Décryptage

Ce que prévoit la loi énergie-climat

La loi du 8 novembre 2019 affine le cadre applicable à l'évaluation environnementale et encourage l'essor de l'énergie solaire. Décryptage.

 

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Après avoir franchi le cap du Conseil constitutionnel (1), la relative à l'énergie et au climat est parue au « Journal officiel » du 9 novembre.

Outre les mesures concernant notamment la politique et la régulation énergétiques, la fraude aux dispositifs de certificats d'économie d'énergie et la lutte contre les « passoires thermiques », et la consécration législative du Haut conseil pour le climat, le texte comporte des dispositions dont l'objectif est d'accélérer le développement de la production d'énergie solaire.

A cet égard, le dispositif, régi par le Code de l'urbanisme, qui prévoit des exigences d'installation de procédés de production d'énergies renouvelables ou de systèmes de végétalisation sur les constructions soumises à autorisation d'exploitation commerciale (AEC) est étendu et renforcé.

De façon moins évidente au regard de son objet, la loi comporte également plusieurs mesures relatives à l'évaluation environnementale, en distinguant désormais, pour les projets, l'autorité qui sera chargée de l'examen au cas par cas et l'autorité environnementale.

L'évaluation environnementale remodelée

L' (C. env. ), transposant la modifiée du 13 décembre 2011 relative à l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, prévoit que les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet, en fonction de critères et de seuils, d'une évaluation environnementale.

Cette dernière est un processus requérant essentiellement une étude d'impact élaborée par le maître d'ouvrage, diverses consultations dont celles du public et de « l'autorité environnementale » (AE) sur la demande d'autorisation, et la prise en compte de l'ensemble de ces éléments par l'autorité compétente.

Censure du Conseil d'Etat. Depuis 2016, l' prévoyait que l'AE pouvait être le ministre chargé de l'environnement, la formation d'AE du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) du CGEDD ou le préfet de région. Pour rappel, les trois derniers décrets ayant modifié cet article ont été censurés par le Conseil d'Etat car ils avaient maintenu le préfet de région en qualité d'AE sans prévoir de dispositif garantissant l'autonomie de cette autorité et l'objectivité de son avis lorsqu'il était en même temps compétent pour autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage (2).

Autorité de police administrative. L'évaluation environnementale peut par ailleurs être systématique ou décidée après un examen au cas par cas. Jusqu'à présent, cet examen relevait des compétences de l'AE. Il était toutefois confié à l'autorité de police administrative (le plus souvent le préfet de département) dans deux hypothèses : d'une part, lorsque le projet porte sur la création d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) soumise à enregistrement (1° du tableau annexé à l' ) ; et, d'autre part, depuis la loi dite « Essoc » n° 2018-727 du 10 août 2018 (IV de l'), lorsque le projet consiste en une modification ou une extension d'activités, installations, ouvrages ou travaux soumis à autorisation environnementale (art. L. 181-1 du même code), à enregistrement au titre des ICPE (at. L. 512-7), à autorisation de construction et d'exploitation de certaines canalisations de transport (art. L. 555-1) ou à autorisation de création d'une installation nucléaire de base (art. L. 593-7).

Sur les projets, l'autorité environnementale n'a plus qu'une mission consultative.

Autorité chargée de l'examen au cas par cas. L'article 31 de la loi relative à l'énergie et au climat généralise ce mouvement puisqu'il prévoit (en modifiant les articles et du C. env. ) que l'examen au cas par cas sera désormais effectué, non plus par l'AE mais par « l'autorité chargée de l'examen au cas par cas ».

L'étude d'impact du projet de loi justifie la nécessité « de clarifier la distinction entre les différentes autorités, l'une qui prend des décisions (de soumettre ou non le projet à évaluation environnementale), l'autre devant seule être qualifiée d'autorité environnementale, qui rend des avis », par les « besoins de stabilité et de clarté des porteurs de projets ». L'étude d'impact précise encore qu'il pourrait s'agir, respectivement, des services du préfet de région et des MRAE.

Dans son premier avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat relève qu'un tel mécanisme est conforme à la puisque celle-ci n'impose pas aux Etats membres de confier l'examen au cas par cas à l'AE (3).

Cette réforme devrait permettre d'accélérer le traitement des examens au cas par cas et l'émission des avis de l'AE, en recentrant cette dernière sur sa seule mission consultative. La réforme est toutefois limitée aux projets, puisqu'en matière de plans et programmes, l'examen au cas par cas reste confié à l'AE.

Conflit d'intérêts. Dans le sillage de ce que prévoit déjà l'article 9 bis de la précitée, il est ensuite ajouté, à l' , un V bis énonçant : « L'autorité en charge de l'examen au cas par cas et l'autorité environnementale ne doivent pas se trouver dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts. A cet effet, ne peut être désignée [...] une autorité dont les services ou les établissements publics relevant de sa tutelle sont chargés de l'élaboration du projet ou assurent sa maîtrise d'ouvrage ». Un décret en Conseil d'Etat viendra en préciser les conditions de mise en œuvre. Cet ajout complète utilement la distinction faite, et devrait être l'occasion de corriger l'article R. 122-6 du code pour tenir compte des annulations prononcées par les sages du Palais-Royal.

