On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est peut-être ce que s’est dit cet entrepreneur du bâtiment, chauffagiste de formation, puis spécialisé dans l’isolation, quand il a décidé de ne pas respecter la loi en devenant également diagnostiqueur immobilier. De quoi lui permettre de réaliser les diagnostics et les travaux pour un même client. Une simple recherche sur le site societe.com confirme l’information transmise par un confrère désabusé. Et démuni. « Porter plainte ? Mais vous voulez que l’on brûle ma maison ? », s’inquiète-t-il.
Posséder une société de diagnostic immobilier lorsque l’on est entrepreneur du bâtiment est une pratique formellement interdite. L’article L271-6 du code de la construction et de l’habitat (CCH) précise bien que le diagnostiqueur immobilier « ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à elle, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d'établir l'un des documents [de diagnostic] ».
Créer ses propres débouchés
La manœuvre est pourtant bien pratique pour l’escroc qui se crée ses propres débouchés ! Rappelons que depuis le 1er juillet 2021, le DPE nouvelle formule se compose de plusieurs parties (montant théorique des factures énergétiques, détail des déperditions thermiques, état de la ventilation et de l’isolation, etc.) mais aussi, des recommandations de travaux sous forme de scénario et une estimation de leurs coûts. Sur son site web, l’Ademe indique d’ailleurs que « l’un des objectifs principaux du DPE est d’inciter à la réalisation de travaux d’économie d’énergie ». Et que la loi Climat et Résilience* exclura les passoires énergétiques du marché locatif. De quoi largement inciter les propriétaires bailleurs à financer la rénovation de leur logement, s’ils en ont les moyens.
En réalisant des diagnostics de performance énergétique, l’escroc peut conseiller à son client une entreprise de confiance - la sienne - pour réaliser les travaux. Et puisque l’on n’est plus à une arnaque près : il peut fortement inciter le client à se lancer dans les travaux en dégradant la note du DPE par rapport aux performances réelles du logement. Si l’on pousse la logique encore plus loin : les travaux n’auront pas besoin d’être d’une grande qualité pour permettre d’améliorer grandement la note du DPE…
Escroquerie aux aides publiques
« Actuellement, nous observons une forte hausse des éco-délinquants sur la qualification RGE relative à l’audit énergétique, nous indiquait Eric Jost, directeur de Qualibat dans le cadre de notre enquête sur « les escrocs de la réno ». 90% des dossiers ont été refusés lors de la dernière commission d’examen de décembre 2022. »
Reconnaissons à notre entrepreneur véreux son sens des affaires. Il a eu le nez creux en escroquant l’un de ses concurrents quelques années plus tôt. « Ce monsieur m’a commandé plusieurs audits énergétiques en vue de réaliser des travaux de rénovation globale chez ses clients, commence notre source. Malheureusement, je lui ai transmis les audits au format PDF. Quelques temps plus tard, j’ai appris qu’il a obtenu la qualification « OPQIBI 1905 ». Pour l’obtenir, il faut remplir tout un dossier et y inclure trois audits de moins de trois ans. Une fois la qualification en poche, il a été inscrit à l’annuaire France Renov’. » L’escroc aurait ensuite réalisé des audits, qui ont généré des travaux chez les particuliers, en partie financés par les aides publiques, comme MaPrimeRenov’.
*Interdiction de la mise en location des logements « G » en 2025, « F » en 2028 et « E » en 2034. L’interdiction est effective à la première location du logement (suite à une acquisition) ou à la relocation (dans le cadre du renouvellement du bail).