Covid, canicule : comment protéger les salariés

Dans un contexte sanitaire marqué par la pandémie, la panoplie des mesures classiques pour contrer les pics de chaleur continue de s'appliquer. Avec quelques nécessaires adaptations à la clé.

 

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Alors que l'été a fini par s'installer sur toute la France, la menace d'une quatrième vague de la pandémie de Covid-19 se rapproche. « Travailler par temps de canicule induit déjà des risques et des contraintes supplémentaires sur les chantiers du BTP, pointe Christophe Desplat, ingénieur conseil national en charge de la construction à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Mais les mesures de protection contre la contamination peuvent constituer des facteurs de complication, par exemple en cas de port du masque qui suscite gêne respiratoire, irritation cutanée aggravée par la transpiration… » Et réciproquement. « Quand le mercure grimpe, les salariés sont conduits à ôter leur masque mais aussi à boire plus souvent, et ainsi à risquer de porter les mains à la bouche », illustre Vincent Giraudeaux, dirigeant de l'entreprise de conseil en prévention Yséis.

« Qu'il s'agisse de sujets “ Covid ” ou “ canicule ”, les employeurs doivent commencer par l'évaluation des risques », note Michel Ledoux, avocat au cabinet Ledoux et associés. L'enjeu, en cas de températures élevées, est de prévenir la déshydratation, voire le coup de chaleur qui peut, dans les cas les plus graves, conduire au décès. D'après le bulletin « canicule » de Santé Publique France, 12 accidents du travail (AT) mortels -tous secteurs confondus -en lien possible avec des températures élevées ont été notifiés par l'inspection médicale du travail en 2020. Un chiffre à manier avec précaution. « Une analyse fine s'impose en matière d'AT, qui sont toujours multifactoriels, commente Vincent Giraudeaux. Il est délicat d'imputer à la chaleur la seule responsabilité d'un décès : des facteurs remontant à la veille du sinistre ou une mauvaise nuit peuvent aussi l'expliquer. » Les statistiques « AT » annuelles de la Cnam ne fournissent, elles, aucune donnée spécifique sur les malaises liés à la chaleur.

Un plan d'actions sur mesure. « Le BTP étant plus exposé au danger canicule que les autres secteurs, l'évaluation des risques doit être menée pour chaque chantier et non de manière générale, reprend Michel Ledoux. Il s'agit aussi de collaborer étroitement avec le référent Covid-19 de l'entreprise, sans se borner à recopier le guide de préconisations sanitaires de l'OPPBTP. L'idée est d'adopter un plan d'actions intelligent qui colle au travail réel. » Il ajoute que « l'employeur doit prévoir des mesures de protection particulières pour les salariés présentant des facteurs de fragilité connus par rapport aux fortes chaleurs et au coronavirus ». A ce titre, « les populations vulnérables sont en partie les mêmes concernant ces deux risques : les personnes âgées de plus de 65 ans, celles qui souffrent de maladies chroniques ou sont concernées par l'obésité, par exemple », précise Dominique Leuxe, médecin conseil national de l'OPPBTP.

Dans le contexte sanitaire actuel, la plupart des mesures habituelles pour faire face à une vague de chaleur continuent de s'appliquer : démarrer la journée plus tôt, fournir au moins trois litres d'eau par salarié chaque jour, limiter voire reporter les tâches physiquement exigeantes, ou encore éviter les activités à l'extérieur entre midi et 16 h, ainsi que le travail isolé. Les entreprises doivent toutefois prévoir des adaptations concernant la ventilation et la climatisation dans les lieux clos : bureaux, ateliers, bases vie, etc.

Réduire les manutentions manuelles. « En période de pandémie de Covid-19, il convient de favoriser le renouvellement de l'air et d'en limiter le brassage, explique le docteur Bernard Siano, chef du département études et assistance médicales à l'INRS. Les apports d'air neuf doivent être maintenus par ventilation mécanique, voire, si possible, un peu augmentés. » L'expert recommande aussi, dans les locaux occupés par plus d'une personne, « d'éviter si possible l'utilisation de ventilateurs, et de n'actionner la climatisation qu'en cas de nécessité pour assurer des conditions de travail acceptables ». Enfin, le recours à un ventilateur de grande taille au niveau du plafond doit être proscrit.

