« La majorité des grandes entreprises dressent un bilan positif de leur plan de sobriété », se félicite le ministère de la Transition énergétique, à l’issue d’une réunion avec une soixantaine de sociétés du CAC 40 et du SBF 120, le 3 avril.
D’Axa à Orange en passant par Renault, ces entreprises utilisatrices de bureaux essentiellement mais aussi de commerces, usines et entrepôts pour certaines, « confirment avoir mis en place de nombreuses mesures », comme la sensibilisation des salariés aux écogestes (pour 91% d’entre elles) et le meilleur pilotage de l’éclairage des locaux (88%), souligne le ministère. Comme éteindre la lumière d’un plateau vide ? Cet écogeste ou geste de bon sens est obligatoire depuis l’application d’un décret du 1er juillet 2013, relatif à l’éclairage des bâtiments tertiaires la nuit... Il était temps de respecter ce texte. Merci la crise énergétique.
L’effet très limité du télétravail
La régulation du chauffage (90%) est également cité. Sur ce point, l’injonction gouvernementale à réaliser des économies d’énergie pour « passer l’hiver » a aidé les propriétaires de bâtiments tertiaires à convaincre les locataires - avec ou sans col roulé - à travailler dans des pièces moins chauffées qu’à l’accoutumée, à 19 °C.
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Concernant l’organisation du télétravail (71%) génératrice d’économies d’énergie, l’on peut émettre des doutes au regard des premières conclusions révélées le 3 avril par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb), qui ont analysé dix sites publics en Ile-de-France, Centre-Val-de-Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur et les logements de 100 agents volontaires.
Sur les deux premiers mois de l’expérimentation, en novembre et décembre 2022, « l’impact de la non-présence des travailleurs sur site sur les consommations d’électricité (ordinateur, éclairage) est négligeable », affirment l’Ademe et l’Ifpeb. Les économies d’énergie constatées dans ces bureaux sont « imputables à la sobriété et non au télétravail », alors que la baisse moyenne des consommations de chauffage fin 2022 a été de 38%, par rapport à la même période en 2021, ajoutent-ils.
Cette comparaison annuelle sur le mois de novembre particulièrement doux est toutefois à prendre avec des pincettes puisqu’il a fait 3°C de plus en moyenne dans le pays selon Météo France (10.9 °C en novembre 2022, 7.9 °C en novembre 2021). En revanche, il n’y a aucun écart significatif de températures entre décembre 2021 (6.9 °C) et décembre 2022 (6.7 °C).
Un potentiel d’économie de « 25 à 40% »
L’étude explique que seule la fermeture de plusieurs sites pendant une journée entière permet de réduire les consommations énergétiques. Le potentiel global d’économie des bâtiments serait de « 25 à 40% » par rapport aux journées ouvertes, grâce aux économies de chauffage. Or, la majorité des grands employeurs du pays ne ferment jamais leurs bureaux ou usines en semaine, bien que des accords de télétravail instituant un à quatre jours de présence sur site soient actés.
Obligation de travaux et de GTB
Pour rappel, les plans gouvernementaux de sobriété énergétique, de la rentrée 2022 puis de début 2023, visent à diminuer la consommation nationale de gaz et d’électricité de 10% d’ici fin 2024 et de 40% d’ici 2050, par rapport à 2019. L’acte 2 visant à pérenniser les bons gestes au nom de la neutralité carbone à atteindre en 2050, une nouvelle période s’ouvre sur ce front des économies d’énergie. Après les usages, il s’agit maintenant d’actionner le levier changement des équipements, des menuiseries, isolation... Avec des travaux à la clé pour les entreprises du bâtiment.
A l’instar de BNP Paribas Real Estate Investment Management (Reim), des propriétaires et locataires de bureaux, entrepôts et autres bâtiments non résidentiels concernés par le dispositif Eco Energie Tertiaire, outil réglementaire qui vise à réduire les consommations de -40% en 2030 par rapport à une année à choisir entre 2010 et 2019, sont en train d’auditer leur parc immobilier pour identifier les actions à réaliser.
D’autres, comme l’investisseur Swiss Life Asset Managers, ont déjà commencé à investir, en misant sur la Gestion technique du bâtiment (GTB), pour piloter les consommations des bureaux, commerces, hôtels... L’installation de ce système, à raison de 400€ à 500€/m² selon la société de conseil Longevity Partners, se fait sous une autre contrainte réglementaire : le décret Bacs, pour « Building automation & control systems ». Ce texte oblige en effet les bâtiments tertiaires d’une puissance nominale utile d’au moins 290 kW à se doter d’une GTB avant 2025.
A l’échelle européenne, d’autres incitations à la sobriété énergétique se mettent en place, de la taxonomie à la directive CSRD, qui obligera les entreprises à publier leur reporting extra-financier, en fonction de leur taille.
Ainsi, les plans non-contraignants du gouvernement, qui parient sur la bonne volonté des entreprises et des salariés, viennent en appui des outils réglementaires existants censés stimuler le bâtiment. Dans son ensemble, le secteur représente 43% des consommations énergétiques annuelles françaises et génère chaque année 23% des émissions de gaz à effet de serre (GES) nationales.