Décryptage

Classement 2023 des promoteurs : la crise ne les chahute pas tous

Derrière un trio de tête secoué, certains décrochent et paient leur exposition à la vente au détail de logements. D'autres résistent, voire tirent leur épingle du jeu, grâce à un positionnement particulier.

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A Reims (Marne), la réhabilitation par Nexity de l’hôtel Ponsardin, ensemble du XVIIIe siècle en partie classé, pour y créer 62 logements, illustre le virage du groupe vers la régénération urbaine.

La chute des réservations de logements neufs, de 23% l'an dernier par rapport à 2022, se ressent chez les 20 premiers promoteurs immobiliers de France. Notre classement, qui repose sur leur chiffre d'affaires (CA) consolidé, met en lumière les difficultés rencontrées par les acteurs nationaux, y compris les poids lourds tels que Nexity, Altarea et Bouygues Immobilier, qui « composent néanmoins le même podium depuis 2019 », observe Laurent Bouby, associé de la société d'audit Grant Thornton.

Le trio de tête présente un chiffre d'affaires cumulé de 7,6Mds€, contre 8,8Mds€ en 2020, dernière « annus horribilis » selon les professionnels. Pour les leaders, 2023 a donc été pire que l'année Covid, marquée par les confinements qui avaient ralenti les travaux et la commercialisation.

La vente en bloc comme rustine

A l'échelle du top 20, les promoteurs réalisent un CA inférieur à 20Mds €, au plus bas depuis 2018. A l'époque, les clients particuliers s'endettaient sur vingt-cinq ans avec un taux moyen inférieur à 2%, contre 4% en fin d'année dernière. Amplifiée par la rapide hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne, répercutée par les banques, « la crise de la demande a fait souffrir les plus exposés au marché résidentiel », souligne Laurent Bouby.

C'est notamment le cas du groupe Pichet, dont la totalité du CA, hors maîtrise d'ouvrage déléguée par sa foncière tertiaire, provient du logement. Les filiales immobilières des majors Eiffage et Vinci affichent également une décroissance à deux chiffres. Icade et Kaufman & Broad comptent parmi les rares exceptions. Ce dernier a notamment connu une croissance non pas grâce au résidentiel, sa principale activité, mais à une méga-opération mixte en cours à Paris.

Classement promoteurs top 20 édition 2024 résultats 2023

Contrairement à ce qui a été publié dans notre Top 20 des promoteurs français du 21 juin 2024 (« Le Moniteur » n° 6305, p. 8), Pierreval ne se classe pas en 20e position. Cette place revient à Demathieu Bard Immobilier.

Incontournable rustine en cas de difficultés de commercialisation au détail, la vente en bloc a permis de limiter la casse pour beaucoup. Elle a représenté « jusqu'à 80-90% des réservations chez les acteurs ayant conforté ce segment, contre un tiers pour l'ensemble des promoteurs interrogés », relève Samuel Depraz, directeur de la recherche au sein de l'Ecole supérieure des professions immobilières (Espi).

Comme en 2020, les bailleurs sociaux et intermédiaires ont acheté les lots qui n'auront pas trouvé preneur chez les ménages, désolvabilisés et/ou refroidis par l'extinction du Pinel en décembre prochain. En témoigne l'entrée en scène des groupes Action Logement et CDC Habitat, dont les commandes ont atteint respectivement 30 000 et 17 000 logements l'an dernier. « L'urgence était d'écouler l'ancien stock de logements imaginés avant la remontée des taux et donc aujourd'hui trop chers pour les particuliers, analyse Laurent Bouby. Cette solution a permis de faire entrer un peu de cash et de se concentrer sur de nouveaux programmes, en phase avec la demande actuelle. »

Le bon filon des résidences gérées

Malgré la morosité ambiante, certains promoteurs ont marqué des points en 2023. Avec une croissance globale de +22% sur un an, elle-même portée par une activité résidentielle insolente (+69%), Adim, filiale de Vinci Construction, a fait un carton. Ses logements gérés sont vendus en bloc comme les logements conventionnés, mais plus cher, à condition que le programme présente un volume important. Comptez au moins 100 lits dans le cas d'une résidence en coliving, un produit rentable aux yeux des investisseurs institutionnels.

Le résidentiel haut de gamme résiste bien aussi avec Emerige, présent en Ile-de-France et sur la Côte d'Azur, ou GreenCity Immobilier, dont le CA reste stable. D’autres acteurs, orientés moyenne gamme, se démarquent. Le groupe Réalités, qui n’avait pas participé aux précédentes éditions, fait son entrée dans notre classement avec une croissance de 3%. Demathieu Bard Immobilier, dont le CA a progressé de 3% également, reste en 20e position. La filiale du groupe de construction éponyme devance Ogic, qui quitte notre palmarès. Le promoteur, qui dépend à 95% du résidentiel, déclare la plus forte décroissance de CA (-41%).

La rénovation et la réhabilitation séduisent

Les opérateurs chahutés par la chute de la demande de bureaux neufs, comme Sogeprom, Quartus ou encore BNP Paribas Real Estate, se retrouvent de fait moins engagés sur ce segment et se consacrent davantage à leurs activités liées au marché résidentiel. En parallèle, Adim, Altarea ou encore Emerige lorgnent, quant à eux, sur le tertiaire haut de gamme, en particulier l'hôtellerie, et les équipements de niche : pôles ferroviaires, lieux culturels… « Ces acteurs ont résisté grâce à de grandes opérations d'aménagement tertiaire diversifiées », résume Samuel Depraz.

