Archidev (architecte), ACV (acoustique), Kanju (scénographie), Les Ateliers de l'Eclairage (lumière), US & CO (économiste). Principales entreprises : ADS Démantèlement (désamiantage), Dumez Ile-de-France (gros œuvre), AMG-Féchoz (scénographie), Tunzini (CVC, désenfumage, plomberie), GTIE Tertiaire (électricité, courants forts, courants faibles). Surface (tous locaux compris) : 7 500 m² SU. Budget global : 78,50 M€ HT (compris désamiantage, gros œuvre, second œuvre, scénographie, équipements techniques audio/vidéo, intégration numérique). Calendrier des travaux : 2021-2025 (livraison).
Le 101, par Architecture Studio
Le plus grand des 14 studios de création est une « black box » multimédia. L'intention, prise au pied de la lettre, a donné naissance à un studio d'un noir profond, réchauffé par le chêne doré des escaliers. Ce noir se décline selon les différents matériaux : béton teinté au sol, caillebotis scéniques noir brillant au plafond, grilles Inox laquées noir devant un feutre. « Le tout crée un jeu de lumière à la manière d'une toile de Pierre Soulages », assurent les architectes.
Surface du plateau : 310 m².
Jauge : 100 places.
Durée de réverbération : 0,80 s.
Le 106, par MMXI
Ouvert au public et résolument polyvalent, le 106 accueille des concerts de musique classique aussi bien que de variété, des projections cinéma, ou des compositions électroniques, grâce à sa modulabilité acoustique. Bois clair, béton brut, noirs profonds et luisants se partagent l'espace. Scène, gradins, plafonds et parois sont mobiles. La scène, elle-même, est gradinée, composée de deux hauteurs de plateau. Le studio est équipé d'un gril et d'une passerelle, ainsi que d'un équipement audio immersif holophonique de diffusion sonore spatialisée en 3D.
Surface du plateau : 150 m². Jauge : 124 places. Durée de réverbération variable : 0,90 s à 1,20 s.
Le 110, par Bunker Palace
Destiné aux enregistrements musicaux et aux répétitions d'orchestre, le studio 110 regroupe les anciens studios 110 et 111 en un seul espace.
Cette « fusion », si elle permet d'obtenir la surface nécessaire, était insuffisante en volume pour obtenir la durée de réverbération souhaitée. Pour y parvenir, son plancher a été abaissé pour se situer de plain-pied au niveau R - 1, avec les parcs instrumentaux.
Réflecteurs formant écailles en parois et géométrie facettée du plafond suspendu participent de la clarté de la restitution sonore.
Surface du plateau : 300 m².
Durée de réverbération : 1,60 s.
Le 116, par R Architecture
Dédié à la production de fictions, ce studio intègre un ersatz d'appartement reproduisant les ambiances des pièces du quotidien : un salon feutré, une chambre, une pièce d'eau carrelée…
Une mezzanine ouverte sur le plateau est créée sur le toit de l'appartement. Les parois sont traitées par un panachage de matériaux absorbants et réfléchissants au service d'une durée de réverbération moyenne.
Surface du plateau : 67 m².
Durée de réverbération : 0,70 s.






