Jusqu'ici, Arc-en-rêve s'affichait avant tout bordelaise, malgré une ouverture constante sur l'actualité nationale et internationale. Avec cette exposition, elle se fait le vecteur d'une identité régionale, celle d'Aquitaine, dépassant le quant à soi jaloux de la Gironde, du Béarn, du Pays Basque et des Landes. Jamais en panne d'idées depuis sa création en 1981, cette institution unique en France, magnifiquement installée dans un ancien entrepôt, continue sa croisade en faveur de l'architecture contemporaine.
De quoi faire rêver les concepteurs bretons, lorrains ou lyonnais qui, en dehors de quelques « maisons de l'architecture » tenues par les ordres régionaux, ne disposent pas de lieu public pour exposer leur projet, encore moins de militant local de la qualité architecturale. Car Arc-en-rêve joue un rôle de sensibilisation, voire de médiateur entre les architectes et le pouvoir politique. Très en vue sous la précédente municipalité, son action s'est réduite aujourd'hui à proportion des moyens alloués, lesquels sont municipaux pour 70 %, nationaux pour les 30 % restant.
Riche héritage
Cette politique de communication - mais aussi d'exigences - a-t-elle porté ses fruits ? Ou la sélection des projets exposés - confiée à un comité de critiques français et étrangers - a-t-elle mis en avant une tendance ? De cette photographie de la région ressort un goût commun pour une modernité souriante et enthousiaste, un refus du pittoresque, une volonté de « s'enraciner sans s'attacher » qui évoque le « régionalisme critique » défini par Kenneth Frampton. Cette attitude collective a pour héritage les audacieuses constructions des années 30 impulsées par le maire Adrien Marquet, mais aussi l'hérédité de l'agence bordelaise Salier, Courtois, Lajus et Sadirac à l'oeuvre dans les années 60, puis celle de Jacques Hondelatte, Grand prix national d'architecture, dont Anne Lacaton et Philippe Vassal parmi d'autres se disent les enfants. Par ailleurs, la région a récemment vu défiler quelques pointures internationales - Richard Rogers (palais de justice de Bordeaux), Rem Koolhaas (maison privée à Bordeaux), Jean Nouvel (hôtel Amat) qui ont pu sensibiliser les maîtres d'ouvrage à un style ouvert à notre époque.
Riches de ces expériences et de l'Espagne toute proche avec Siza pour grand inspirateur, l'Aquitaine recèle par conséquent nombre de résistants convaincus au style néo-régional, par ailleurs architectes de talent. On peut citer Xavier Leibar (dont une école à Biarritz a remporté jadis une mention au prix de la Première oeuvre), Patrick Hernandez qui se livre au détournement de serres horticoles (« Le Moniteur » du 28 mai 1999, p. 26), Bernard Bühler qui a reçu cette année le Prix national de l'Union des HLM, l'équipe Goutti-Louilot toujours créative, le trop peu connu Yves Ballot, Alain de Giacinto, Patrick Arrotcharen et bien d'autres.
Exposition « Singulier/pluriel, architectures en Aquitaine, 1995-1998 ». Jusqu'au 31 octobre, tous les jours de 11h à 18 h (mercredi jusqu'à 20 h ). Entrepôt, 7 rue Ferrère, Bordeaux. Tél : 05.56.52.78.36.
PHOTOS :
Ci-dessus, la restructuration du collège Goya à Bordeaux, réalisée en 1997 par Yves Ballot.
Ci-contre, le Club House du centre hospitalier Haut-Lévêque à Pessac, 1997. Architectes : Pierre Goutti & Karine Louilot.
