« CPE, CEE : la question est-elle prise par le bon bout ? », Pascal Jean, Président de la commission Efficacité Energétique du SERCE

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Des contrats de performance énergétique dont les résultats ne seraient pas au rendez-vous, des certificats d’économies d’énergie qui n’auraient pas le caractère incitatif souhaité… Et si cette levée de boucliers, à l’approche de décisions importantes à venir, n’était qu’une erreur d’appréciation ? Pour Pascal Jean, président de la commission Efficacité énergétique du Syndicat des Entreprises de génie électrique et climatique (SERCE), la validité des dispositifs ne doit pas se mesurer en termes de rentabilité intrinsèque.

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Pascal Jean, Président de la Commission Efficacité Energétique du SERCE

La rentabilité de certains dispositifs, dont notamment les contrats de performance énergétique, est souvent montrée du doigt. Disposez-vous de résultats concrets ?

Pascal Jean : Tels qu’imaginés au départ, les CPE ont aussitôt été assimilés à des outils complexes assortis d’une ingénierie juridique difficile à mettre en place. Les premiers CPE ont donc semblé très ambitieux en termes d’investissement. Leur rentabilité est, pour l’instant, difficile à prouver, qui plus est en l’absence de plans de mesures et de vérification, pour une raison toute simple : il en existe très peu et l’on parle toujours des mêmes. Ainsi des CPE mis en place dans les lycées de la région Alsace où les économies d’énergie attendues étaient chiffrées à 35 %. Or, selon l’entreprise même qui a mené le projet, les économies sur la facture d’énergie ne seraient à ce stade que de 20 %. Pour un investissement de 30 millions d’euros sur 20 ans, c’est un chiffre qui refroidit toute la profession.

Deuxième point : si la rentabilité n’est pas nécessairement atteinte, c’est qu’il règne une certaine confusion dans ce que doit être le CPE. Pour certains, il est bon de l’associer à la vente d’énergie. Or, ce sont des notions totalement contradictoires et opposées. Le poids de l’énergie peut être tel, que rapporté à l’investissement, c’est lui qui l’emporte. La situation s’est vérifiée à Montluçon où l’économie d’énergie n’a finalement été que de 17 %.

Troisième obstacle enfin : on peut croire qu’en mettant en œuvre uniquement des solutions relatives au pilotage et au contrôle des équipements électriques, l’on parviendra à économiser 30 à 40 % sur la facture d’énergie. Or, si les solutions en question sont effectivement très efficaces, l’éclairage ne représente que 10 à 15 % de la consommation énergétique d’un bâtiment. Pour atteindre les objectifs, il ne s’agit pas d’opposer les solutions entre elles, pilotage, isolation, remplacement d’équipements, mais de toutes les mettre en œuvre d’une manière optimale et cohérente. C’est ce à quoi s’emploient les entreprises du SERCE.

Face aux travers que vous dénoncez, quelles réponses apporter ?

Pascal Jean : A ceux qui mettent en doute l’efficacité des CPE, nous pouvons apporter la preuve du contraire. Ainsi en est-il du premier contrat de performance énergétique de services signé pour la rénovation des systèmes énergétiques du Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne. Son objectif était de garantir dès 2013 et sur une durée de huit ans 40 % d’économies d’énergie sur la consommation du chauffage, de la ventilation et de la climatisation. Il a été dépassé : les économies d’énergie atteignent 45 % et la rentabilité est claire : six ans au lieu de huit. Et le CPE est le seul outil qui donne la garantie au maître d’ouvrage que les engagements pris soient vraiment tenus.

Mais j’en viens à cette question essentielle : faut-il exiger la rentabilité intrinsèque de ce genre d’opération ? La question, selon le SERCE, ne doit pas se poser en ces termes. S’interroge-t-on, lorsqu’il s’agit de refaire une façade d’immeuble ou de construire un hôpital, sur leur rentabilité ? L’efficacité énergétique est une exigence : tous les ans, les émissions de gaz à effet de serre augmentent dans le monde. La rentabilité de toute action doit être recherchée, bien sûr, surtout dans un environnement contraint, mais cela ne doit pas être la raison invoquée pour ne rien faire. Je crois que l’on n’aborde pas le problème sous le bon angle.

Autre sujet litigieux du moment : le dispositif des certificats d’économies d’énergie, dont certains opérateurs, EDF en tête, disent qu’il a atteint ses limites ? Qu’en pensez-vous ?

Pascal Jean : Effectivement, le débat fait rage. Certes, le système est complexe. Mais moins du fait du nombre d’opérations éligibles, qui permet à chacun de « faire son marché », que dans le montage des dossiers. Du côté des acteurs, on a vu, aux côtés des obligés que sont les énergéticiens, se créer d’autres structures : c’est une très bonne chose, cela crée de l’emploi.

Le dispositif est, aux yeux du SERCE, un excellent outil, toujours améliorable. Mais on ne demandait pas, au moment de sa création, la charge de la preuve. Sur le terrain, les entreprises le constatent : ces certificats constituent une aide financière importante, apte à faire accepter des travaux. L’aide, je le rappelle, peut aller jusqu’à 30 % du montant de l’investissement. Il n’y a plus, d’autre part, aujourd’hui, un seul de nos maîtres d’ouvrage qui ne fasse  référence au dispositif.

Un retour en arrière est-il envisageable ?

Pascal Jean : Le système apporte tellement d’avantages que l’on ne voit pas comment il pourrait être fait marche arrière. Au contraire, tout plaide pour que les recommandations de l’Ademe de doubler le niveau d’obligation de la troisième période par rapport à celui actuel de 345 TWh cumac, soient prises en considération. L’esprit qui doit inspirer la décision finale est que tout doit être utilisé pour favoriser l’efficacité énergétique. Les certificats d’économies d’énergie sont parfaits à cet égard.

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