Enfin, le marché prometteur de la régénération urbaine semble séduire malgré ses contraintes administratives, politiques et techniques. « Le quart des acteurs du top 20 a choisi de diversifier ses actions en direction de la rénovation et la réhabilitation du bâti, y compris au sein d'une opération de promotion, ce qui permet de récupérer dans ce dernier cas du foncier en densification », commente le chercheur. Les 76 sites de Carrefour que Nexity doit transformer ces prochaines années constituent à cet égard une importante réserve. Idéale pour rebondir.

 

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Focus sur les résultats dans le tertiaire - Kaufman & Broad fait une entrée fracassante

Sur le marché tertiaire, les 10 premiers promoteurs de France présentent un CA cumulé stable sur un an.

Mais la hiérarchie a été chamboulée. Si Nexity reste en tête, Adim perd une place au profit de Kaufman & Broad qui retrouve le top 10. L'entrée de cash générée par son projet mixte parisien Austerlitz A7A8 y est pour beaucoup. Le groupe récolte également les fruits de sa diversification vers la logistique. En légère progression, Crédit Agricole Immobilier rejoint notre palmarès. En décroissance, BNP Paribas Real Estate et Sogeprom le quittent. A noter que les acteurs friands de logistique comme Altarea et Quartus déclarent beaucoup plus de mètres carrés lancés que leurs homologues positionnés uniquement sur le bureau.

Enfin, seulement quatre promoteurs qui s'illustrent sur ce marché cyclique communiquent leur carnet de commandes. Ils étaient six l'an dernier.

Top 10

Focus sur les résultats dans le résidentiel - Chiffres d'affaires et carnets de commandes en baisse

Illustration de la crise de la demande qui s'est accentuée en 2023 : le chiffre d'affaires (CA) cumulé des 10 poids lourds du logement neuf baisse de 2Mds€ sur un an. A l'exception du réseau Procivis, dont les coopératives proposent des biens en accession sociale ou libre, les membres du top 10 déclarent un CA en baisse. Et à deux chiffres pour six d'entre eux.

Le recours à la vente en bloc aux bailleurs professionnels n'a pas suffi. Chez Altarea, historiquement tourné vers les particuliers occupants et investisseurs, ce mode de commercialisation est devenu majoritaire au regard du volume total de ses réservations. Hormis chez Icade, les carnets de commandes annoncés ont fondu par rapport à l'an dernier. Le backlog du leader Nexity recule de 12%. Celui de Bouygues Immobilier, qui représente moins d'un an d'activité, chute de 35%.

Top 10

Des effectifs qui s'adaptent à la décroissance du marché

Débutée en 2022, la baisse des ventes de logements a entraîné l'an dernier une réduction de la masse salariale chez 15 des 20 principaux promoteurs français. « Les leaders du marché, qui couvrent tous les secteurs d'investissement possibles, sont affectés par des effets de structure et d'échelle », note Samuel Depraz, de l'Ecole supérieure des professions immobilières (Espi). D'où « des réorganisations internes et des clarifications de choix stratégiques en cours », observe-t-il.

C'est le cas notamment de Nexity, engagé dans un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui vise à améliorer sa profitabilité à partir de 2025. Par ailleurs, sur les 440M€ attendus de la cession de ses agences immobilières, 400 M€ seront utilisés pour diviser par deux la dette nette du groupe. Dans le même temps, le numéro un français mise sur sa nouvelle marque dédiée à la régénération urbaine, Nexity Héritage, pour retrouver le chemin de la croissance.

De nouveaux ajustements en 2024. Le bout du tunnel étant encore lointain, les promoteurs doivent poursuivre leurs ajustements. Les plans sociaux en cours en sont une illustration. Bouygues Immobilier, dont l'activité repose à 97 % sur le résidentiel, compte ainsi réduire de -17% ses effectifs cette année, après -12% en 2023. En excluant les 110 recrutements prévus pour l'exploitation de résidences gérées, son deuxième métier, Vinci Immobilier vise -21%, après -11%. De son côté, Sogeprom, dont la légère progression du CA résidentiel en 2023 n'a pas compensé le net ralentissement de son activité tertiaire, compte supprimer 43 postes, après en avoir créé sept l'an dernier. Chez Réalités, l'un des premiers à avoir quantifié l'effort à fournir pour tenir le choc, la majorité des 150 départs annoncés par son dirigeant sont effectifs depuis début 2024.

Si la moitié des promoteurs interrogés ne communiquent pas leurs prévisions, Demathieu Bard Immobilier, stimulé par la réhabilitation, GA Smart Building, spécialiste du hors-site, LP Promotion, tourné vers les résidences gérées, et Uniti, expert de la vente en bloc, sont les seuls à annoncer des créations nettes en 2024.

Méthodologie

Notre palmarès est établi à partir du chiffre d'affaires (CA) consolidé hors taxes (HT), issu uniquement de la promotion immobilière.

Réalisé en France et déclaré par des sociétés cotées, indépendantes ou filiales d'un groupe, ce CA reflète leur activité économique lors de l'année écoulée car il prend en compte l'avancement des ventes, hors maîtrise d'ouvrage déléguée.

Le nombre de salariés en équivalent temps plein (ETP) au 31 décembre correspond aux effectifs travaillant pour l'activité de promotion, hors fonctions support mutualisées avec d'autres filiales.

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