QUESTION Une société se voit confier un premier marché, conclu à prix global et forfaitaire, d'un montant de 8 250 000 francs, et des travaux supplémentaires sont commandés et exécutés (trois avenants et deux commandes supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage) portant le montant à 15 731 074 francs. La société réalisatrice des travaux demande au maître de l'ouvrage la révision du prix du marché et le paiement d'un complément sur les intérêts de retard.
Un marché à forfait peut-il être transformé en un marché à prix actualisable et révisable si le doublement du montant du marché d'origine entraîne un bouleversement de l'économie du contrat ?
REPONSE Oui. La Cour de cassation admet de contrôler l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat, qui fait perdre à un marché initial son caractère forfaitaire. On pouvait hésiter dans cette affaire, puisqu'il était possible de soutenir, compte tenu des circonstances de l'espèce, que chaque avenant accepté par le maître de l'ouvrage constituait en lui-même un contrat autonome, lui aussi forfaitaire. La Cour de cassation admet avec un certain réalisme le bouleversement de l'économie du contrat, notion admise depuis longtemps en droit administratif avec la théorie de l'imprévision mais jusqu'alors très peu pratiquée en droit privé.
COMMENTAIRE Cette décision est très intéressante et confirme un précédent arrêt du 24 janvier 1990 (Cass. civ. 3 Bull III, no 28, p. 14) par lequel la 3e chambre civile de la Cour de cassation a accepté de contrôler l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat, après quelques arrêts qui n'avaient pas été publiés.