Entretien des éléments d'équipement : quel impact sur la responsabilité des constructeurs ?

Ces dernières années, les éléments d’équipements se sont multipliés avec la performance énergétique - et demain environnementale - à laquelle les ouvrages doivent se conformer. Moult interrogations surgissent en matière de responsabilité des constructeurs...

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Entretien élément d'équipement
Mathieu Poumarède énonce qu''il n’y a pas de lien entre le bon entretien et la responsabilité des constructeurs."

« Cette question liée aux éléments d’équipement ayant pour fonction d’assurer la performance environnementale s'est invitée presque par effraction dans les réflexions contemporaines sur le champ de la responsabilité des constructeurs », énonce Mathieu Poumarède, professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole, en guise d’introduction de son intervention lors des 13èmes Rencontres de l’assurance-construction organisées par Ponts Formation Conseil le 19 novembre. 

La performance, composante de la destination de l’ouvrage

Aujourd’hui, la quête du secteur du BTP tourne autour du bâti économe et résilient. Les éléments d’équipements de l’ouvrage occupent une place cruciale dans cette perspective. Pour Mathieu Poumarède, « la performance énergétique – et demain la performance environnementale - des bâtiments est désormais au cœur de la destination des ouvrages et doit guider à la fois la conception et la construction ».

Ce phénomène s’est amplifié avec les différentes réglementations thermiques qui se sont succédé. A noter également que cette dimension est entrée dans la destination des ouvrages en 2015 par l’article L. 111-13-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), lequel a néanmoins essayé de restreindre la réparation du défaut de performance énergétique du bâti. « Cet article peut être perçu comme un oxymore », confie le professeur, « il affirme pour la première fois le fait que la performance énergétique relève de la destination des bâtiments et, dans le même temps, indique que ce défaut ne sera qu’exceptionnellement réparé ».

L’article L111-13-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) – qui sera renuméroté L. 123-2 d’ici à juillet 2021, à la faveur de la réécriture du CCH – dispose qu’«en matière de performance énergétique, l’impropriété à la destination, mentionnée à l’article L. 111-13, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant. »

L’entretien et la responsabilité qui en découle, deux notions floues

La problématique de l’entretien des panneaux photovoltaïques, des pompes à chaleur, etc. s’est rapidement posée. En effet, l’entretien permet à l’ouvrage d’être conforme à sa destination tout au long du délai décennal, et pas seulement au moment de l’achèvement des travaux. En conséquence, « il est presque certain que l’entretien soit au cœur des problématiques liées à l'élément d'équipement », explique le professeur. Et la jurisprudence doit pouvoir servir de guide pour appréhender les responsabilités qui y sont rattachées. 

Selon Mathieu Poumarède, « il n’y a pas de lien entre le bon entretien et la responsabilité des constructeurs.  La plupart des décisions rendues en la matière comprennent le dommage, au sens de l’article 1792 du Code civil, comme un désordre matériel. En l’absence d’un tel désordre, il n’y a pas de raison de retenir la garantie décennale du constructeur. Cette approche a été consacrée par l’article L. 111-13-1 du CCH. » Dans la pratique, les rares décisions se fondant sur ce texte ne rejettent pas la demande en réparation en raison de l’absence de dommage mais à cause de l’exigence de « coût exorbitant », obstacle difficilement surmontable.

En outre, « il incombe au maître d’ouvrage de rapporter la preuve du bon entretien de l’élément d’équipement. A défaut, cela serait de nature à exonérer partiellement le constructeur », signale le professeur. A noter que cette prestation  peut être confiée également au constructeur, à une entreprise tierce, à une filiale du fabricant, etc., engendrant des incertitudes pour le fondement de la responsabilité.

« Depuis 40 ans, la performance énergétique des bâtiments s'est immiscée dans la destination. Et depuis 2015 notamment, avec l'article précité, elle fait partie de la destination du bâti. Néanmoins, les responsabilités qui en résultent ne sont pas encore clairement établies », résume le professeur. Ces questions relatives à l'entretien peuvent se nourrir d’anciennes décisions mais aussi de récentes, qui accordent davantage de place aux éléments d’équipements au sein même de la garantie décennale par le biais de l'impropriété à la destination.

Vers plus de clarté avec le futur « carnet du logement » ?

« Un entretien approprié [au sens du CCH] peut être considéré comme un entretien qui est conforme aux préconisations apportées par le fabricant de cet élément. C’est un fait juridique, donc la preuve s’établit par tous moyens », spécifie Mathieu Poumarède. Mais cette preuve pourrait être facilitée par le carnet d’information du logement. Véritable arlésienne, ce document pourrait enfin voir le jour à la faveur du projet de loi de ratification de l’ordonnance « Essoc 2 » du 29 janvier 2020 – actuellement en cours de discussion au Parlement –, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2022.

Ce carnet a été souvent contesté, étant vu comme une atteinte au droit de la propriété. « Sa dernière mouture serait toutefois plus fine que les précédentes », ajoute le professeur, car « il aurait pour objectif de faciliter et d’accompagner les travaux d’amélioration de la performance énergétique du logement ainsi que l’installation d’un élément de contrôle et de gestion active de l’énergie ».

Pour être pleinement efficace, il serait obligatoire de l’établir dès la construction du bâti et pas seulement au moment de sa rénovation. Il devrait comporter des notices de fonctionnement, de maintenance et d’entretien, au sens de l’article L.111-13-1 du CCH. A terme, on peut penser que le maître d’ouvrage ou son successeur pourrait même y avoir accès de manière dématérialisée sur un site internet. Un procédé qui faciliterait également la preuve du bon entretien des éléments.

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