La chasse au bruit devient une des priorités

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A la demande des maîtres d'ouvrage, de plus en plus exigeants en matière d'environnement, le travail sur le bruit reste un thème dominant. Après la grande mode des enrobés drainants, de nouvelles idées émergent pour réduire les nuisances acoustiques de la route.

Toujours plus. Voilà comment pourraient être qualifiés les appels d'offres dans la route, en ce qui concerne l'environnement. Et notamment le bruit, auquel les élus locaux sont particulièrement sensibles.

L'Etat a lancé en début d'année la chasse au bruit, à l'appui du rapport sur « la résorption des points noirs du bruit routier et ferroviaire », rédigé par l'ingénieur général Claude Lamure. Ce document a recensé 500 « points noirs » en France, dont le traitement devrait faire l'objet d'une ligne spécifique dans les prochains contrats de Plan Etat-régions. Le rapport Lamure estime l'enveloppe globale nécessaire à 1,7 milliard de francs par an, pendant sept à dix ans ! Les entrepreneurs essaient en conséquence de mettre au point des produits de plus en plus performants vis-à-vis des nuisances phoniques.

Gommer les effets de l'air comprimé

Pour comprendre où en est la recherche dans ce domaine, il convient d'abord de rappeler ce qu'est le bruit. « C'est un phénomène complexe, résume Albert Marsot, directeur technique d'Entreprise Jean Lefebvre. La roue du véhicule "avale" de l'air devant elle et le libère derrière elle, en créant une lame d'air comprimé. La première idée a donc été de créer des vides dans la chaussée, pour absorber cette lame d'air : c'est le principe des enrobés drainants, dans lesquels les vides ont parfois dépassé 25 % en volume. » Mais la question de l'entretien et du colmatage de ces revêtements a rapidement montré leurs limites, dans la mesure où les vides ont tendance à se boucher, réduisant d'autant les qualités acoustiques de l'enrobé drainant.

Absorber les chocs et les vibrations

« On s'est aperçu, ensuite, que le bruit provenait également des vibrations sur la chaussée, ajoute Albert Marsot. On a donc cherché à soigner le support de la route, pour obtenir une sorte de "moquette", en introduisant dans l'enrobé des billes de caoutchouc qui absorbent la vibration transmise aux cailloux dans le matériau. »

Justement, l'ensemble des filiales du groupe Colas (Screg et Sacer) propose, sous des noms différents, des enrobés drainants permettant une réduction des bruits de roulement. Les meilleures performances sont obtenues par le Colsoft, produit vedette du groupe en la matière. Contenant des granulats en caoutchouc issus de pneumatiques usagés, ce béton bitumineux mince ou très mince autorise couramment des gains de 4,5 à 6 dB(A) et s'applique aussi bien sur autoroute qu'en milieu urbain. Actuellement, la direction de la recherche « pousse les feux » en ce domaine, afin de multiplier ces gains d'ici à un ou deux ans.

Toutefois, l'incompatibilité du caoutchouc et du bitume posant des problèmes mécaniques, une autre piste a alors été suivie. « L'origine principale du bruit est le choc du pneumatique contre les cailloux de la chaussée », explique Jean-Pierre Grimaux, directeur technique de Routière Morin. « Plus les granulats sont petits, moins le choc est important et moins il y a de bruit. La mode est donc actuellement aux enrobés dits "fins", c'est-à-dire avec des cailloux dont le diamètre peut rester inférieur à 6 mm. »

En résumé : plutôt que d'absorber le bruit, on diminue son émission en réduisant la taille des granulats. Auparavant rejetés, en raison des risques de glissement qu'ils présentaient, les enrobés fins ont finalement la cote, le fichier national « glissance » ayant démontré que lorsque la granulométrie diminue, l'adhérence s'accroît, au contraire, en raison de l'augmentation de la surface de contact entre la chaussée et le pneumatique. Routière Morin a, par ailleurs, prouvé que la mise en oeuvre de ces matériaux ne nécessitait pas de matériel spécifique.

« Tout le monde sait maintenant que le bruit de la route est créé lorsque les pavés élémentaires du pneu percutent les granulats, confirme Bernard Héritier, directeur technique de SCR-Beugnet. C'est vrai que les produits dits "antibruyants" s'inscrivent dans la coupure 0/6, mais il pourrait aussi y avoir une coupure intéressante à 8 mm. Et l'on essaie toujours de résoudre la question de l'absorption du bruit dans la chaussée, sans revenir à un matériau réellement drainant. On cherche en réalité à introduire de la porosité dans les enrobés fins : les formules sont très discontinues, avec par exemple du 0/2 et du 4/6, ce qui nécessite d'avoir de bons liants. » C'est le principe du Tapiphone de SCR-Beugnet, qui permet d'obtenir un gain de 5 dB par rapport à un béton bitumineux (BB) classique.

Vers des formules plus complexes

« Des enrobés drainants, on est passé aux BB silencieux et l'on revient aujourd'hui vers les BB drainants », souligne pour sa part Jean-Pierre Marchand, directeur technique d'Eurovia, qui commercialise la Viaphone. « On s'est en effet aperçu d'une idée fausse : la taille des granulats n'influe pas autant qu'on le pensait sur les vides. On descend certes un peu en perméabilité, mais on parvient à un bon compromis entre l'adhérence et la viabilité hivernale : les drainants restent des produits intéressants, pour le confort de l'usager et pour celui des riverains. »

Fortes de ces différentes expériences, les entreprises tentent finalement de les associer. Chez SCR-Beugnet, le Citychape reprend l'idée de la discontinuité granulométrique et ajoute une poudrette de caoutchouc, qui se marie au bitume à l'aide d'un "compatibilisant". Une partie du caoutchouc est « digérée » par le liant, une autre partie reste intacte entre les granulats. Un principe assez complexe, qui se rapproche donc du Colsoft de Colas. Entreprise Jean Lefebvre prépare de son côté un nouveau produit, qui succédera à son Ultraphone.

Dernière piste enfin, la mise en oeuvre de l'enrobé. La déformation de la carcasse du pneu créant elle aussi du bruit, les routiers travaillent sur le profil longitudinal de la chaussée. Cas idéal : le pavé parisien, dont les dimensions correspondent à la plage de déformation macroscopique du pneu !

PHOTO : Le bruit est un phénomène complexe. La roue du véhicule « avale » de l'air devant elle et le libère derrière elle, en créant une lame d'air comprimé.

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