Réflexion faite, est-ce une réponse adaptée au problème des banlieues? L'annonce, faite par le Premier ministre, de "la possibilité d'entrée en apprentissage dès l'âge de 14 ans" a surpris d'abord, laissé perplexe ensuite.
Elle a surpris, parce qu'elle remet en cause un principe qui paraissait gravé dans le marbre, la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.
Elle laisse doublement perplexe.
D'abord, parce que l'apprentissage est aujourd'hui aspiré vers le haut. Avec l'apparition de métiers nécessitant des niveaux plus élevés de qualification, l'apprentissage s'adresse de plus en plus souvent à des jeunes de niveau bac. Qui ne sont donc pas les jeunes de 14 ans, en situation d'échec scolaire, auxquels le gouvernement pensait lorsqu'il a annoncé son projet.
De plus, la valorisation de l'image de l'apprentissage, sur laquelle tout le monde s'accorde, risque d'en prendre un coup si cette filière d'insertion professionnelle apparaît comme surtout dévolue aux jeunes en perdition.
La perplexité suscitée par la proposition gouvernementale provient aussi de la réalité de nos métiers. Les métiers de la construction, qui contribuent pour quelque 8% au PIB de la France, représentent près du quart du total des apprentis. Dont les deux tiers sont sous contrat dans des entreprises de moins de 10 salariés.
Quelle est cette réalité? Elle est que la construction, plus que d'autres secteurs, nécessite souvent une aptitude physique que l'on n'a pas encore pleinement à 14 ans. Et nécessite une maturité psychologique que l'on n'a pas davantage à cet âge, ce qui peut déboucher sur une grave insécurité dans l'accomplissement des tâches de chantier.
On doit surtout donner à chaque jeune la maîtrise d'un socle de connaissances générales (lecture, calcul) que seule une adaptation personnalisée des méthodes de l'Education nationale pourra assurer.
Le Premier ministre n'a-t-il pas été un peu apprenti... sorcier ?
Bertrand Fabre est directeur de la rédaction du "Moniteur"
