Jurisprudence

ASSURANCES Attention aux clauses d’exclusion illicites!

Le contrat entre l’assureur et le constructeur doit déterminer correctement et d’une manière certaine, d’une part, la nature et l’étendue de la garantie et, d’autre part, les risques couverts. Or, souvent, l’insertion de clauses d’exclusion est susceptible, si l’on n’y prend pas garde, de créer une incertitude pour l’assuré sur les limites de sa garantie. De nombreuses formules sont ainsi frappées de nullité.

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Le Code des assurances pose clairement, dans ses articles L.113-1, L. 122-4, L. 243-8 et A. 243-1, les conditions de forme et de fond qui doivent être impérativement respectées dans tout contrat d’assurance. La jurisprudence applique ces conditions avec beaucoup de rigueur, d’autant que c’est l’assureur, professionnel de l’assurance, qui rédige les clauses.

Ces conditions ont pour objectif essentiel de permettre à l’assuré de mesurer très exactement l’étendue de sa couverture d’assurance en comparant les définitions de ses garanties avec les exclusions qui viennent en limiter la portée. Dès lors que la présentation ou la réduction d’une exclusion est susceptible de causer à l’assuré une incertitude entre ce qui est garanti et ce qui ne l’est pas, la clause est nulle et non avenue, et ne peut pas être opposée à l’assuré.

Il résulte de cette règle que:

l L’assureur doit prouver que l’exclusion a bien été portée à la connaissance de l’assuré avant ou au plus tard lors de la souscription du contrat.

l Les exclusions doivent être claires et apparentes : elles doivent être qualifiées d’exclusions, se détacher du reste du texte par une typographie différente, et ne pas être noyées dans un ensemble de caractères ou de couleurs différentes de nature à disperser l’attention du lecteur.

l Ces clauses doivent être précises, intelligibles et formellement limitées. Elles ne doivent pas être sujettes à interprétation. Elles ne peuvent vider de sa substance la garantie par leur multiplicité ou par une rédaction trop large, ce qui serait par exemple le cas du contrat RC d’une entreprise ayant pour objet des études de sol, excluant les dommages atteignant les ouvrages réalisés à partir des études de l’assuré (Cass. Civ. 1re, 4 novembre 1992). Il en est de même pour les clauses qui emploient l’adverbe « notamment », qui est par excellence non limitatif. Ne sont pas valables les exclusions des conditions générales se rapportant précisément au risque pris en charge dans les conditions particulières (Cass. Civ. 1re, 20 mars 1989).

l L’assureur ne peut plus faire état d’exclusions, même valables, lorsqu’il a renoncé à s’en prévaloir, soit formellement, soit tacitement par le fait qu’il défend l’assuré en justice en connaissance de cause, qu’il paie une indemnité et qu’il participe à une expertise sans émettre aucune réserve.

Les exclusions dans les contrats de responsabilités professionnelles*.Il s’agit des garanties qui couvrent les entreprises pour tous les travaux autres que ceux visés par les textes sur les assurances obligatoires, que ces contrats soient distincts ou qu’il s’agisse de garanties optionnelles ajoutées au socle des garanties obligatoires. Les exclusions de ces contrats ont donné naissance à de nombreux litiges, les tribunaux frappant de nullité bon nombre de formules portant sur la façon dont le travail est effectué, sur les procédés de réalisation des travaux ou sur l’inobservation des règles de l’art. De façon générale, sont nulles les clauses se référant à des notions génériques de « faute » de « réglementation en vigueur », de « règles de l’art », de « normes » indéterminées.

Il en résulte, à titre indicatif, que sont nulles les clauses d’exclusion portant sur:

– les travaux non conformes aux travaux de techniques courantes (Cass. Civ. 3e, 21 février 1990) ;

– le défaut d’entretien ou le manque de réparations indispensables à la sécurité ;

– les conséquences inévitables et prévisibles, compte tenu des modalités d’exécution du travail, ou les opérations délibérément entreprises en infraction avec les textes réglementaires.

