Après la mise à l’eau des trois éoliennes flottantes de Provence Grand Large (PGL) construites et assemblées dans ses bassins ouest de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), le Grand port maritime de Marseille (GPMM) persévère. Sous l’égide de Vincent Delcroix et Philippe Quévremont, les deux garants nommés par la commission nationale du débat public (CNDP), débute, ce 14 octobre jusqu’au 23 décembre, la concertation préalable sur son projet de création d’une plate-forme d’assemblage et de construction dite Deos pour « développement de l’éolien offshore ». Le GPMM a pour ambition de proposer des infrastructures portuaires, des terre-pleins renforcés et des espaces aménagés du plan d’eau à des industriels et opérateurs privés qui contribuent au développement de la filière. Représentant un investissement de 550 millions d’euros, la plate-forme pourrait livrer 25 éoliennes par an (environ 450 MW/an) à partir de fin 2028.
Deux zones
Le GPMM prévoit d’aménager deux zones d’implantation. La première, à terre et positionnée à l’extrémité du môle central en face des terminaux à conteneurs, se développera sur 75 ha. La seconde, à flot et d’environ 45 ha, servira au stockage temporaire des flotteurs et éoliennes.

Zones d’implantation du projet Deos. © Port de Marseille-Fos
Parmi les travaux programmés figurent la construction d’un quai de 800 m de long pour la mise à l’eau, des drainages afin d’obtenir la profondeur suffisante pour immerger les flotteurs, ainsi que des jetées ou encore le renforcement des sols. A réaliser en 2027 et 2028, ils mobiliseront 250 personnes. Selon les estimations du GPMM, en pleine activité, Deos pourrait générer entre 500 et 1 500 emplois directs, en fonction du type de flotteurs à construire, de l’assemblage ou de la maintenance des éoliennes.
Complémentaire de Port-la-Nouvelle
Dans une volonté d’une offre globale, le GPMM souhaite proposer sur Deos toute la palette des activités nécessaires à la conception et la construction des parcs éoliens : réception des différents composants (nacelles, mâts, pales), fabrication des flotteurs, mise à l’eau, assemblage, installation sur les flotteurs via une grue, stockage en attendant la livraison sur le lieu de destination, puis, maintenance lourde pendant la durée d’exploitation des parcs et, enfin, démantèlement le moment venu. Le port de Marseille ne se pose pas en concurrent de Port-la-Nouvelle, dans l’Aude, également engagé dans l’aménagement d’infrastructures dédiées à l’éolien flottant. « Nous serons complémentaires pour servir le marché national et potentiellement méditerranéen », a rappelé Christophe Castaner, président du conseil de surveillance du port de Marseille, ce 3 octobre lors de l’inauguration du « Port Center » à Marseille, espace de communication et de sensibilisation aux activités portuaires aménagé au rez-de-chaussée de la gare maritime de la Major.
Parcs éoliens
Dans un premier temps, la plate-forme Deos permettra de répondre aux besoins des constructeurs des premiers parcs sur la mer Méditerranée pour lesquels deux appels d’offres sont en cours pour une mise en service d’ici 2031 : l’un de 250 MW au large du Golf de Fos à environ 35 km des côtes ; l’autre de 250 MW au large de Narbonne à 30 km de Port-la-Nouvelle et 25 km d’Agde (Hérault). L’Etat a lancé en juillet dernier une autre consultation (appels d’offres n° 9) en vue d’une extension de ces deux parcs, soit 2 fois 500 MW, pour une mise à l’eau entre 2032 et 2036.
La création de Deos nécessitera d’opérer des raccordements avec le réseau portuaire existant et aussi routier dans une zone déjà saturée par le trafic. Le GPMM, qui estime, par jour, « les flux entrants de l’ordre de 1 100 à 1 700 véhicules », ainsi qu’environ 30 poids-lourds, a annoncé le lancement des études nécessaires à la requalification des voies d’accès qui « intègrent bien les besoins éventuels de recalibrage de la route portuaire 541 qui dessert l’ensemble du môle central ».
Trois autres projets en concertation sous l’égide de la CNDP
Saisie par le GPMM pour conduire la concertation préalable à Deos, la CNDP l’est pour trois projets industriels localisés sur le même site de la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer (zone du Caban-Tonkin).
Le premier, dont la concertation préalable est terminée et l’enquête publique démarre cet automne, est porté par Carbon qui souhaite investir plus de 1,5 milliard d’euros pour construire une giga-usine intégrée de production de plaquettes de silicium, de cellules et de modules (panneaux) photovoltaïques d’une capacité annuelle de 5 GWc La mise en service est prévue en 2025-2026.
Le projet H2V Fos consiste à construire en deux phases six unités de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau de 100 MW, soit un total de 600 MW, avec l’objectif d’un volume de 84 000 tonnes par an d’hydrogène bas carbone. Le montant de l’investissement est estimé à plus de 900 millions d’euros. L’industriel prévoit la livraison de la première tranche en 2028 et de la seconde en 2030.
Quant au projet GravitHy de construction d’une usine de production bas carbone de 2 millions de tonnes de minerai de fer préréduit (DRI pour « Direct reduced iron »), il est comme H2V en attente du lancement de l’enquête publique programmée en 2025. Représentant un investissement de 2,2 milliards d’euros, il doit monter en charge en 2027.
Si les quatre projets - les trois cités ci-dessous et Deos - se réalisent, ils auront des impacts communs qui se cumuleront, par exemple, sur le trafic routier, la consommation d’eau, d’électricité, etc. Cela a conduit la CNDP à proposer un débat global sur l’aménagement du territoire. Les garants mobilisés sur ces projets ainsi que celui de Deos ont proposé des modalités communes de concertation et l’inscription dans un tableau des données relatives aux thèmes communs à disposition du public dans un espace qui leur est dédié sur le site de la CNDP.
Une ligne électrique contestée
Les demandes de raccordement actuelles représentent près de 6 000 MW pour une augmentation de consommation régionale en 2028 entre 5 000 et 8 000 MW en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Or, la capacité d’accueil du réseau actuel est limitée à 600 MW. Pour pallier ce manque, RTE porte un projet de ligne électrique aérienne de 400 000 volts de 65 km environ qui doit relier, à partir de 2028, les postes électriques existants de Feuillane à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et de Jonquières-Saint-Vincent (Gard). Stratégique pour accompagner la décarbonation de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et notamment celle de zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos, très émettrice en gaz à effet de serre, la future infrastructure mobilise un investissement de 300 millions d’euros.
A l’issue d’une première phase de concertation démarrée en juin 2023, le préfet coordonnateur Christophe Mirmand a validé, le 27 septembre, le choix du fuseau de moindre impact proposé par RTE. La ligne resterait à l’ouest du Rhône entre Jonquières-Saint-Vincent et Arles, puis passerait à l’est du fleuve, jusqu’à son terme.
Compte tenu de la forte opposition à ce projet, notamment de la Ville d’Arles et du parc naturel régional de la Camargue qui craignent un impact sur la biodiversité et le patrimoine, le préfet coordonnateur a demandé la réalisation d’une contre-expertise indépendante dans les trois mois relative à l’enfouissement total ou partiel de la ligne, ainsi que la réactualisation des besoins du raccordement électrique.
Cette étape précède un long processus avant une mise en service espérée en 2028.