Comment assurer la continuité du service public, comment protéger efficacement les agents dont le télétravail n’est pas possible, comment gérer la proximité avec les élus locaux pour la signature des actes…? Autant de questions que se posent les collectivités, au premier rang desquels les services instructeurs des autorisations d’urbanisme qui doivent, vaille que vaille, continuer à exercer leurs missions. Petites ou grandes, les collectivités font face avec les moyens dont elles disposent.
De son côté, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la Cohésion des territoires travaille actuellement sur les dispositions à intégrer dans les futures ordonnances d’application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 adoptée définitivement le 22 mars. Objectif : permettre d’adapter provisoirement les délais liés aux autorisations d’urbanisme, tant pour les situations en cours depuis le début de la crise que pour celles à venir durant la période de confinement.
La dématérialisation totale, une force pour Paris
A Paris, depuis une semaine, la Direction de l’urbanisme tourne au ralenti et seuls certains services restent actifs a minima comme les permis de construire ou les réponses en cours aux déclarations d’intention d’aliéner. Mais « notre force, témoigne Claude Praliaud, son directeur, c’est notre système de dématérialisation totale. La plupart des agents sont équipés pour télétravailler et peuvent continuer à instruire les dossiers depuis leur domicile ».
Un bémol toutefois : la semaine dernière, un nombre réduit d’agents devait encore se rendre « au bureau chaque jour pour relever le courrier et réceptionner les dossiers qui arrivent encore par voie postale. Les demandes sont ensuite numérisées et instruites par voie dématérialisée. Nous avons privilégié les agents qui habitent à proximité et avons limité au maximum les interactions entre eux », indiquait Claude Praliaud. Mais, ce qui était en place la semaine dernière, ne l'est plus aujourd'hui : la Ville de Paris vient en effet d'indiquer que dorénavant, seuls les dossiers envoyés par téléprocédure seront traités.
Pas trop d’inquiétude non plus à Bessancourt, une commune valdoisienne de 7000 habitants qui a choisi, il y a quelques mois, d’externaliser - et donc de dématérialiser - une partie de l’instruction des demandes d’autorisation de construire. Pour les dossiers en cours, « cela ne modifie pas énormément notre manière de procéder, les agents peuvent travailler à distance. En revanche, le dépôt des dossiers continue, lui, de se faire sous format papier. Il a donc fallu se réorganiser ». Comment ? En assurant une « permanence physique ponctuelle en mairie pour enregistrer les demandes qui arriveraient encore. Quant aux services techniques dont la présence sur le terrain est indispensable, leur activité est certes ralentie mais ils continuent à être présents pour des missions d'astreinte et se protègent en portant des masques et des gants », explique le service urbanisme de la Ville.
%%ARTICLELIE:2081276%% Cesser l'instruction
D’autres collectivités, qui n’ont pas encore franchi le cap de la dématérialisation – cette dernière ne sera obligatoire que le 1er janvier 2022 - ne sont pas aussi sereines. Certaines d'entre elles ont même cessé l'instruction des dossiers. « Il faut s’adapter au jour le jour. L'absence de dématérialisation nous empêche de poursuivre le traitement des dossiers dans de bonnes conditions car l’instruction suppose des échanges de documents papiers entre élus et agents. Aussi, pour garantir cette protection, nous ne pouvons poursuivre l'instruction pendant la crise sanitaire », témoigne une responsable de service d'une ville de 20 000 habitants qui a souhaité rester anonyme.
Fermeture des services possible, pas de décision implicite
Sur ce point, le ministère de la Cohésion des territoires vient de publier un document d’aide à la prise de décision en date du 21 mars 2020. Relatif à la « continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire », il liste « les services chargés de recueillir les demandes d’autorisation d’urbanisme » au titre des services publics locaux facultatifs, jugés non essentiels, pouvant être fermés sur décision de l’autorité locale compétente.
Selon l’Association des maires de France (AMF), les services instructeurs devraient logiquement être inclus dans cette catégorie, eu égard aux difficultés d’instruction à distance. Cette note ajoute que « les services d’urbanisme pourront voir leur activité réduite dès lors que le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité d’un service ne génèrera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune ».
Gérer l’après-crise
Dans l’attente, les collectivités continuent à travailler. Et proposent des pistes de travail possibles pour le gouvernement. Ainsi, Arnaud Droal, responsable du pôle application du droit des sols à Metz Métropole (Moselle) estime qu’il serait opportun de suspendre ou prolonger « chacun des délais, et pas seulement les délais d’instruction, afférents à chaque étape du dossier, de l’enregistrement de la demande à la déclaration d’achèvement des travaux par le pétitionnaire, y compris les délais pour répondre aux demandes de pièces manquantes ». Mais également, prévoir une « période tampon pour gérer l'immédiat après crise et pouvoir traiter sereinement tant le stock existant que les dossiers qui ne manqueront pas d’affluer une fois le confinement levé ».
Les ordonnances sur lesquelles planche actuellement le gouvernement répondront-elles à toutes ces interrogations ? Les collectivités veulent y croire. Mais pour l’heure et afin de soulager les services, l’AMF invite les porteurs de projet, s’ils le peuvent, à retarder le dépôt de leur demande.