ICPE soumises à enregistrement. Pour mémoire, l'annexe III de la énumère, en trois catégories, les critères à prendre en considération dans le cadre d'un examen au cas par cas : caractéristiques du projet ; localisation ; impact potentiel. Dans le cas des ICPE soumises à enregistrement, les modalités de cet examen sont fixées par l' , qui confie cette tâche au préfet de département. Il était toutefois reproché à cet article de ne renvoyer qu'aux critères relatifs à la localisation. L'article 34 de la loi le modifie donc, afin qu'il impose désormais explicitement au préfet de prendre en compte l'ensemble des critères visés à l'annexe III de la directive précitée. Relevons toutefois que, dans l'intervalle, le Conseil d'Etat a jugé que les textes existants devaient de toute façon déjà être interprétés en ce sens (4).

PPRT. Par ailleurs, concernant les plans/programmes, l'article 31 de la loi valide les arrêtés portant prescription ou approbation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) « en tant qu'ils sont ou seraient contestés par un motif tiré de ce que le service de l'Etat qui a pris [...] la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale ne disposait pas d'une autonomie suffisante par rapport à l'autorité compétente de l'Etat pour approuver ce plan ».

Quant à l'article 35 de la loi, curieusement inséré dans le chapitre sur l'évaluation environnementale, il modifie l' afin de permettre au préfet d'accorder des dérogations aux interdictions et prescriptions fixées par les PPRT pour permettre l'implantation d'installations de production d'énergie renouvelable.

Régularisation en cours d'instance. L'article 32 de la loi ajoute un article L. 191-1 au Code de l'environnement, qui institue, pour les plans et programmes soumis à évaluation environnementale, un mécanisme de régularisation en cours d'instance.

Ainsi, si le juge administratif estime, après avoir constaté que les autres critiques ne sont pas fondées, qu'une illégalité entachant l'élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il pourra, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixera et pendant lequel le plan ou programme restera applicable. Si la régularisation intervient dans ce délai, elle sera alors notifiée au juge, qui statuera après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Cette possibilité, inspirée de ce que prévoit déjà l' (C. urb. ) pour les documents d'urbanisme, est évidemment bienvenue compte tenu du temps nécessaire à l'élaboration ou à la modification de ces documents.

Favoriser l'essor des énergies solaires

La loi énergie-climat comprend par ailleurs plusieurs dispositions modifiant le Code de l'urbanisme. Issues d'amendements, ces mesures visent essentiellement à mettre en œuvre le plan « Place au soleil » dont l'objet est l'accélération du développement du solaire.

Infrastructures le long des routes. En premier lieu, en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de largeur variable le long des grands axes routiers, sous réserve de plusieurs dérogations énumérées à l'article L. 111-7 du C. urb. Sont dorénavant ajoutées à ces exceptions les « infrastructures de production d'énergie solaire lorsqu'elles sont installées sur des parcelles déclassées par suite d'un changement de tracé des voies du domaine public routier ou de l'ouverture d'une voie nouvelle ou sur les aires de repos, les aires de service et les aires de stationnement situées sur le réseau routier » (art. 44 de la loi).

Aires de stationnement. L'article L. 111-16 du même code vise, lui, à encourager l'installation de dispositifs favorisant la production d'énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants d'un immeuble. Les autorisations d'urbanisme ne peuvent s'y opposer et ne peuvent que comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet. L'article 45 de la loi modifie ce texte et prévoit que les dispositifs concernés comprennent également ceux « installés sur les ombrières des aires de stationnement ».

Par ailleurs, l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme pourra dorénavant déroger aux règles des PLU relatives à l'emprise au sol, à la hauteur, à l'implantation et à l'aspect extérieur des constructions afin de permettre « l'installation d'ombrières dotées de procédés de production d'énergies renouvelables situées sur des aires de stationnement » (art. L. 152-5 du C. urb. - art. 48 de la loi).

Végétation et panneaux solaires devront coiffer au moins 30 % des nouveaux parkings et grandes surfaces commerciales.

Nouvelles exigences. Enfin, pour les projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale, l' conditionnait la construction de nouveaux bâtiments à l'obligation d'intégrer sur les toitures, soit des procédés de production d'énergies renouvelables, soit un système de végétalisation.

L'article 47 de la loi crée un nouvel article L. 111-18-1 dans ledit code visant à généraliser et renforcer ce type d'exigences : ainsi, lorsqu'elles créent plus de 1 000 m² d'emprise au sol, les nouvelles constructions soumises à AEC (au titre des 1°, 2°, 4°, 5° et 7° de l') et les nouvelles constructions de locaux à usage industriel ou artisanal, d'entrepôts, de hangars non ouverts au public faisant l'objet d'une exploitation commerciale, ainsi que les nouveaux parcs de stationnement couverts accessibles au public, ne peuvent être autorisés que s'ils « intègrent soit un procédé de production d'énergies renouvelables, soit un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d'efficacité thermique et d'isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, soit tout autre dispositif aboutissant au même résultat et, sur les aires de stationnement associées [...], des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l'infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ». Ces dispositifs devront être réalisés sur les toitures du bâtiment ou sur les ombrières surplombant les aires de stationnement sur une surface au moins égale à 30 % de la toiture du bâtiment et des ombrières ainsi créées.

Mais cette obligation n'est pas absolue : l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme pourra notamment l'écarter en cas de difficulté technique insurmontable ou ne pouvant être levée dans des conditions économiquement acceptables, ou bien encore lorsque le projet est situé aux abords d'un monument historique. Cette règle sera adaptée aux ICPE par arrêté ministériel.

Si l'intention du législateur est louable, on peut notamment regretter l'absence d'entrée en vigueur différée de la loi, le texte s'appliquant aux demandes d'autorisation déposées à compter de sa publication.

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