Lorsque l’on frôle le plein emploi, les entreprises éprouvent toutes les difficultés du monde à recruter. Des contrariétés qui peuvent freiner le développement de l’entreprise, contrainte de refuser des clients, faute de bras pour assurer les services. Certains diagnostiqueurs ont trouvé la solution : le prête-nom. « J’ai travaillé un an pour l’un des leaders du secteur, sans avoir ma formation à la prévention des risques liés à l'amiante - travaux de sous-section 4 (plus communément appelée SS4, NDLR), une formation pourtant obligatoire pour intervenir en milieu amianté », relate Lucien*, qui n’est plus salarié de ce groupe depuis plus de deux ans.
Dans les faits, Lucien a bien reçu une formation préalable SS4 (d’une durée minimale de 5 jours). Trois ans plus tard, il aurait dû suivre une formation dite, de recyclage, d’au moins une journée, qui sert de piqûre de rappel sur les gestes de l’art et de prévention. Puisque son entreprise ne lui a pas organisé cette formation complémentaire alors qu’il faisait partie des effectifs, son attestation est devenue caduque. Il a pourtant continué à signer pendant plusieurs mois des diagnostics. Avant de démissionner.
Diagnostic amiante, plomb…
Sans attestation, Lucien est quand même intervenu sur site afin de réaliser des prélèvements en vue d’établir un diagnostic amiante. Il relate, par exemple, une mission de plusieurs semaines sur le diagnostic amiante d’un grand ensemble tertiaire. « Je ne signais pas le diagnostic, puisque je n’avais pas suivi la formation, c’est la signature et l’attestation de formation d’un collègue, qui n’est jamais intervenu sur le terrain, mais qui avait son attestation, qui a été annexée au document », continue le diagnostiqueur.
Cette pratique semble institutionnalisée chez cette société délinquante, puisqu’un autre salarié de l’entreprise, que nous appellerons Marc, s’est aperçu de la combine, en retrouvant dans la base de données de l’entreprise des diagnostics termites mentionnant son nom et son attestation. « J’ai retrouvé des documents que je n’ai jamais signés, concernant des logements d’un grand bailleur social en vue d’une vente en bloc, que je n’ai jamais audités. La tromperie est grossière, car j’étais en vacances lorsque le diagnostic a été signé et daté. » Cette manipulation, que nous avons pu observer en prenant connaissance des documents mis en cause, engage pourtant sa responsabilité.
Pour Marc, qui a bien suivi la formation pour mener des diagnostics termites au moment des faits, il s’agit d’un diagnostic de complaisance. « Le diagnostic termites est valable six mois. Si à la signature de la promesse de vente ou de l'acte de vente, le document a plus de 6 mois, il faut le refaire. Pour éviter d’avoir à renvoyer un salarié sur le site, l’entreprise a trouvé la parade : elle génère le même diagnostic, mot pour mot, et le fait signer par un autre collaborateur. Bien sûr, elle facture un deuxième diagnostic. » Marc a alerté le directeur de l’agence : ce dernier a renouvelé cette pratique frauduleuse. Il réfléchit à porter plainte.