Pour être valables pour ce type de contrats, outre les principes généraux à respecter, ces clauses d’exclusion doivent se référer à des faits très circonstanciés, à des obligations définies avec précision, de telle sorte que l’assuré puisse identifier les documents techniques visés pour être capable de les connaître et de les respecter. Ainsi, seront considérées comme valables les clauses visant des travaux : effectués en dépit des réserves formulées et maintenues par le client ou les organismes de contrôle ou de sécurité ; ceux résultant d’un fait délibéré et conscient en violation des règles de l’art ou des consignes de sécurité dans les documents techniques édités par les organismes compétents à caractère officiel ou professionnel (Cass. Civ. 1re, 30 octobre 1995).

Les exclusions dans les contrats obligatoires des travaux de construction.Ceci vise les exclusions introduites dans la partie des contrats concernant les assurances obligatoires construction (dommages ouvrage et décennale) dont le champ d’application est défini par l’article L. 241-1 du Code des assurances et notamment, pour les nouveaux marchés, par l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005.

Le principe, d’ordre public, est simple : Les parties au contrat ne peuvent pas restreindre le champ d’application de ces assurances obligatoires, et les contrats, quelle que soit leur rédaction, sont réputés comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues à cet effet par l’article A.243-1 du Code des assurances et ses annexes.

Ces dispositions, dans leur intégralité, doivent nécessairement être jointes aux contrats. Elles énumèrent de façon limitative les seules exclusions possibles qui visent les dommages résultant exclusivement du fait intentionnel de l’assuré, des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de son usage anormal, des causes étrangères et de l’inobservation inexcusable des règles de l’art, telles qu’elles sont définies par les réglementations en vigueur, les documents techniques unifiés (DTU) ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux concerné.

Ces exclusions se rapprochent toutes de l’idée d’absence d’aléa dont l’existence relève de la nature même du contrat d’assurance. Ceci amène plusieurs observations importantes:

l Sur la déclaration des activités déclarées : Rappelons que la portée complète de la garantie obligatoire ne joue que pour l’activité déclarée. Les désordres résultant d’une activité non déclarée sont évidemment exclus, même si cette activité relève de l’assurance obligatoire.

Par exemple, une entreprise qui déclare se livrer à tous travaux de fumisterie à l’exclusion de la pose d’inserts, n’est pas couverte en cas d’incendie trouvant son origine dans le fonctionnement d’un insert posé par elle (Cass. Civ. 3e, 17 décembre 2003, n°00-21320). De même, un entrepreneur qui déclare se livrer à des activités de promoteur de maisons individuelles n’est pas garanti pour la promotion d’un immeuble restauré et transformé en immeuble collectif (Cass. Civ., 1re, 18 décembre 2001, n°98-195 84).

l Sur les engagements contractuels allant au-delà des obligations légales : si ceux-ci sont exclus, il faut rechercher si les dommages résultent de ces engagements exorbitants du droit commun (auquel cas ils sont exclus), ou s’ils entrent dans le champ de la responsabilité légale (auquel cas ils doivent être garantis, au titre de l’assurance obligatoire). La même solution s’impose dans les contrats de responsabilité civile professionnelle.

l Sur la nature du contrat liant l’assuré : les clauses de garantie limitées aux seuls travaux réalisés dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage sont nulles lorsqu’elles restreignent l’étendue de l’assurance obligatoire en matière de construction, si celle-ci est exigée, même dans le cadre d’un autre contrat, tels les travaux réalisés par une entreprise sur un immeuble lui appartenant et revendu après achèvement.

Ainsi, l’analyse de la jurisprudence prouve qu’il convient d’être très circonspect lors de l’établissement des contrats, de ne pas perdre de vue le domaine des exclusions lorsqu’on est dans l’action et de vérifier sérieusement le bien fondé d’un refus de garantie lors d’un sinistre.

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