Des mesures immédiates, centrées sur les usages : éclairage, chauffage… Et quelques travaux à la clé.
Annoncé le 23 juin par Elisabeth Borne et Agnès Pannier-Runacher, le plan national de sobriété énergétique a été présenté par la Première ministre, la ministre de la Transition énergétique et d’autres membres du gouvernement ainsi que des dirigeants du privé et du public concernés (Enedis, Orange, Blablacar…), le 6 octobre au Parc des expositions à Paris.
Chaque secteur connaît désormais la marche à suivre pour atteindre deux objectifs : réduire la consommation énergétique du pays de 10% d’ici 2024 et éviter les coupures d’électricité et de gaz cet hiver. Contexte : la France doit se passer du gaz russe, qui représentait 17% du gaz consommé en février 2022 selon GRDF, et de nombreux réacteurs nucléaires arrêtés.
L’industrie doit isoler ses réseaux de chaleur
Une cinquantaine d’usines arrêtent ou freinent des lignes de production, selon l’organisation professionnelle France Industrie, qui craint un reflux durable de ce secteur qui pèse 12 % du PIB national. L’utilisation de gaz ou d’électricité par les sidérurgistes ou les cimentiers peut représenter jusqu’à 60% des coûts de production.
Dans ce contexte, l’industrie doit « massifier les actions d’audit énergétique et déployer des solutions de management et d’optimisation de l’énergie », lit-on page 26 du communiqué de presse. L’idée, in fine, consiste à « réaliser rapidement des économies d’énergie » en investissant dans des « systèmes de management de l’énergie », « l’isolation thermique des réseaux de chaleur » ou encore « l’étanchéité des réseaux ».
La rénovation massive des logements, c’est maintenant
Le logement, en particulier les 4,8 millions de passoires thermiques (selon le gouvernement, qui doit prochainement mettre à jour cette estimation) dont 1,8 million dans le parc HLM, doit se mobiliser. Au programme, notamment : « Rénover l’habitat privé et le logement social » et « massifier l’installation des outils de contrôle, comme les programmateurs de chaudières », a illustré Olivier Klein, ministre du Logement.
Ces programmateurs sont obligatoires pour les installations de chaudières depuis 2018 (de l’ordre de 600 000 logements par an) et lors de l’installation de compteurs, « mais ça ne va pas assez vite, alors qu’il y a un gain énergétique de plus de 15% pour une chaudière à gaz », a-t-il insisté.
D’autres leviers ont été présentés comme le Coup de pouce « Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires ». L’incitation financière permet de raccorder une chaudière au gaz collective au réseau de chaleur urbain, si possible alimenté par des énergies renouvelables, pour 200€ par logement. Le retour sur investissement se compte en semaines.
Les collectivités veulent construire des écoles à basse consommation
Une enveloppe de « 220 M€, dans le cadre des CEE » vise à soutenir les collectivités dans le recrutement d’agents spécialisés dans l’efficacité énergétique et le financement d’études pouvant déboucher sur des travaux de rénovation thermique ou l’installation d’un système de Gestion technique du bâtiment (GTB), a annoncé Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
De son côté, Marie-Claude Jarrot, maire Horizons (Edouard Philippe) de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), a promis que la construction d’écoles à basse consommation d’énergie sera systématique dans sa ville de 18 000 habitants.
Il a également été question de Prioréno, un service d’intelligence artificielle et gratuit de la Banque des Territoires, à destination des collectivités. Objectif : identifier les rénovations afin de lutter contre les déperditions d’énergie dans les bâtiments publics.
Des thermostats intelligents au sein des administrations
Outre les déplacements du personnel, « les deux-tiers du sujet (de la sobriété énergétique dans la fonction publique, NDLR), ce sont les 190 000 bâtiments publics, soit 94 millions de m² », a rappelé Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique. D’où la nécessité d’investir. En témoigne cette « enveloppe de 150M€ supplémentaires dès cet hiver, pour qu’aucun projet de changement de chaudière ou d’installation de thermostat intelligent ne soit bloqué » sur fond d’inflation annuelle à près de 6%, a-t-il promis.
Sur le papier, les mesures visant le bureau, centrées sur les usages, ne devraient pas bousculer le BTP ni générer de travaux. Idem pour le sport, les transports ou encore les Etablissements recevant du public (ERP) : restaurants, hôtels, commerces…
Ces plans sectoriels sont le fruit des réunions estivales de neuf groupes de travail ouverts aux énergéticiens et aux ONG. Cette démarche de sobriété énergétique « ne s’arrêtera pas à l’hiver 2022-2023 », a déclaré Agnès Pannier-Runacher. A long terme, les nouvelles pratiques – souvent évidentes (fermer la porte d’un commerce climatisé) et parfois indolores (stopper la ventilation dès que le bâtiment est inoccupé) – doivent permettre à la France de sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et de réduire de 40% sa consommation d’énergie d’ici 2050 afin d’atteindre la neutralité carbone.
En 2020, le bouquet énergétique primaire réel du pays était à 46% d’origine fossile, selon le gouvernement. Le pétrole (importé d’Arabie Saoudite, d’Algérie, du Nigéria, de Russie…) représentait 28% ; le gaz dit naturel mais en réalité fossile et de surcroît importé (de Norvège principalement), 16% ; le charbon (australien et russe essentiellement), 2%. Le nucléaire pesait 40% et les énergies renouvelables et les déchets, 14%.