Comment recycler les 65% de déchets du bâtiment non valorisés ? Cette question fut le fil rouge du parcours Recyclez! lors de la 2e édition de Bâtir pour le climat, organisé le 7 décembre au Parc des princes à Paris. Six conférences où se sont succédé entrepreneurs, éco-organismes et assureur, avec la volonté commune de partager leurs réflexions et innovations sur ce chantier. Six mois après la mise en place de la responsabilité élargie du producteur (la REP), beaucoup reste à construire : en France chaque année, seulement 35% des déchets du bâtiment sont recyclés et 1% réutilisés, sur 46 millions de tonnes produites.
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La REP, premier bilan
C’est bien sûr la REP, avec ses six mois d’existence, qui a ouvert les présentations. « L’axe de développement principal est d’accélérer le tri à la source », explique Rami Jabbour, directeur marketing et communication chez Valobat. Depuis le 18 octobre dernier, l’éco-organisme peut être contacté pour retirer les déchets sur les chantiers. L’enjeu est désormais de pouvoir récolter le plus de déchets possible sur place : « Nos équipes se concentrent sur la sensibilisation au tri, explique Rami Jabbour, car c’est très compliqué de recycler les déchets mélangés. »
En plus de la collecte directement sur les chantiers, les éco-organismes poursuivent la mise en place des points de collectes, « qui s’adressent plus aux petits chantiers », précise Rami Jabbour. 800 points ont été installés cette année par Valobat, 340 par Ecomaison. Ce maillage rapide devrait s’intensifier encore plus l’année prochaine : « On vise 3 000 point de collecte en 2024 et 300 000 tonnes de déchets récoltés, souligne Louis-Paul Laclaire, directeur général de l’éco-organisme Ecomaison. Pour l’instant, la fréquentation de ces points et le volume de déchets collectés reste modeste parce que ça ne fait que six mois, mais on attend une progression très élevée. »
Des dispositifs en constante évolution, auxquels doivent s’adapter les prestataires déjà existants. Avant la REP, plus d’un million de tonnes de déchets étaient déjà récoltées par les membres du Syndicat des Entreprises de Déconstruction, Dépollution et Recyclage (SEDDRe). Des prestataires qui restent référencés et cohabitent avec les nouveaux acteurs. « Il n’y a bien sûr aucune volonté de déstabiliser les acteurs en place », précise Louis-Paul Laclaire d’Ecomaison.
Le recyclage en pratique
Au sein de ces dispositifs, quelles sont les solutions industrielles pour le recyclage ? Plusieurs cas concrets ont été évoqués au fil des conférences, à l’image de Saint-Gobain Solutions France : l’exemple d’un industriel qui a développé lui-même ses propres filières de recyclage. « Nous produisons des vitrages réalisés à partir de calcin, qui sont intégrés à la production de Saint-Gobain », détaille Maïté Ketterrer, directrice économie circulaire. 2 700 tonnes de calcin ont ainsi été intégrés à la production en 2022. « Une production que l’on souhaite massifier, précise la directrice, car sur les chantiers, le gisement estimé est de 200 000 tonnes. » Saint-Gobain recycle aussi le plâtre (80 000 tonnes en 2022), broyé puis réintégré dans sa production. Leurs laines de verre sont quant à elles composées de 40% de laine recyclée.

Outre le recyclage des matières premières, la décarbonation du bâtiment peut passer par la réutilisation de produits en dehors de la filière. C’est ce que montre l’exemple de l’isolation thermique par l’exérieur (ITE) conçue conjointement par l’industrie d’ITE Myral et par le fabricant d’isolant à partir de matières recyclées Armacell. « On s’est demandé s’il n’y avait pas un produit déjà fabriqué qui pourrait être intégré dans le notre », résume Julien Bagnard, directeur Myral. Résultat, 50% de déchets (bouteilles, cannettes, PVC) composent l’isolant des deux industriels.

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Les défis de la recherche
Les solutions industrielles de recyclage restent cependant à trouver pour les produits composites. « Le recyclage fonctionne bien surtout pour les mono-matériaux comme le plâtre, le béton, le bois… » rappelle Rami Jabbour de Valobat. Un problème sur lequel se penchent les éco-organismes, à l’image du travail recherche et développement d’Ecomaison sur la résine PVC. « Les vieux sols en PVC souple ont beaucoup d’additifs comme des phtalates, aujourd’hui interdits, qui entravent totalement leur recyclabilité », explique Gwendal Michel, responsable recherche recyclage et valorisation chez Ecomaison. On compte ainsi près de 30 000 tonnes de sols en PVC souple, sans solution de recyclage. Ecomaison a donc lancé un appel à projet pour l’extraction de ces composants nocifs, qui devrait se concrétiser en 2024.
Avec 1% seulement de matériaux réutilisés, le dernier enjeu à travailler est le réemploi. « On part de très bas » assume Rami Jabbour de chez Valobat. Poussé par l’objectif des pouvoirs publics de hausser ce chiffre à 4% d’ici 2027, l’éco-organisme travaille à créer un marché solide. « On veut que les maîtres d’ouvrage demandent des matériaux issus du réemploi, explique Rami Jabbour. Et pour cela, il faut structurer une offre : il faut des produits avec les bonnes assurances et les bonnes performances. » Une piste de plus pour installer durablement la REP dans le secteur du bâtiment.
Le point de vue de l’assureur
« Comment on assure un matériel qui a déjà vécu ? » En clôture du parcours Recyclez!, le courtier en assurance Arnaud Favorel, référent « éco- construction » chez Verspieren, a évoqué les défis intrinsèques à l’assurance de ces nouveaux produits, autant dans le recyclage que dans le réemploi. Selon lui, on reste au stade de l’expérimentation aujourd’hui, « c’est une logique de cas par cas : on étudie le chantier, l’activité, etc. » Malgré tout, ces sujets avancent, avec une liste de 29 matériaux sortie par le CSTB facilement assurable. Verspieren travaille sur la question, mais le chemin reste encore long : « Aujourd’hui, la majorité des matériaux de réemploi assurés proviennent du second œuvre et sont inertes. »