« Ces dernières années, nous avions pris l'habitude, sur les grands chantiers, de rapprocher les points d'eau des postes de travail, rappelle Vincent Giraudeaux. Cela permet d'éviter aux salariés des déplacements trop importants pour se désaltérer. Mais actuellement, les fontaines d'eau représentent des sources de contamination potentielles : mieux vaut miser sur la fourniture de bouteilles individuelles. » Il importe par ailleurs, quand le thermomètre s'affole, « d'adapter si possible l'organisation du travail pour réduire les cas où le masque est obligatoire », complète Michel Ledoux. Pour rappel, son port s'impose dans les lieux clos, et, à l'extérieur, uniquement en cas de regroupement, de travail à moins de 2 m d'une autre personne ou encore de doute sur la possibilité de respecter cette distance minimale.

Christophe Desplat, de la Cnam, plaide par ailleurs, auprès des entreprises et des maîtres d'ouvrage, « pour l'investissement dans des moyens communs permettant de mécaniser le port de charges lourdes, et de réduire ainsi au maximum les manutentions manuelles par fortes chaleurs. C'est le cas, sur un chantier de bâtiment, de la mise en place d'un ascenseur ou d'un monte-matériaux en extérieur. Mais les aménagements de ce type demeurent insuffisants. » Comme le rapporte de son côté Vincent Giraudeaux, « les risques encourus lors des pauses repas à l'intérieur en raison du retrait du masque, a fortiori avec un recours à la climatisation limité, ont incité les entreprises à créer des espaces extérieurs dédiés. » Exit les bancs de fortune bricolés à l'aide de palettes. « L'installation de tables et de parasols participe du bien-être, et pourrait contribuer à améliorer l'image du BTP. » Le prévente ure n est convaincu : « Ces aménagements vont rester sur les chantiers. » Encore un domaine où la crise sanitaire aura conduit le secteur à se réinventer.

« Anticiper pour réagir dès l'alerte de niveau 3 »

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« Avec la multiplication des pics de chaleur, nous avons rédigé nos propres protocoles de gestion de la canicule, afin d'offrir un cadre à nos conducteurs de travaux. Le mot d'ordre : anticiper.

 

Il s'agit, dès le niveau 2 ( ” avertissement chaleur “ ), de préparer des mesures compensatoires pour être prêts à réagir dès le déclenchement du niveau 3 ( ” alerte canicule “ ) : horaires décalés, rotations ou report de tâches, allègement de la charge de travail ou encore limitation des efforts physiques… Si ces mesures s'avèrent insuffisantes pour protéger la santé et la sécurité des salariés, un arrêt total ou partiel de l'activité peut être décidé. S'agissant de la gestion de la crise du Covid-19, nos protocoles sanitaires, régulièrement modifiés au gré des mises à jour du guide de l'OPPBTP, sont désormais parvenus à un niveau de maturité satisfaisant. Nous n'avons pas rencontré de difficultés pendant les périodes de canicule. Notre protocole prévoit la fourniture de bouteilles d'eau individuelles pour éviter toute contamination sur nos chantiers. »

 

Philippe Louppe, directeur QSE, groupe Legendre.

 

Un bracelet qui sonne l'alarme encas de coup de chaud

 

L'OPPBTP a récemment signé une convention de partenariat avec la start-up japonaise Biodata Bank, spécialisée dans l'e-santé. La jeune pousse, qui fait partie de l'accélérateur Santé Prévention du BTP, propose un bracelet intelligent destiné à éviter les coups de chaleur. L'innovation repose sur un capteur de flux thermique et un algorithme qui permettent de surveiller la température corporelle sans requérir de connexion de communication.

 

L'utilisateur est alerté par un signal lumineux et sonore lorsque sa température augmente de 1 °C.

 

Une expérimentation de l'outil est en cours avec 850 salariés au sein de 24 entreprises du secteur, afin d'en évaluer la fiabilité et la valeur ajoutée sur les chantiers. « Nous manquons d'informations sur les causes d'accidents liés aux fortes chaleurs dans le BTP, souligne Dominique Leuxe, médecin-conseil national de l'OPPBTP. Ce test est l'occasion d'enquêter auprès des salariés dont le bracelet a sonné (métier exercé, conditions de travail, circonstances d'un éventuel malaise…). »

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